Le rappel de l’exemple de David1 Rois 15. 3-5 est caractéristique de l’esprit dans lequel les Chroniques des rois de Juda ont été rédigées. David aurait pu être parfait dans toutes ses voies et plaire entièrement à son Dieu : sa formation spirituelle, ses expériences et le début de son règne semblaient effectivement confirmer cette impression. Mais pas plus qu’aucun autre homme, David n’atteindra cette perfection sur la terre, “car nous faillissons tous à plusieurs égards” Jacques 3. 2.
Cependant la grande différence entre David et la plupart de ses descendants, c’est que son cœur était engagé pour son Seigneur. Son affection pour son bergerPsaume 23. 1 est telle que, chaque fois qu’il commet une faute – et il y en eut de très graves – il revient vers celui qu’il a offensé avec un cœur meurtri, contrit et repenti, demandant le renouvellement de sa seule raison de vivre : la communion intime et constante avec l’ÉternelPsaume 51. Ce n’est que par de telles dispositions de cœur et d’esprit que Dieu répond au désir exprimé dans l’humiliation : “J’ai effacé comme un nuage épais tes transgressions, et comme une nuée tes péchés ; reviens à moi car je t’ai racheté” Ésaïe 44. 22.
Ce qui fut souvent vrai pour David lors de ses retours sincères, ne le sera pas pour Abija. Nous ne le voyons jamais prendre sur lui-même quelque écart de conduite et le confesser (chapitre 13). C’est l’histoire d’un homme qui semble partagé entre piété et péché ; entre une certaine tradition religieuse (dont il se veut le défenseur) et une manière de vivre répréhensible1 Rois 15. 3. Abija veut revendiquer ses droits d’héritier du trône de David, sans éprouver le besoin de régler sa conduite devant Dieu comme David l’avait fait, et sans accepter le gouvernement de Dieu qui avait retiré dix tribus au fils de Salomon.
Élevé à la cour royale, Abija ne pouvait ignorer des informations qui auraient dû l’amener à demeurer en paix à Jérusalem plutôt que d’entrer en guerre contre Jéroboam :
Abija aurait dû prendre la peine de s’asseoir et de réfléchir avant d’agirLuc 14. 28, mais surtout de consulter Dieu avant de lever une armée deux fois plus nombreuse que celle de son père (11. 1). Abija commence la guerre avec 400 000 hommes d’élite. Face à lui, Jéroboam range en bataille 800 000 hommes d’élite, forts et vaillants. Le conflit est inévitable, alors que Dieu avait dit à Roboam : “Ne faites pas la guerre à vos frères” (11. 4).
De la montagne de Tsemaraïm, Abija s’arroge le droit de faire la leçon à Jéroboam et à ses troupes ; il se présente comme le héraut de Dieu mais son cœur n’est pas droit devant lui.
Abija dresse un réquisitoire qui peut se résumer en ceci : “Vous êtes infidèles et nous sommes fidèles” ! Cette prétention s’exprime dans les versets 4 à 12 par l’emploi des pronoms personnels (“vous” une quinzaine de fois pour critiquer Israël, et “nous” une dizaine de fois pour honorer Juda). Il peut justement rappeler à Israël que :
Mais qui était Abija pour juger ainsi ses frères ? Il se prévaut du service fidèle des sacrificateurs et des lévites alors que lui-même pratique le péché1 Rois 15. 3. Si tout ce qu’il dit est vrai, il doit pourtant faire l’expérience qu’avoir raison ne suffit pas. Il faut qu’il prenne conscience de sa propre faiblesse en présence de l’adversaire.
Pendant qu’Abija prononce son beau discours, l’adversaire tend une embuscade aux troupes de Juda complètement encerclées (verset 13) 2.
Soudain, les attaques fusent de toutes parts, devant et derrière (verset 14) et les hommes de Juda, se sentant pris à la gorge, n’ont qu’une seule ressource : crier à l’Éternel. Alors que le roi Abija, décontenancé, ne sait pas crier à Dieu, il y a encore en Juda des hommes qui s’appuient sur l’Éternel (verset 18) et des sacrificateurs fidèles qui sonnent des trompettes (verset 14).
Malgré les défauts du roi Abija, Dieu répond selon sa grâce à ce cri de détresse et intervient en faveur de ceux qui l’invoquent : “Les fils d’Israël furent humiliés et les fils de Juda furent affermis” (verset 18).
Il en est encore de même pour nous aujourd’hui :
La grâce de Dieu s’étend de génération en génération : si Dieu a accordé une victoire imméritée au roi Abija, c’est à cause des promesses faites à la maison de David1 Rois 15. 4 et non en raison de la foi et de la fidélité de son arrière-petit-fils.
Jéroboam avait reçu de Dieu la royauté sur les dix tribus d’Israël, mais son état moral était bien plus grave que celui d’Abija, car il avait établi une religion idolâtre en disant : “Voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter d’Égypte” (13. 28), essayant ainsi de persuader les Israélites que rien n’avait changé dans leur culte. Le gouvernement de Dieu s’exerce sur lui avec rigueur : “L’Éternel le frappa et il mourut”.
Dieu a donné à Abija une victoire miraculeuse et lui a permis de recouvrer des villes qui appartenaient à Juda et Benjamin, notamment Béthel, le lieu où Dieu avait fait des promesses à Jacob, et dont Jéroboam avait fait un des centres de sa fausse religion.
Malgré cela Abija ne se confie pas pleinement en l’Éternel. Son égoïsme reprend vite le dessus : s’il s’affermit, c’est uniquement pour sa gloire personnelle. Il tombe dans les travers de polygamie de son père (11. 21) et son affermissement se résume en “quatorze femmes, vingt-deux fils et seize filles” (verset 21). Le reste de ses actes est passé sous silence (verset 22). Il meurt rapidement après un court règne de trois ans (233. 23).