Bildad ne répond pas aux questions angoissantes que Job a posées sur la nature humaine et sur le pardon. Pour lui les choses sont simples, et il les assène de façon livresque sans prendre garde à son interlocuteur. Savons-nous mieux écouter que lui ?
En revanche la forme du discours de Job a irrité Bildad. Il lui reproche la violence de ses propos, face à ce Dieu qui est “juste et droit” Deutéronome 32. 4. Il n’y a pas d’injustice en Dieu, comme le rediront Élihu (34. 12), puis Paul bien plus tardRomains 9. 14, mais Bildad veut démontrer le bon droit de Dieu dans les malheurs de Job. A vouloir défendre Dieu exagérément, on tend à le rabaisser ! Prisonnier de son raisonnement, Bildad insinue que la mort des fils de Job résulte de leurs péchés. Quelle cruauté envers Job, qui avait prié avec tant de ferveur pour eux (1. 5) !
A l’instar d’Éliphaz, Bildad invite Job à se tourner vers Dieu, mais essentiellement pour retrouver la prospérité matérielle ! La suite des propos de Job montre que ce bien-être ne correspond pas à son attente. Job a certainement besoin de mieux connaître Dieu, mais pas en vue d’être béni. Par ailleurs, l’intégrité et la droiture n’étaient-elles pas déjà ses qualités (verset 6 ; voir 1. 1) ?
Tenir compte de l’avis des pères est une recommandation bibliqueDeutéronome 32. 7. Le roi Roboam méprisa le conseil des anciens et il en résulta la ruine de son royaume1 Rois 12. 6-19. Bildad trouve dans la brièveté de la vie une raison de chercher à s’instruire auprès des générations précédentes (versets 8-10). Pour lui, la pensée des anciens est le critère absolu. Bien qu’il soit probablement plus âgé que Job (15. 10), il se considère comme né hier, et veut interroger deux générations en arrière. Ce détail confirme l’idée que le récit se trouve au temps des patriarches, dont la vie était plus longue que la nôtre.
Bildad récite probablement des proverbes antiques dans les versets 11 à 19. L’idée de ce paragraphe est que le succès des méchants est de courte durée. Plusieurs comparaisons sont employées :
Pour être plus incisif, Bildad emploie au verset 18 une expression semblable à celle que Job avait utilisée (7. 10) pour désigner le sort de tout hommePsaume 103. 16, mais il l’applique spécialement aux impies, à ceux qui “oublient Dieu”. Cette attaque perfide est à l’image des tourments que peut connaître le croyant qui se demande si ses maux ne sont pas dus à son abandon du premier amour, à un certain oubli de Dieu… Bildad conclut que si le méchant goûte pour un temps les “délices du péché” (verset 19) Hébreux 11. 25, il disparaît bientôt pour que d’autres prennent sa place. Était-ce sous-entendre le peu de cas qu’il ferait de la disparition de Job ?
Dieu tient compte de la droiture de l’homme envers lui (verset 20) Psaume 18. 26, 27, mais dans l’épreuve nous avons surtout besoin de sentir que le Seigneur nous tient la mainÉsaïe 41. 13.
Dans les deux derniers versets, Bildad suppose que la leçon des anciens a porté ses fruits en repentance, et offre à Job un tableau de relèvement joyeux et de délivrance finale, sans lui donner le moindre signe de sympathie dans les souffrances qu’il traverse.