Job souhaitait légitimement mourir chez lui (versets 18-20), entouré des siens, au terme d’une longue vie, comparée à un arbre prospèreJérémie 17. 8. Il désirait garder sa dignité (“ma gloire”) et sa jeunesse, tel un CalebJosué 14. 11.
Il revient en arrière en évoquant sa gloire passée (verset 20), et la sagesse que les autres lui reconnaissaient. Il veut expliquer les raisons de l’honneur qui lui était rendu. Malgré sa gravité, Job savait sourire, sans sensiblerie (verset 24). Rempli de sérénité, il conseillait les autres. Job était un vivant exemple de la véritable autorité (“comme un roi”, verset 25), celle qui vient de l’amour. Il s’abaissait vers les petits et les faibles, et les consolait : “quiconque voudra devenir grand parmi vous sera votre serviteur” Matthieu 20. 26. Il n’exigeait pas que sa valeur lui soit reconnue, mais les autres se soumettaient à lui, comme envers un véritable ancien1 Pierre 5. 1-5.
Il est déçu de ne plus pouvoir exercer ce ministère de bonté : était-il plus attaché à son service qu’à son Dieu ? Décrivant longuement son passé, Job n’a plus que lui comme horizon : plus de cinquante fois se trouvent les mots “je”, “me”, “moi”. N’arrive-t-il pas, même au chrétien fidèle, de se nourrir de son passé, entretenant ainsi un orgueil caché ?
Par contraste avec le chapitre 29 tourné vers le passé, nous trouvons ici trois fois l’expression “et maintenant” (versets 1, 9, 16) qui divise le chapitre.
Job décrit les gens de la populace qui aujourd’hui l’insultent (versets 1-8), et parle de leurs moqueries blessantes (versets 9-15). Job supporte difficilement le mépris qui vient de jeunes vagabonds, apparemment désœuvrés, vivant sans respect d’eux-mêmes, soupçonnés de vol, sans identité bien établie, qui se regroupent en bandes tapageuses (versets 1-8) : on parlerait aujourd’hui de délinquants. Ces gens des rues, que Job ne connaît pas1, le font beaucoup souffrir. Le cœur humain est tel qu’il est capable de se moquer d’une personne qui souffre (verset 9). David et Jérémie connaîtront le même sortPsaume 69. 12 ; Lamentations de Jérémie 3. 14. Job voit les autres se détourner, lui cracher au visage : il est encore une fois ici une image de ce que le Seigneur a connu. Il sait que tout cela est permis par Dieu (verset 11), et se sent accusé2 par tous (versets 12-15). Job ne sait plus ce qu’il doit dire ou faire (son sentier est détruit, verset 13 ; 19. 8) Lamentations de Jérémie 3. 9. Pour la dernière fois il mentionne la terreur qui le tient3 (verset 15) : on dirait aujourd’hui que Job est déprimé.
Les douleurs causent à Job des nuits sans sommeil (verset 17 ; 7. 3, 4), et l’insomnie lui rend la souffrance encore plus insupportable. Son corps est déformé, son teint est devenu terne (versets 18, 19). Il a beau implorer son Dieu, seul le silence lui répond, comme David et Héman le ressentirontPsaume 22. 3 ; 88. 2. Il a l’impression que Dieu a changé à son égard. Job n’a pas toujours eu cette image d’un Dieu cruel, cause de sa mort imminente (versets 20-23). Dans son flot de paroles, il laisse échapper des mots méchants.
Job fait une autre erreur : il croit que sa piété lui permet de s’attendre à la bénédiction (versets 24-26). Il espère que Dieu le traitera comme lui avait traité les autres. Dieu ne nous doit rien, même s’il apprécie notre fidélitéLuc 17. 10. Job a l’impression que sa crainte de Dieu ne porte aucun fruit. N’en soyons pas surpris : notre Seigneur a eu le sentiment d’avoir travaillé “pour le néant et en vain” Ésaïe 49. 4. Mais la prétention s’était glissée dans le cœur de Job.
Les peines morales et les souffrances physiques sont liées et s’additionnent : Job est bouleversé, et il a des douleurs intestinales (verset 27) ; il est triste et sombre, et sa peau est grise (versets 28, 30) ; il gémit comme les animaux sauvages (verset 29) et ne chante plus (verset 31), sauf des complaintes de deuil.
Dans tous ces chapitres, Job n’a pas un mot de louange vers Dieu. Nous lui ressemblons quand nos problèmes nous écrasent : comme nous oublions vite ce que nous devons à Dieu !