Être disciple de Jésus n’est pas une simple adhésion intellectuelle à son enseignement ni le résultat d’une forte émotion. Le Seigneur donne ici un test de vérité à l’égard de ceux qui avaient cru en lui. A plusieurs reprises déjà, dans cet évangile, quelques prétendus disciples n’avaient pas pu démontrer la réalité de leur foi (2. 23, 24 ; 6. 66). Quels sont donc les critères qui permettent de déterminer un vrai disciple, aujourd’hui comme alors ?
Le terme disciple signifie « celui qui apprend et suit l’enseignement reçu ». Il est soumis à la discipline du maître. Quand ce Maître est Jésus, le disciple réalise que son joug est aiséMatthieu 11. 30 et il goûte alors la vraie liberté, celle que procure la connaissance de la vérité divine. La vérité ne peut pas s’accommoder d’une pensée en constante évolution. La foi chrétienne se base sur la vérité révélée par la parole de Dieu, vérité absolue, et cherche à mieux la comprendre avec le secours du Saint Esprit.
Le peuple juif a toujours été épris de liberté. C’est d’ailleurs le désir de tout homme. Or la liberté véritable est différente de celle à laquelle aspire le cœur naturel. Donner libre cours à ses caprices, satisfaire ses convoitises et toutes ses envies n’est pas la liberté. Les Juifs qui disputaient avec Jésus ne pensaient qu’à une liberté politique et sociale. Refusant d’admettre leur condition d’assujettissement aux Romains, ils se vantaient d’être le peuple élu, les descendants d’Abraham. Quant à leur état spirituel, un véritable aveuglement les caractérisait.
Jésus place alors le débat sur un plan que ces Juifs n’envisageaient pas. Le véritable asservissement n’est pas tellement social ou politique, il est moral. Lors de la rupture de ses relations avec son Créateur, l’homme, par sa désobéissance, s’est mis sous l’empire du péché et de Satan lui-même. Seul un libérateur peut délivrer de cet esclavage-là. Le Fils de Dieu est venu pour détruire les œuvres du diable et pour ôter nos péchés1 Jean 3. 8, 4. Ainsi libéré, affranchi1 par le Fils, le croyant est placé dans une relation filiale avec Dieu lui-même. Il n’est plus appelé esclave (15. 15) et peut donc demeurer pour toujours dans cette relation de fils (verset 35). La vraie liberté chrétienne est donc de pouvoir faire, en tant que fils, la volonté du Père. Cette condition d’affranchissement est goûtée dans sa plénitude lorsque nous persévérons dans la vérité. Là est le secret pour jouir de la liberté.
Dans leur orgueil, les Juifs justifiaient leur confiance en eux-mêmes par le fait qu’ils descendaient d’Abraham. Ils oubliaient que les vrais fils agissent comme leur père (verset 39). Et quand, dans le débat qui les oppose à Jésus, Abraham ne leur suffit plus, ils invoquent la paternité de Dieu (verset 41). Le Seigneur, par des paroles spécialement sévères, démontre que ce qui détermine le caractère de l’homme n’est pas son ascendance naturelle ou raciale, mais bien sa filiation spirituelle. Satan a placé l’humanité sous sa domination, et le peuple juif n’y échappe pas. Il faut une œuvre libératrice pour amener l’homme dans une position nouvelle. Cette œuvre a été accomplie par Jésus et n’est reçue que par la foi. Il en résulte alors une nouvelle filiation qui accorde le titre d’enfant de Dieu à quiconque croit (1. 12).
Dans tous ces versets, le Seigneur insiste sur le fait que, pour comprendre son langage, il est nécessaire d’écouter sa parole (verset 43). Le langage biblique peut paraître difficile, voire obscur à l’incrédule, mais il devient compréhensible pour ceux qui aiment Jésus (verset 42).
Satan lui-même, par la séduction du péché, a aveuglé les pensées de l’homme pour l’empêcher de recevoir la lumière de l’évangile2 Corinthiens 4. 4. Dès le début de l’histoire de l’humanité, le diable a montré qu’il était menteur et meurtrier ; il incite ceux qu’il domine à agir de la même façon. L’homme dans ses péchés est bien un fils spirituel de Satan, mais il peut en être délivré par Jésus qui a remporté la victoire à la croix du Calvaire. Les paroles de Jésus ont pu paraître dures, mais leur véracité a été démontrée lors de la condamnation du Seigneur. Aucun des événements contemporains ne peut les démentir.
Avec le langage incisif de la vérité, le Seigneur souligne maintenant la vraie nature de ses contradicteurs : “Vous n’êtes pas de Dieu” (verset 47). Il les met même au défi de le convaincre d’une faute. Incapables de le prendre en défaut, les Juifs injurient alors Jésus en le traitant de Samaritain et de démoniaque. Dans une perfection absolue, le Seigneur ne répond pas à l’outrage, mais se remet à celui qui juge justement1 Pierre 2. 23.
Pour la première fois au cours de ce débat, Jésus souligne ses déclarations par un double “Amen” : “En vérité, en vérité, je vous dis…” (verset 51). La liaison de ces paroles avec ce qui précède n’est pas évidente, mais il semble que Jésus veuille placer la discussion sur un dernier plan, celui de la vie éternelle. Là était le but de la venue de Jésus, donner la vie éternelle à ceux qui croiraient en lui (10. 10, 28). Ce nouveau sujet place les Juifs dans une position encore plus inconfortable, car toutes leurs espérances étaient pour la terre. Répétant l’insulte précédente, les Juifs argumentent en se référant aux déclarations de la Parole concernant la mort des prophètes et d’Abraham en particulier. Comment alors Jésus ose-t-il affirmer que celui qui garde sa parole ne verra pas la mort ? “Qui te fais-tu toi-même ?” lui disent-ils (verset 53), ou comme nous dirions aujourd’hui : “Pour qui te prends-tu ?”
Le Seigneur leur répond en évoquant à nouveau sa relation avec son Père : ce n’est pas moi qui m’attribue de la gloire, non, c’est mon Père qui me glorifie (verset 54). Jésus démontre l’ignorance de ses contradicteurs qui se targuaient d’avoir Dieu pour père. Si cela avait été le cas, ils se seraient réjouis de voir Jésus et auraient gardé sa parole. Abraham, lui, avait interprété justement les promesses de Dieu au sujet de sa descendance, c’est-à-dire le Messie promis. Ce qui lui était dit d’Isaac, dont le nom signifie rire, le fit tressaillir de joie en envisageant l’accomplissement des promesses. Celles-ci lui furent confirmées le jour où Isaac a été offert à Morija, mais remplacé sur l’autel par le bélier retenu par les cornes dans le buissonGenèse 22. 13, 18.
A une nouvelle insulte, Jésus répond par une déclaration glorieuse qui se rapporte à sa divinité éternelle : “En vérité, en vérité, je vous dis : Avant qu’Abraham fût, je suis” (verset 58). Une fois de plus dans l’évangile selon Jean, le Seigneur emploie cette expression traduite par “Je suis” et qui a le sens d’une existence en dehors du temps et de l’espace, une vie qu’il possède en lui-même sans l’avoir acquise, la vie divine par excellence. Il n’est pas étonnant que les Juifs tentent de le lapider car, pour eux, il blasphème. En voulant le mettre à mort, ils déclarent de fait qu’ils sont sans péché et que Jésus seul est un pécheur (verset 7). Mais Jésus se dérobe à leur regard et sort du temple. Il n’aura désormais de relation personnelle qu’avec celui qui croit (9. 38, 39).