Le ministère public du Seigneur est maintenant terminé. Dans les chapitres 5 à 12, Jean a montré pourquoi les chefs des Juifs n’ont pas reçu Jésus comme Messie et l’ont rejeté comme Fils de Dieu. Une nouvelle section de l’évangile s’ouvre : dans les chapitres 13 à 16, Jésus s’entretient intimement avec ses disciples la nuit avant sa mort. Rejeté, le Seigneur ne peut pas encore régner sur son peuple terrestre, mais il donne à ses disciples une part avec lui dans la gloire céleste. Il leur révèle la place qu’ils occupent dans son cœur, leur nouvelle position dans le monde et devant le Père, leurs privilèges, et leurs responsabilités.
Le Seigneur n’a jamais été surpris par les événements. Il savait qui il était et quel était le but de son œuvre. Il est monté à Jérusalem connaissant ce qui devait lui arriver1. Son heure est maintenant venue pour passer de ce monde au Père. Mais auparavant il désire célébrer la Pâque une dernière fois. Cette fête n’est plus appelée celle des Juifs (6. 4). Tout ce que Dieu s’est proposé en instituant la Pâque va s’accomplir. Jésus va s’offrir en sacrifice comme le véritable
Malgré le trouble de son âme à la perspective de la mort (12. 27) et la présence de Judas dans la chambre haute (verset 21), Jésus poursuit sans interruption son service d’amour envers les siens. Alors qu’il savait que l’un de ses disciples le trahirait, qu’un autre le renierait et que tous l’abandonneraient pour un temps, Jésus se tourne vers ses disciples pour leur montrer qu’il ne les laisse pas à eux-mêmes, comme ils auraient pu le craindre. Les yeux fixés sur le sanctuaire céleste où il va bientôt monter, le Seigneur les aime jusqu’à la fin2, c’est-à-dire jusqu’à la limite de toute une série d’événements qui conduisent à sa mort, à sa résurrection, et même à son retour.
Que de contrastes pendant ce dernier souper dans la chambre haute que le Seigneur s’était réservée à l’avance pour célébrer la PâqueLuc 22. 7-13 ! Dans les scènes les plus sublimes, le diable est toujours présent. Fidélité et trahison sont face à face ; d’un côté l’amour de Jésus, de l’autre la machination de Judas. Satan avait semé la trahison dans son cœur, mais Judas porte l’entière responsabilité de ses actes, car il avait lui-même préparé le terrain par sa cupidité.
L’entrée de Jésus dans le monde et sa sortie du monde sont uniques. Pendant les dernières heures passées avec ses disciples avant de mourir, Jésus parle à plus d’une reprise de son mouvement3 vers le Père, en pleine connaissance de son éternelle divinité et de l’autorité que le Père lui a donnée (14. 12, 28 ; 16. 5 ; 17. 11). Les déclarations du Seigneur à ce sujet soulignent combien il s’est abaissé en prenant volontairement la position d’un esclave au milieu des siens. L’amour est une puissance irrésistible. Il aime servir et s’exprime dans des tâches souvent humblesLuc 22. 27. Quelqu’un a dit : « Personne n’est plus proche des hommes que celui qui est proche de Dieu ».
A cette époque, en Orient, les pieds étaient chaussés de sandales et se salissaient vite sur les chemins poussiéreux. Laver les pieds était un geste d’hospitalité. Quand on entrait dans une maison, et surtout avant de prendre un repas, il était d’usage de procéder à l’ablution. Cette tâche, l’une des plus humiliantes, était réservée aux esclaves. Ce soir-là, dans la chambre haute, les disciples avaient complètement manqué de civilité par orgueil4 ou par négligence. Se sentaient-ils au-dessus de cette tâche ? Avaient-ils oublié la présence du Seigneur au milieu d’eux ?
Le Seigneur ne fait pas de reproche, mais leur donne un exemple en accomplissant ce qu’ils auraient dû faire eux-mêmes. Il bouleverse leur conception de l’autorité. Mettant de côté sa seigneurie jusqu’à enlever ses
Marie de Béthanie avait oint de parfum les pieds du Seigneur, et les avait essuyés avec ses cheveux, dans un élan d’adoration envers Celui qui n’avait jamais contracté la moindre souillure en marchant dans le monde (chapitre 12). Ici, le Seigneur lave les pieds de ses disciples et les essuie avec un linge pour effacer toute trace du lavage opéré. Le Seigneur est plus occupé de notre sainteté que nous pouvons le penser, car l’amour divin ne peut tolérer l’impureté. Jésus voulait parler à des cœurs sanctifiés (14. 1) avant d’instituer la Cène à la fin du repas, comme nous le rapportent les autres évangiles.
L’acte du Seigneur nous montre que, pour vivre en communion avec lui, il faut un lavage renouvelé6, car aucun croyant ne peut éviter la souillure morale en vivant dans ce monde. Ce que nous voyons, entendons et faisons dans la vie quotidienne peut nous salir. Seule la parole de Dieu, symbolisée par l’eau, accomplit cette purification7Éphésiens 5. 26.
Jésus vient à Pierre qui s’étonne de le voir accomplir un tel service. Mais qui, d’entre les disciples, s’était levé pour saisir le linge et laver les pieds des hôtes ? Pierre refuse catégoriquement que le Seigneur lui lave les pieds : “Tu ne me laveras jamais (litt. : en éternité) les pieds !” Sa présomption lui cache son ignorance. Alors Jésus explique à Pierre qu’il comprendra plus tard la signification spirituelle de son geste. Beaucoup d’actions de Jésus sont restées énigmatiques pour les disciples jusqu’à la venue du Saint Esprit. Pierre fut sans doute le premier à comprendre la nécessité de cette purification morale quand le Seigneur le rencontra en privé le jour de la résurrectionLuc 24. 34 avant de le rétablir publiquement quelques jours après (21. 15-17). Il faut être dans un état convenable, c’est-à-dire nettoyé, pour recevoir les paroles du Seigneur.
L’épître à Philémon illustre ce service d’une manière remarquable. Paul ne fait pas de reproche à Onésime, un esclave qui s’était enfui, ni à Philémon, son maître. L’apôtre était prêt à indemniser Philémon pour réparer la faute d’Onésime. L’épître aux Philippiens donne un autre exemple de « lavage des pieds » : un des buts de cette lettre est de rétablir la communion dans le service entre deux sœursPhilippiens 4. 2.
Pierre n’a pas compris la signification spirituelle que Jésus donne au lavage des pieds. Mais il a discerné quelque chose d’insolite et change vite d’opinion, comme nous le faisons si souvent. Il vient de refuser que Jésus lui lave les pieds, et demande à présent d’être lavé tout entier ! Conclusion trop hâtive, car il n’a pas pris le temps de comprendre ce que Jésus voulait lui enseigner. Une remarque dite hors de propos entraîne souvent des exagérations dans le mauvais sens. Pierre avait oublié que le premier devoir d’un disciple est d’apprendre et d’obéir.
Les disciples, à l’exception de Judas, sont déclarés purs (lavés de leurs péchés, pardonnés) par le Seigneur. Leurs corps avaient été déjà entièrement baignés8 parce qu’ils ont cru à sa parole (15. 3). Il s’agit de la purification initiale lorsqu’on reçoit Jésus comme Sauveur. Elle est faite une fois pour toutesHébreux 10. 10, 14. Quand nous sommes lavés, Dieu nous regarde non seulement comme pardonnés, mais aussi comme justes.
La pureté initiale vient du pardon accordé1 Corinthiens 6. 11. Mais il y a aussi un exercice quotidien et nécessaire de purification, comparable au lavage des pieds, pour chacun. Le Seigneur montre à Pierre que s’il ne le purifie de ces inévitables souillures, la communion est interrompue : “Tu n’as pas de part avec moi”. Nous sommes totalement incompétents pour le faire par nous-mêmes ! C’est l’œuvre de la parole de Dieu.