La discussion entre un Juif et les disciples de Jean mentionnée au chapitre précédent a eu plus de conséquences qu’on ne l’aurait cru. Il en est souvent ainsi de tout litige. Les réponses de Jean-Baptiste auraient pourtant dû convaincre chacun, mais la rumeur persiste. Les pharisiens sont mis au courant de cette affaire et ils en tirent une fausse conclusion, n’y voyant qu’un conflit de personnes. Ne voulant pas que Jean en subisse un préjudice quelconque, le Seigneur se retire en Galilée. Non pas uniquement pour laisser la place à Jean, mais pour que soit établie la distinction entre les deux ministères. On ne peut pas maintenir le ministère de la loi (Jean en était le dernier représentant) tout en proclamant celui de la grâce.
La loi a fait place à la grâce et à la vérité venues par Jésus Christ (1. 17). C’est le thème de l’enseignement de l’apôtre Paul dans plusieurs de ses épîtres, en particulier celle aux Galates. Le danger n’est plus le même aujourd’hui, du moins quant au judaïsme, mais il subsiste un risque de mélanger des principes de loi avec l’enseignement de la grâce. Le légalisme conduit à la servitude tandis que la grâce nous place dans la libertéGalates 5. 1.
Il ne s’agit pas tant de considérations géographiques, car il y avait la possibilité de contourner la
Le parcours de Jésus le conduit donc à une ville nommée Sichar. C’est probablement la ville de Sichem mentionnée dans la GenèseGenèse 34. 18, 19 ; 48. 22 au cours d’une phase sombre de la vie de Jacob. Cette ville a été le point de départ de la rébellion des dix tribus1 Rois 12. 25, bien que ville de refuge choisie par JosuéJosué 20. 7. Ce lieu historique fait ressortir un fait constamment attesté par les Écritures : la surabondance de la grâce là où le péché abondeRomains 5. 20.
La tradition attribuait au patriarche Jacob la découverte ou le creusement du puits de Sichar et les Samaritains prétendaient en être les héritiers légitimes. Mais ce n’est pas sur ces considérations que le Seigneur engage la conversation qui va suivre, car il y a des choses bien plus importantes que des discussions sur la validité des traditions. (Retenons aussi cela pour nous-mêmes.)
N’est-il pas surprenant que la fatigue de notre Seigneur soit mentionnée dans l’évangile du Fils de Dieu ? La divinité de Jésus n’enlevait rien à sa réelle humanité. Il n’a jamais utilisé ses attributs divins pour soulager sa propre souffrance. Jésus a connu la faim, la soif, la fatigue ; il a été angoissé dans son âme et troublé dans son esprit ; il a été éprouvé en toutes choses comme nous, à l’exclusion du péchéHébreux 4. 15 ; il a porté dans son cœur la douleur de ses créatures souffrantesMatthieu 8. 17.
Lassé du chemin, dans la chaleur du milieu du jour (sixième heure : midi1), Jésus attend… Mais qu’attend-il ? Pas spécialement la nourriture que les disciples étaient allés acheter à Sichar. Une autre nourriture va le rassasier, un autre breuvage le rafraîchir, selon ce que dit un Psaume : “Il boira du torrent dans le chemin, c’est pourquoi il lèvera haut la tête” Psaume 110. 7.
Tandis que Jésus est là, assis sur la margelle du puits, une femme vient pour puiser de l’eau. Le Seigneur sait d’avance pourquoi elle vient à cette heure inaccoutumée. D’une façon toute simple, banale même, le Seigneur établit le contact avec cette Samaritaine. Celui qui donne en abondance se fait demandeur pour apaiser sa soif. Il s’abaisse jusqu’à dépendre d’une femme étrangère de mauvaise réputation. Quel glorieux mystère de l’amour divin !
La surprise de la femme se comprend doublement quand on sait quels étaient les usages à cette époque2. Elle-même ne sait pas comment interpréter l’attitude de cet étranger, ne la mettant que sous la lumière de l’animosité entre Juifs et Samaritains3. Si elle avait réalisé que celui qui lui demandait à boire était le Fils de Dieu, elle aurait encore moins bien compris !