Job connaît les vérités énoncées de façon péremptoire par ses amis (verset 1). Il est convaincu de la grandeur de Dieu, qu’il va décrire dans ce paragraphe. Il sait que seuls des êtres parfaitement purs peuvent entrer dans la présence de Dieu, et c’est justement ce qui le trouble, car qui peut se dire juste ? Éliphaz avait reçu une révélation qui constatait la même impossibilité (4. 17). Les amis n’ont pas de réponse à cette angoissante question, qui resurgira au cours du récit (14. 4 ; 25. 4). Cette interrogation jaillit également du cœur du chrétien qui ne connaît pas encore la libération, l’affranchissement que lui vaut l’œuvre de Christ. Élihu entreverra la grâce de Dieu (chapitre 33), et l’apôtre Paul nous établira fermement dans la justice sans les œuvresRomains 3. 24 ; 4. 6, 25.
Job fait de son Dieu une description véritablement touchante. Il accepte en préambule que Dieu ne lui réponde pas (verset 3). Il lui reconnaît à la fois sagesse et puissance, thème qui sera repris par DanielDaniel 2. 20 et Paul1 Corinthiens 1. 24. Veillons en effet à ne pas nous endurcir devant un tel Dieu ! Les tremblements de terre, les éclipses, la stabilité des astres, la hauteur de la houle, tout est sous le contrôle de Dieu. Les merveilles divines impressionnent Job autant qu’Éliphaz (verset 10 ; 5. 9), mais elles ne permettent pas toujours de discerner la présence réelle de Dieu (verset 11). L’évangile vient donner une illustration vivante des propos de JobMatthieu 14. 24-27 : les disciples sont dans la tourmente, image de l’épreuve ; Jésus vient à eux en marchant sur la mer (comp. verset 8), et ils ne le reconnaissent pas (comp. verset 11). Hélas, pour Job il n’y eut personne pour lui dire, comme aux disciples, de prendre courage. Mais à la fin, l’Éternel vint se révéler à lui. N’en est-il pas ainsi dans toute épreuve ? Souvenons-nous toujours que Dieu est là.
Job a accepté sans critique que Dieu lui ait tout pris (verset 12). Il sait que si des coalitions humaines se croient invincibles, Dieu résiste aux orgueilleux (verset 13). Derrière ces très belles paroles apparaît un homme qui courbe la tête et qui souffre de ne pas comprendre ce qui lui arrive.
Ayant un ardent désir de discuter avec Dieu lui-même, se sentant accusé par ses amis, Job va imaginer la scène d’un tribunal où il aurait la possibilité de se défendre. Il souhaite ce face à face, même s’il le sait irréalisable, car il n’est qu’un homme. Il en découle une tournure parfois incohérente et contradictoire de ses propos. L’idée de ce tribunal impossible va lui revenir pendant plusieurs chapitres. Elle fera naître en lui la pensée de la nécessité d’un médiateur, qui sera reprise par Élihu au chapitre 33.
Job comprend que ses efforts ne servent à rien : il vient de constater que la puissance de Dieu l’accable (versets 1-13). Le sentiment de la perfection divine l’obligerait à se taire s’il était appelé à la barre. Ni sa justice (versets 15, 20) ni son intégrité (verset 21) ne seraient suffisantes : il serait obligé de faire appel à la grâce, sinon ce serait se méprendre sur lui-même. Comme il avait senti le besoin de pardon (7. 21), Job parle pour la première fois ici de grâce. C’est l’action directe de l’Esprit de Dieu dans un homme qui ne possédait aucune des Saintes Écritures ! Toutefois, agité dans ses pensées, il se croit accablé sans raison par un Dieu qui ne l’écoute pas avec attention (versets 16, 17), et en qui il voit la cause de ses douleurs aussi bien physiques que morales (verset 18).
Job considère ses efforts inutiles puisqu’il constate que le sort du juste est identique à celui du méchant (versets 22-24). Il pense à la brièveté de sa vie (versets 25, 26), déjà évoquée (7. 6), et il est convaincu de bientôt mourir. Se persuader du contraire ne change rien : ses épreuves présentes sont pour lui un fardeau de culpabilité (versets 27, 28). Comme les suggestions des amis ont déjà produit leur funeste résultat ! L’innocence qu’il poursuit ne peut être atteinte, alors autant tout laisser tomber, déclare Job (versets 28-31) : il ne sera jamais pur aux yeux de Dieu. Devant l’absolu divin il ne peut alors que réclamer un arbitre, allusion voilée au divin médiateur, l’homme Christ Jésus que nous révèle le N.T. 1 Timothée 2. 5. La colère de Dieu s’est détournée du croyant en vertu de l’œuvre de Christ, et une véritable communion est possible. Job ne la connaissait pas encore à ce moment-là (versets 34, 35).
Tout en dialoguant avec ses amis, Job parle parfois directement à Dieu (9. 28-31). Il élève maintenant vers lui une prière remplie de questions anxieuses. Il se demande si Dieu est véritablement différent d’un homme qui se réjouit du mal, dont la justice est partiale et qui n’a aucune pitié lorsqu’il met en lumière les fautes des autres (versets 3-7). Pourtant quand Dieu afflige, “il a aussi compassion” et “ce n’est pas volontiers qu’il afflige et contriste les fils des hommes” Lamentations de Jérémie 3. 32, 33. Dieu ne se laisse pas emporter par la colère comme un hommeOsée 11. 9, et “il prend son plaisir en la bonté” Michée 7. 18.
L’appel au secours – “Souviens-toi, je te prie” (verset 9 ; 7. 7) – est bouleversant, d’autant plus que Job rappelle les soins pris par le Créateur pour le former, les bontés dont il l’a entouré (versets 8-13), qu’il a su apprécier pleinement. Nous pouvons être vite fiers de nos capacités, de notre esprit en particulier ; c’est Dieu qui nous en a fait don, et qui les préserve (verset 12), l’apprécions-nous ? Job n’est pas un ingrat, mais il a perdu confiance en cette divine bonté du passé. Il est terrifié par le regard scrutateur de ce Dieu qui semble le poursuivre sans pitié (versets 4, 6, 14, 16). Puisqu’être méchant ou juste ne change rien à son malheur (verset 15), Job préfère une fois de plus mourir (versets 18-22). Il aimerait que son malheur cesse au moins un court instant avant de s’en aller dans le séjour obscur des morts. Quel réalisme dans la description de ce souhait si humain, qui démontre la profondeur de sa souffrance !