Job considère qu’il ne se plaint pas pour rien (verset 2) 1. Son but essentiel est de trouver Dieu qu’il estime loin de lui dans cette épreuve. Il a déjà exprimé cette pensée (9. 11 ; 13. 24). Mais il a aussi dit le contraire, trouvant que Dieu le suivait de trop près (7. 19). Comme dans les chapitres 10, 13, 16 et 19, Job s’imagine à nouveau devant le tribunal. Dans un moment de doute, il avait pensé que Dieu ne lui répondrait pas (9. 16). Plus tard il était sûr que Dieu reconnaîtrait qu’il avait raison (13. 18). Brisé maintenant par les accusations injustes d’Éliphaz, Job laisse transparaître à nouveau sa confiance en un Dieu plein de miséricorde qui écoute l’affligé avec attention (versets 5, 6). Les incertitudes de la pensée de Job sont bien compréhensibles dans la douleur qui est la sienne. L’important est qu’il souhaite entrer dans la présence de Dieu, ce qui prouve qu’il a une bonne conscience. Il ignore qu’il s’appuie sur cette justice personnelle au lieu de s’appuyer sur Dieu seul.
Maintenant, quel réconfort pour nous de savoir que Dieu s’est approché de nous en Jésus Christ et que l’accès vers lui est ouvert sur la base de son sacrifice accompli.
Job s’en remet à Dieu qui le connaît (verset 10) : il sait qu’il n’est pas parfait, mais pense que l’épreuve montrera que sa piété est authentique. L’apôtre déclare qu’il résulte de l’épreuve une gloire pour le Seigneur1 Pierre 1. 7, et les premiers chapitres de Job l’ont démontré.
La confiance de Job repose sur sa piété, avec laquelle il pense s’approcher de Dieu (versets 11, 12). Certes l’homme vient vers Dieu avec respect, mais surtout avec le sentiment d’une grâce imméritée, sentiment qui fait défaut à Job. Job sait que Dieu veille sur lui, mais il le pense inabordable. Dès lors, Dieu paraît arbitraire dans sa souveraineté (versets 13, 14 ; comp. 9. 12). Ayant cette fausse notion de Dieu dans l’esprit, Job ne peut échapper à la peur et au découragement (versets 15, 16). Ce ne sont pas les circonstances dramatiques qui l’ont accablé2, mais le sentiment de l’éloignement de Dieu. N’arrive-t-il pas au chrétien de céder aussi à l’angoisse, de sentir Dieu loin de lui, alors qu’il connaît maintenant Dieu comme un père, ce qui n’était pas le cas de Job ?
Dieu fit connaître d’avance le jugement de Sodome à Abraham, son amiGenèse 18. 17, et il révèle son secret à ceux qui le craignentPsaume 25. 14 ; Amos 3. 7. Job se demande donc à juste titre pourquoi lui ne voit pas Dieu intervenir, pourquoi Dieu ne lui donne pas des explications (verset 1). Dans l’évangile, le Seigneur dit qu’il révèle ses pensées “aux petits enfants” Luc 10. 21, ceux qui s’estiment indignes de ces communications divines. Job apprendra cette leçon à la fin du livre.
La prospérité des méchants est décrite en détail, comme pour rendre plus criante la question posée à Dieu au verset 1. Les exactions qui se commettaient du temps du patriarche n’auraient rien à envier aux violences qui remplissent nos informations quotidiennes : des bandes de pillards dépouillaient les pauvres (versets 2-4), des tribus étaient repoussées dans le désert par des ethnies plus fortes (versets 5-8), les ouvriers agricoles étaient exploités (versets 9-11), les terroristes opéraient leurs ravages dans les villes (v. 12), tandis que la nuit profitait aux crimes et larcins des meurtriers, des adultères et des cambrioleurs (versets 13-17). Le tableau d’aujourd’hui est aggravé parce qu’il se déroule au sein de nations dites christianisées ! Ces hommes violents préfèrent les ténèbres morales à la lumière divine (verset 13) Jean 3. 19 ; ils ne connaissent pas la lumière (verset 16). Il paraît facile de vivre sans Dieu quand on ne le connaît pas : le mal est confondu avec le bien, comme l’annonce le prophèteÉsaïe 5. 20.
Job s’est indigné que Dieu ne fasse pas attention à toute cette méchanceté (verset 12). Tourne-t-il en dérision l’opinion de ses amis dans ce dernier paragraphe, ou reprend-il leurs arguments en partie ? Exprime-t-il le vœu que les méchants soient jugés, ou veut-il dire que le sort des méchants est, malgré les apparences, réglé par une loi générale comme celui de tous les autres hommes (versets 19, 20, 24) ? Il est difficile de donner le sens exact de ces versets qui sont délicats à traduire. On peut sans doute en retenir que Job admet la précarité de la situation des méchants. Pourtant ils peuvent connaître une réelle prospérité, voulue même par Dieu. Sur ce point, Job est plus que jamais certain d’avoir raison (verset 25). Le ton assuré, qu’il aura dans le monologue, commence ici à apparaître.