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Le livre de Job
Sondez les Écritures - 3e année

Job 20, 21

Une théologie face à la réalité des faits

1. Un discours précipité : 20. 1-29

Interpellé par les dernières paroles de Job, Tsophar se sent pressé de répondre. Il est rempli de lui-même, comme en témoignent ces mots : “mes pensées”, “mon esprit”, “mon intelligence” (versets 2, 3). Il pense sa réponse inspirée, sans percevoir que son ami vient de parler par l’Esprit de Dieu.

Le mot clé de Tsophar, c’est “de tout temps” (verset 4) : il fait de ses propres pensées une vérité générale. Ne sommes-nous pas souvent persuadés d’avoir raison en dépit de tout ? Il développe dans le reste du chapitre la pensée que Dieu intervient directement pour juger le méchant (versets 15, 23, 28, 29).

Tsophar fait une double erreur : il oublie de répondre à la demande de pitié de Job (19. 21), et il estime nécessaire de défendre Dieu par une théorie, qu’il pense irréfutable. La crainte de Dieu qui le fait parler n’est pas animée par l’amour : son discours révèle qu’il oublie combien il a besoin de la grâce pour lui-même. Si le respect de Dieu, même le plus profond, n’est pas accompagné du sentiment de la nécessité de la miséricorde divine, il produit, chez le croyant, une sévérité excessive et une réelle injustice. Ce chapitre le démontre et clôt tristement les interventions de Tsophar.

A la rigueur, Tsophar admet que le méchant puisse prospérer pendant une courte durée (versets 5-7), mais Job n’était pas un impie comme il le suggère. Job a décrit la brièveté de la vie humaine en général (7. 10 ; 14. 10). Tsophar en reprend les termes, mais en les appliquant au méchant (versets 7-9). Il sous-entend que Job s’est complu à mentir (versets 12-14) Proverbes 20. 17, qu’il s’est acquis malhonnêtement des biens en opprimant les pauvres (versets 15-21). Pour lui, les terreurs dont Job se sent assailli (15. 21 ; 18. 11) sont envoyées par Dieu (versets 23-25). Alors que la situation de Job est dramatique, il semble lui prédire pire encore (verset 24) Amos 5. 19, et en particulier la colère divine (verset 28). Cet homme ne sait pas que Dieu, même dans la colère, se souvient de la miséricordeHabakuk 3. 2. Maintenant que l’œuvre de Christ est accomplie, la justice de Dieu a été satisfaite à la croix, et le croyant n’aura plus jamais à faire face à la colère divineRomains 8. 1.

2. Le droit d’être écouté : 21. 1-6

Job a le douloureux sentiment qu’on ne l’écoute pas réellement. Il ne supporte plus ce flot de paroles et de démonstrations péremptoires qui se prétendent consolantes (2. 11 ; 15. 11). Job préfère être en face d’une oreille attentive et bienveillante (verset 2). Cette fausse consolation de ses amis l’a déçu et blessé (verset 34 ; 16. 2). Mais sa plus grande douleur, c’est de ne pas comprendre Dieu : sa plainte s’adresse à lui et non pas aux amis (verset 4). Il est conscient de manifester de l’impatience (verset 4 ; 6. 3, 26), mais trouve aussi que ses amis auraient dû être plus sobres en paroles (verset 5). L’énigme de sa souffrance reste troublante pour Job (verset 6), et il ne sera apaisé que lorsque Dieu viendra à lui.

3. La prospérité des méchants : 21. 7-16

Job interroge (voir ses nombreux “pourquoi”) et n’obtient pas de réponse. Ses questions peuvent se regrouper en quatre catégories :

  • 1. Celles qui concernent le sens de l’existence. Job se demande pour quelle raison il vit (3. 11, 12 ; 9. 29 ; 10. 18 ; 13. 14).
  • 2. Celles dont le sujet est la vie apparemment très bénie des méchants. C’est le cas dans notre chapitre (versets 7 et 3. 20 ; 24. 1).
  • 3. Celles qui essayent de faire prendre conscience à ses amis de sa situation (19. 22 ; 21. 4 ; 27. 12).
  • 4. Celles que Job adresse à Dieu directement, dans l’espoir de comprendre la façon dont il agit envers lui (7. 19, 20, 21 ; 10. 2 ; 13. 24).

Bien des hommes sans relation avec Dieu vivent dans une abondance qui met en défaut la théologie limitée des amis de Job. Contrairement à leur affirmation, la descendance de ces méchants est prospère (verset 8 ; comp. 18. 19). Ils ne désirent pas connaître les pensées de Dieu et s’imaginent que l’on peut vivre sans lui (versets 14, 15 ; 22. 17). Ils pensent que Dieu ne sait rien d’euxPsaume 73. 11. Parce que Dieu n’exécute pas immédiatement sa sentence contre leurs mauvaises actions, ils se confortent dans le malEcclésiaste 8. 11. Ils ont une vision intéressée de la foi : pour croire, et surtout pour prier, il faudrait en tirer un certain profit (verset 15). Satan avait la même conception lorsqu’il pensait que Job avait la foi uniquement à cause des bienfaits de Dieu (1. 9). Hélas, cela peut devenir aussi l’attitude du croyant qui s’éloigne de son DieuMalachie 3. 14. Job refuse une telle vie insouciante, et prend ainsi l’attitude du juste (verset 16) Psaume 1. 1.

4. La théorie mise en défaut par le constat honnête : 21. 17-34

Job fait preuve dans ce chapitre d’un équilibre remarquable. Bien qu’il soit sans réponse devant les voies de Dieu, il ne laisse pas libre cours à l’amertume, et n’exprime pas le désir de mourir comme précédemment. Il formule son incompréhension sans obliger Dieu à lui répondre. Il vient de dire dans les premiers versets qu’il n’est pas d’accord avec ses amis, et pourtant il admet qu’il y a une certaine vérité dans ce qu’ils pensent. En effet en disant : “combien de fois la lampe des méchants s’éteint-elle ?” (verset 17), il reconnaît que le châtiment peut quand même atteindre ces derniers. Il accepte qu’il y a des choses inexplicables qu’il faut attribuer à la souveraine sagesse divine (verset 22). En cela il est bien plus respectueux de Dieu que ses amis qui cherchent à le défendre à tout prix.

Job examine une supposition : si les méchants sont épargnés de la tempête du jugement (verset 18) Psaume 1. 4, leurs enfants la traverseront. Cette pensée était sous-entendue dans plusieurs des discours des amis. Pour Job il est impensable de prouver la justice de Dieu de cette façon, car le coupable ne serait alors pas mis en face de sa faute (versets 19-21). Cependant, si nous demeurons toujours responsables personnellement de nos actions devant DieuRomains 14. 12, il reste vrai que, selon les principes de son gouvernement, certains de nos manquements peuvent avoir des conséquences terrestres pour d’autres. Comme AsaphPsaume 73. 3-10, JérémieJérémie 12. 1 ou HabakukHabakuk 1. 13, Job est obligé de constater que le sort présent des hommes est souvent sans rapport avec leur état moral (versets 23-26). Le méchant n’est pas toujours réellement mis en face de la vérité (verset 31), et par surcroît des funérailles grandioses lui sont accordées (versets 32, 33). La réponse à ce problème se trouve au-delà de la mort, car le sort éternel du croyant sera un bonheur dont l’intensité n’aura d’égale que celle du malheur des méchantsLuc 16. 25.

Job met à nu les pensées de ses amis : leurs propos sont empreints de calculs pour faire rentrer Dieu dans leur schéma et pour humilier Job (verset 27). Job fait appel à ceux qui voyagent (verset 29), alors qu’Éliphaz se fie aux sédentaires du village (15. 18, 19). Bien souvent nous avons la vue étriquée, parce que nous n’avons pas assez de contacts variés, qui nous aideraient à distinguer ce qui est essentiel de ce qui est peut-être une simple habitude dans notre vie chrétienne.

Job 20

1Et Tsophar, le Naamathite, répondit et dit :

2C’est pourquoi mes pensées m’inspirent une réponse, et à cause de ceci l’ardeur de mon esprit [agit] en moi :

3J’entends une réprimande qui me couvre de honte, et mon esprit me répond par mon intelligence.

4Sais-tu bien que, de tout temps, depuis que l’homme a été mis sur la terre,

5L’exultation des méchants est courte, et la joie de l’impie n’est que pour un moment ?

6Si sa hauteur s’élève jusqu’aux cieux, et que sa tête touche les nuées,

7Il périra pour toujours comme ses ordures ; ceux qui l’ont vu diront : Où est-il ?

8Il s’envole comme un songe, et on ne le trouve pas ; il s’enfuit comme une vision de la nuit.

9L’œil l’a regardé et ne l’aperçoit plus, et son lieu ne le revoit plus.

10Ses fils rechercheront la faveur des pauvres, et ses mains restitueront [ce que] sa violence [a ravi] a.

11Ses os étaient pleins de sa jeunesseb : elle se couchera avec lui sur la poussière.

12Si le mal est doux dans sa bouche, [et] qu’il le cache sous sa langue,

13S’il l’épargne et ne l’abandonne pas, mais qu’il le retienne dans sa bouchec,

14Son pain sera changé dans ses entrailles en un fiel d’aspic au-dedans de lui.

15Il a avalé les richesses, et il les vomira ; ✷Dieu les chassera de son ventre.

16Il sucera le venin des aspics, la langue de la vipère le tuera.

17Il ne verra pas des ruisseaux, des rivières, des torrents de miel et de beurre.

18Il rendra le fruit de son travail, et ne l’avalera pas ; il le restituera selon sa valeur, et ne s’en réjouira pas.

19Car il a opprimé, délaissé les pauvres ; il a pillé une maisond qu’il n’avait pas bâtie.

20Parce qu’il n’a pas connu de repos dans son désire, il ne sauvera rien de ce qu’il a de plus cher.

21Rien n’a échappé à sa voracité : c’est pourquoi son bien-être ne durera pas.

22Dans la plénitude de son abondance, il sera dans la détresse ; toutes les mains des malheureux viendront sur lui.

23Il arrivera que, pour remplir son ventre, [Dieu] enverra sur lui l’ardeur de sa colère, et la fera pleuvoir sur lui dans sa chairf.

24S’il fuit devant les armes de fer, un arc d’airain le transpercera.

25Il arrache [la flèche] et elle sort de son corps, et le fer étincelant de son fiel : les terreurs sont sur lui.

26Toutes les ténèbres sont réservées pour ses trésors ; un feu qu’on ne souffle pas le dévorera, [et] se repaîtra de ce qui reste dans sa tente.

27Les cieux révéleront son iniquité, et la terre s’élèvera contre lui.

28Le revenu de sa maison sera emporté ; il s’écoulera au jour de Sa colère.

29Telle est, de la part de Dieu, la portion de l’homme méchant, et l’héritage qui lui est assigné par ✷Dieu.

Job 21

1Et Job répondit et dit :

2Écoutez, écoutezg mon discours, et cela tiendra lieu de vos consolations.

3Supportez-moi, et moi je parlerai, et après mes paroles, moque-toi !

4Ma plainte s’adresse-t-elle à un homme ? Et pourquoi mon esprit ne serait-il pas à bout de patience ?

5Tournez-vous vers moi, et soyez étonnés, et mettez la main sur la bouche.

6Quand je m’en souviens, je suis terrifié, et le frisson saisit ma chair :

7Pourquoi les méchants vivent-ils, deviennent-ils âgés, et croissent-ils même en force ?

8Leur postérité s’établit devant eux, auprès d’eux, et leurs descendants devant leurs yeux.

9Leurs maisons sont en paix, loin de la frayeur, et la verge de †Dieu n’est pas sur eux.

10Leur taureau engendre sans manquer, leur vache vêle et n’avorte pas.

11Ils font sortir leurs jeunes enfants comme un troupeau, et leurs enfants s’ébattent.

12Ils chantent au son du tambourin et de la harpe, et se réjouissent au son du chalumeau.

13Ils passent leurs jours dans le bonheur, et en un moment descendent dans le shéol.

14Et ils disent à ✷Dieu : Retire-toi de nous, nous ne prenons pas plaisir à la connaissance de tes voies.

15Qu’est-ce que le Tout-puissant pour que nous le servions, et que nous profitera-t-il de nous adresser à lui ?

16Voici, leur bonheur n’est pas dans leur main. Loin de moi le conseil des méchants !

17Combien de fois la lampe des méchants s’éteint-elle, et leur calamité vient-elle sur eux, [et] leur distribue-t-Il des douleursh dans sa colère,

18 [Et] sont-ils comme la paille devant le vent, et comme la balle chassée par la tempête ?

19†Dieu réserve à sesi fils [la punition de] sa méchanceté : il la lui rend, et il le saura ;

20Ses yeux verront sa calamité, et il boira de la fureur du Tout-puissant.

21Car quel plaisir [a-t-il] à sa maison après lui, quand le nombre de ses mois est tranché ?

22Est-ce à ✷Dieu qu’on enseignera la connaissance, quand c’est lui qui juge ceux qui sont haut élevés ?

23L’un meurt en pleine vigueur, entièrement tranquille et à l’aise ;

24Ses flancs sont garnis de graissej, et la moelle de ses os est abreuvée.

25Et l’autre meurt dans l’amertume de son âme et n’a jamais goûték le bonheur.

26Ils gisent ensemble sur la poussière, et les vers les couvrent.

27Voici, je connais vos pensées, et vos plans contre moi pour me faire violence.

28Car vous dites : Où est la maison du noble, et où la tente des demeures des méchants ?

29Ne l’avez-vous pas demandé à ceux qui passent par le chemin ? Et n’avez-vous pas reconnu ce qui les distingue :

30Que le méchant est épargné pour le jour de la calamité, qu’ils sont emmenés au jour de la fureur ?

31Qui lui dira en face sa voie ? et ce qu’il a fait, qui le lui rendra ?

32Il sera conduit dans un sépulcre, et sur le tertre il veillera.

33Les mottes de la vallée lui sont douces ; et après lui tout homme suit à la file, et ceux qui l’ont précédé sont sans nombre.

34Et comment me consolez-vous avec de vaines [consolations] ? Vos réponses restent perfides.

Notes

aou : restitueront son bien.
bpeut-être : péchés de sa jeunesse ; comp. Psaume 90. 8.
clitt. : sous son palais.
dou : il s’est emparé d’une maison.
ehéb. : ventre.
fou : comme sa nourriture.
gou : Écoutez attentivement.
hqqs. : [leur] lot.
ises, c.-à-d. : [les fils] du méchant.
jou : Ses vases sont remplis de lait.
klitt. : mangé.

(La Bible - Traduction J.N. Darby)