Job estime que les prétendues consolations de ses amis sont des discours pénibles, et des banalités souvent rabâchées (verset 1). Ce n’est pas en répétant les vérités, même les plus exactes, que nous pourrons encourager les autres, mais en faisant partager la consolation que nous avons reçue dans une épreuve personnelle2 Corinthiens 1. 4.
Les critiques appellent toujours les critiques, et les blâmes réciproques que s’adressent Job et ses amis le montrent (verset 2 ; 8. 2 ; 15. 2). Job a souffert du ton irrité d’Éliphaz, et constate l’incapacité de ses amis à répondre à ses questions. Il leur reproche de ne pas se mettre à sa place (versets 4, 5). Quelle différence avec la vie de Jésus qui “a pris nos langueurs et porté nos maladies” Matthieu 8. 17. Il nous comprend pleinement, car “en ce qu’il a souffert, étant tenté, il est à même de secourir ceux qui sont tentés” Hébreux 2. 18.
Les amis hochent la tête en signe de dérision, comme les hommes autour de la croixPsaume 22. 8, alors que Job revendique pour lui la supériorité de la grâce : si ses amis souffraient comme lui, il leur adresserait plutôt des paroles encourageantes. Quel dommage qu’ils n’aient pas suivi ce conseil !
Il est impossible de lire ce texte sans être ému à la fois par la description pleine de réalisme des souffrances de Job, et par l’élan de sa foi au milieu des ténèbres. Plus d’un verset évoque les paroles du Seigneur lui-même, sans qu’aucun pourtant ne manifeste la calme confiance de Christ en celui qui est “saint” Psaume 22. 4. Les va-et-vient de Job entre la foi et le désespoir sont une fidèle illustration des sentiments du souffrant. Ils soulignent l’authenticité de ce récit inspiré.
Ses amis lui ont fait tant de reproches, qu’il ne sait plus s’il doit parler ou se taire (16. 6) ; dans les deux cas, sa souffrance reste là. Job change d’interlocuteur constamment, s’adressant à ses amis, puis à Dieu qu’il perçoit comme un adversaire (16. 7-9, 11-14). Comme suggéré par les amis, et comme il le croit depuis le début, Job reconnaît la main de Dieu dans son malheur. Mais il ne comprend pas, parce qu’il a une fausse idée sur Dieu. A l’hostilité de Dieu fait écho celle des hommes (16. 10, 11) : sans doute ne s’agit-il pas des trois amis ici, vu le comportement violent qui est décrit. Comme Christ, Job est giflé1Matthieu 26. 67, et les passants font un sujet de conversation de sa douleurPsaume 22. 14. Il s’estime livré par Dieu entre les mains des hommes, véritable figure du Sauveur (16. 11) Actes 2. 23 ; Romains 8. 32. Toute sa fierté d’homme2 est anéantie, et les larmes jaillissent de ses yeux. Il se sent frappé sans raison par la colère de Dieu, comme celui qui “n’avait fait aucune violence” (16. 17) Ésaïe 53. 9. Comme pour Abel, la terre devrait crier vengeance et prouver l’innocence de Job (16. 18) Genèse 4. 10. Job pense à la mort (16. 22) ; il souffre, il a du mal à respirer (17. 1). Il se sent ridiculisé, incompris, trahi (17. 2-5) : son seul espoir reste Dieu lui-même, à qui il demande d’être sa garantie. Les outrages que Job endure évoquent encore la croix du Seigneur Jésus (17. 6, 7) Ésaïe 50. 6. Job déclare que tout homme honnête sera stupéfait en voyant l’injustice qu’il subit (17. 8) Ésaïe 52. 15. Mais cela n’arrête pas sa détermination, car il est animé par la foi (17. 8, 9).
Au milieu de ses larmes, Job clame sa certitude en la bonté de Dieu, ce témoin qu’il invoque dans les cieux (16. 19). Bien que Dieu lui ait paru quelques instants auparavant comme un adversaire, il ne peut s’empêcher de penser qu’il prend fait et cause pour lui, comme il l’a déjà exprimé (14. 15). Même en face des doutes les plus angoissants, il ne peut abandonner Dieu. Oui, méditons sur “la patience de Job” Jacques 5. 11 !
Croire en un Dieu à la fois hostile et ami amène un problème insoluble sans la présence d’un arbitre (16. 21), que Job a déjà évoqué (9. 33). Quelle foi en Dieu, de croire qu’il défendra l’homme ! La nécessité de l’œuvre de Christ s’impose à cet homme, en dehors de toute révélation particulière des plans de Dieu : c’est un encouragement, quand nous pensons aux hommes que Dieu prépare ainsi dans le monde à recevoir son message. Des évangélistes ont témoigné qu’ils ont trouvé des tribus entières prêtes à accueillir l’évangile. Quel privilège pour le chrétien de connaître dans sa plénitude la révélation de Christ : il est à la fois le témoin de notre justification devant DieuHébreux 9. 24, le médiateur entre Dieu et l’homme1 Timothée 2. 5, et l’avocat du croyant qui a péché1 Jean 2. 1 !
Les amis de Job ne pouvaient pas comprendre une telle confiance (17. 10) : elle dépassait le cadre de leurs schémas religieux. Non, l’attitude de Job ne contrariait pas la piété, comme le pensait Éliphaz (15. 4) : au contraire, elle en était la substance.
Devant le silence de Dieu, Job est prêt à quitter cette vie. C’est une preuve supplémentaire de son innocence, car autrement il aurait redouté la mort. Peut-être pense-t-il alors rencontrer Dieu qui l’écoutera avec bienveillance ? (comp. verset 3). En même temps, une profonde tristesse se glisse dans son esprit car il pense à ce qu’il aurait aimé être ou vivre, et qui lui a été refusé (verset 11). L’amertume risque de s’introduire quand Dieu nous arrête dans nos projetsProverbes 16. 9 ; 19. 21. D’après ses amis, Job pouvait, s’il se repentait, trouver la faveur de Dieu (le jour et la lumière du verset 12). Il renonce à cet espoir, et n’a plus de perspective que la mort. Pourtant le chapitre 19 nous révélera qu’il a encore d’autres certitudes.
Ces deux chapitres constituent un des sommets de ce livre bouleversant, qui nous rend cet humble croyant si proche.