Bildad parle brièvement, et pour la dernière fois. Il n’a visiblement rien de nouveau à dire, et il ne répond pas aux interrogations précédentes de son ami. Il prononce des affirmations majestueuses et incontestables. Veut-il lui faire connaître que “le Très-haut domine” (verset 2) Daniel 4. 22 ? Mais Job n’est pas l’orgueilleux Nebucadnetsar. Bildad lui rappelle la culpabilité universelle de l’homme devant Dieu (verset 4), déjà évoquée par Éliphaz. Job lui-même connaissait bien cette vérité. Pour Bildad, c’est sans doute une façon d’empêcher Job de proclamer sa justice. Si même les astres paraissent ternes et impurs aux yeux de Dieu, à combien plus forte raison l’homme, s’exclame Bildad. C’est exact, mais qu’espère-t-il de plus de son ami avec lequel il partage la fragile condition humaine ?
Au terme des ces discours, rappelons l’angoisse de ces hommes qui désirent s’approcher de Dieu sur la base de leur justice, ce qu’ils savent malgré tout impossible :
“Un mortel sera-t-il plus juste que Dieu, l’homme sera-t-il plus pur que celui qui l’a fait ?” (4. 17).
“Qu’est-ce que l’homme mortel pour qu’il soit pur, et celui qui est né d’une femme pour qu’il soit juste ?” (15. 14).
“Et comment l’homme sera-t-il juste devant Dieu, et comment serait pur celui qui est né de femme ?” (25. 4).
“Dieu laisse dans l’oubli beaucoup de ton iniquité… il voit l’iniquité sans que l’homme s’en aperçoive” (11. 6, 11).
“Mais comment l’homme sera-t-il juste devant Dieu ?” (9. 2).
“Qui est-ce qui tirera de l’impur un homme pur ? Pas un !” (14. 4). Aucun ne connaît encore la grâce divine qu’apportera Élihu (33. 24)
Combien la sainteté de Dieu nous effraye quand nous perdons de vue la “vraie grâce de Dieu” dans laquelle l’œuvre de Christ nous a placés1 Pierre 5. 12.
Job paraît excédé par les paroles de Bildad. Il se lance dans une critique amère sur l’aide et les conseils de sagesse que Bildad prétend lui avoir apportés (versets 1-3). Déjà Job a essayé de faire prendre conscience aux trois amis de leur prétention (12. 2 ; 13. 2), et leur a déclaré le chagrin que leurs discours lui causaient (16. 2 ; 19. 2) : en vain ! Il a le sentiment que Bildad lui a exposé une théorie sans faire attention à lui (verset 4). Ce n’est pas parce que le contenu de nos propos est juste que nous pouvons nous dire animés par l’Esprit de Dieu.
Les amis ont raisonné, mais n’ont pas consolé ; ils ont beaucoup affirmé, mais n’ont pas fortifié la foi de Job. Ils ont blessé et attisé le désir de propre justification et ils n’ont pas vraiment écoutéJacques 1. 19. N’y a-t-il pas là une leçon pour chacun ?
C’est encore Job qui va s’élever au-dessus des propos de ses consolateurs fâcheux pour proclamer d’une manière encore plus sublime la grandeur de Dieu dont il n’a jamais douté. Il est peu de textes qui parlent de la grandeur divine de façon aussi profonde et poétique que les versets 5 à 14.
“Toutes choses sont nues et découvertes aux yeux de celui à qui nous avons affaire” (verset 6) Proverbes 15. 11 ; Hébreux 4. 13. Il a créé des espaces infinis (verset 7) et habite la lumière inaccessible (verset 9). L’univers immense qui est son œuvre est ordonné de façon stable (versets 10, 11), et reste cependant à tout moment sous son contrôle (versets 12, 13). Le Fils de Dieu maintient toutes les choses créées dans leur fonctionnement harmonieuxHébreux 1. 3, et le Saint Esprit1 est occupé également à cette œuvre magnifique (verset 13). La souveraineté de Dieu sur la nature et sa providence constante sont ainsi majestueusement proclamées, bien que l’homme ne puisse comprendre une telle œuvre ; même cette description n’en effleure qu’une infime partie (verset 14) Ecclésiaste 3. 11. L’humble foi de Job brille ici lorsqu’il proclame que ces choses le dépassent. En même temps elles restent une réalité terrifiante qui lui fait craindre d’entendre la voix de Dieu qu’il a pourtant appelée tant de fois.