Les chapitres 18 et 19 forment une nouvelle section de l’évangile selon Jean. La sobriété avec laquelle l’évangéliste décrit le sacrifice du Fils de Dieu correspond à la grandeur de l’œuvre et à la sainteté de la victime.
Jésus est venu dans le monde pour “donner sa vie” Matthieu 20. 28 afin de nous sauver. Il a toujours été pleinement conscient que la croix était le but de sa carrière sur la terre, car il a annoncé en termes formels qu’il mourrait de cette manière (3. 14 ; 8. 28).
Après avoir pris soin de ses disciples (chapitre 13), les avoir enseignés (chapitre 14 à 16) et confiés à son Père dans la prière (chapitre 17), Jésus s’avance seul vers le Calvaire après Gethsémané. Personne ne pouvait l’accompagner dans son œuvre de salut, ni ses propres disciples, ni les Juifs les mieux intentionnés (7. 34 ; 8. 21 ; 13. 33).
Après avoir prié, Jésus traverse le torrent du Cédron1 et se rend dans le jardin de Gethsémané (“pressoir à huile”), appelé aussi le jardin des Oliviers2. Ce jardin d’intimité et de prière où il avait l’habitude de se rendre avec ses disciples devient le lieu de son arrestation. Comme le rapportent les autres évangiles, c’est aussi là que Jésus, dans l’angoisse du combat, pria de toutes les forces de son être et accepta que la volonté de son Père soit faite et non la sienne, avant d’être trahi par Judas Iscariote.
Le choix de cet endroit est frappant par ses contrastes avec le jardin d’Éden. Adam, le premier homme, désobéit à Dieu et prend du fruit défendu en Éden. A Gethsémané, dans une soumission parfaite et librement consentie, Jésus, le second homme1 Corinthiens 15. 47, accepte la coupe de l’épreuve suprême de la main de son PèreMatthieu 26. 36-46. Adam est chassé hors d’Éden ; Jésus est arrêté dans le jardin des Oliviers.
Avec l’autorisation des principaux sacrificateurs et des pharisiens3, Judas vient à la tête d’une grande troupe pour arrêter Jésus dans le jardin des Oliviers. Ils viennent de nuit, car les chefs craignaient les réactions des foules. L’endroit, calme, était propice au traître, car Jésus s’y était souvent assemblé avec ses disciples, probablement pour se tenir à l’abri du regard des foules.
La Pâque se prépare. C’est la pleine lune, mais les ennemis du Seigneur arrivent munis de lanternes et de flambeaux. Moralement dans les ténèbres, ils ont besoin de leur propre lumière pour accomplir leur œuvre. Jésus était venu apporter le salut à des injustes. Eux viennent chercher le Juste pour le mettre à mort. Toutefois, le plan de Dieu s’accomplit au moyen de ces hommes. C’est un profond mystère, car ni Judas, ni personne d’autre, n’a jamais été obligé de pécher pour accomplir le plan divin4.
Jusqu’ici, Jésus avait toujours marché dans la lumière (12. 35). Il entre maintenant dans un chemin de ténèbres, mais comme Fils de Dieu dans toute sa puissance. Il reste souverain même quand il est aux prises avec l’opposition de ses ennemis.
Dans le désert, le diable avait insinué : “Si tu es Fils de Dieu, dis…” Jésus s’avance avec dignité et dit à ceux qui viennent chercher Jésus le Nazaréen5 : “C’est moi” (litt. : “Moi, je suis”). Il se place volontairement devant les siens pour les protéger. La déclaration de son existence éternelle (“Moi, je suis”) fait rayonner une telle puissance que les hommes reculent et tombent à terre. On peut penser que Judas les a suivis dans leur chute. Les prophéties s’accomplissaient jusque dans les moindres détailsPsaume 27. 2 ; 35. 4 ; 40. 15.
Pour la seconde fois, Jésus demande à ses adversaires de déclarer qui ils viennent chercher. Lui seul devait être pris, à l’exclusion de ses disciples, comme il l’avait dit à plusieurs reprises (6. 39 ; 10. 28, 29 ; 17. 12).
Pour rester cohérent avec ses engagements, Pierre aurait dû se livrer à la place de son Maître (13. 37). Lui qui n’avait pas pu lutter, même une heure, avec Jésus dans la prièreMatthieu 26. 40-41 choisit l’offensive par les armes. Pour défendre son Maître, il frappe Malchus, probablement la première personne à avoir porté la main sur Jésus. Pierre avait certainement l’intention de tuer Malchus6. Il ne lui coupe qu’une oreille, mais Jésus intervient en guérissant la blessureLuc 22. 51. Sans s’en rendre compte, Pierre se mettait une nouvelle fois en travers des plans divins (comp. avec Matthieu 16. 22). Son geste brutal aurait pu déclencher un massacre. Jésus demande à Pierre de rengainer, car il ne voulait recourir à aucune protection humaine. Il s’en remettait entièrement à son Père. (Que de souffrances et d’iniquités auraient été évitées si les chrétiens avaient suivi son exemple et n’avaient jamais pris les armes).
Jésus n’ignorait rien de ce qui devait lui arriver (12. 23 ; 13. 1, 3), mais tant que son heure n’était pas venue, ses ennemis ne pouvaient rien contre lui (7. 30, 44 ; 8. 20). Quand arrive alors le moment du sacrifice, Jésus n’est pas fait prisonnier : il se constitue prisonnier7. La coupe qu’il avait accepté volontairement de boire venait du Père, pas de Judas.