Job ressent durement l’absence de compassion dont il est l’objet, et réagit par le sarcasme (verset 2). Ses amis lui ont rappelé des sentences bien connues, et il le vit comme un affront (verset 3). Ce n’est pas lui qui se moque de ses amis (11. 3), c’est l’inverse, comme il le soulignera à maintes reprises (verset 4 ; 17. 2 ; 21. 3 ; 30. 1). Objet de dérision, comme JérémieJérémie 20. 7 ; Lamentations de Jérémie 3. 14, Job est à l’image de Christ, qui dira : “tous ceux qui me voient se moquent de moi” Psaume 22. 8. Ceux qui sont atteints par le malheur sont méprisés par ceux pour qui tout semble bien aller (verset 5) Psaume 123. 4, et tout sourit aux orgueilleux (verset 6) Malachie 3. 15.
La nature recèle une mine d’instruction pour ceux qui veulent bien l’observer (versets 7-9). Dieu lui-même reprendra ce sujet pour convaincre Job à la fin. Partout, l’Éternel1 fait ce qui lui plaîtPsaume 135. 6. Il maintient la vie à son gré (verset 10). Une note positive, malgré tout : l’esprit2 de l’homme, qui lui permet d’entrer en relation avec Dieu, est l’objet d’un soin particulier du Créateur (verset 10 ; 10. 12) Nombres 16. 22 ; Daniel 5. 23 ; Hébreux 12. 9. C’est une consolation dans l’épreuve. Job cite un proverbe (verset 12 ; 34. 3) pour inviter ses auditeurs à réfléchir. Oui, la sagesse est le trait des anciens, admet-il avec ses interlocuteurs, mais ce n’est pas toujours le cas (versets 12, 20). Dieu seul est vraiment sage, et les qualités que lui attribue Job seront pleinement manifestées dans la sagesse personnifiée, Christ lui-même (verset 13) Proverbes 8. 14. Elle se manifeste par des œuvres de puissance (versets 14-16), et par le renversement des autorités humaines (versets 17-25). Toutes défilent une à une et sont dépouillées de leur apparence fastueuse. Job ne les accuse pas de quelque faute, mais démontre leur fragilité. Dans ce sens Job va plus loin que ses interlocuteurs, reconnaissant au Dieu souverain une gloire que ses amis n’avaient su attribuer qu’à l’exercice du jugement.
Le “mais” du verset 3 souligne que Job poursuit un but que ses amis n’ont pas saisi : il ne veut pas se soumettre sans comprendre pourquoi Dieu lui envoie cette épreuve. N’était-il pas trop conscient de sa supériorité morale (verset 2) ? Il veut s’entretenir avec Dieu, et non avec eux. Ses interlocuteurs ont eu la prétention de l’aider, mais sont de mauvais bergers (verset 4) Ézéchiel 34. 4. Quand nous sommes démunis devant la douleur d’autrui, mieux vaut nous taire que d’accuser (verset 5) Proverbes 17. 28. En voulant justifier Dieu à tout prix, les amis ont accusé Job injustement (versets 6-12). Leurs discours ont révélé l’état de leur cœur. Job exprime à nouveau son désir de rencontrer Dieu au tribunal (versets 14-19). Il veut se justifier, mais il sent que c’est une entreprise difficile, qu’il risque sa vie. D’un autre côté sa hardiesse lui semble être la preuve qu’il n’est pas un méchant, car les impies ne désirent jamais que lumière soit faiteJean 3. 20, 21. Le texte d’Ésaïe 50. 8 prête à Christ les mêmes paroles que Job au verset 19, mais malgré son innocence, notre Seigneur ne chercha pas dans son procès à prouver sa “juste cause”. Au milieu de toutes ces affirmations de propre justice, la foi de Job s’élance cependant pour affirmer sa confiance en Dieu envers et contre tout (verset 15).
Sans plus attendre, Job s’adresse directement à Dieu et lui demande (versets 20, 22) :
Job examine tous les aspects de sa condition qui pourraient faire obstacle à la faveur de Dieu (13. 20 à 14. 12). Il met Dieu au défi de lui révéler quelque iniquité ou transgression ou péché. A la rigueur, il admet que dans sa jeunesse il ait pu commettre des fautes, mais pourquoi lui en faire porter le poids si longtemps après ? Il croit que Dieu le considère comme un ennemi (verset 24). Sa misère lui semble illustrer toute la condition humaine, aussi fragile qu’une fleur et aussi passagère que l’ombrePsaume 103. 15 ; 144. 4 ; Ecclésiaste 6. 12. De plus, l’homme est pécheur par naissance, ce que Job prend pour une excuse. Il pense justifier ainsi son souhait que Dieu le laisse tranquille. Accentuer la faiblesse humaine et oublier la grâce de Dieu pour y faire face, c’est finalement dire : je n’y peux rien. Cette tentation du fatalisme laisse Job sous le poids écrasant du péché. Car où aller quand on croit avoir Dieu contre soi ?
Dans une sorte de délire, Job va imaginer se réfugier dans la tombe (14. 13-22). Il suppose pouvoir en revenir, car il est convaincu – porté malgré tout par un bel élan de foi – que Dieu languirait de lui (verset 15). Quoi qu’il en soit3, il voudrait être délivré de ses péchés qui semblent ineffaçables (verset 17) Osée 13. 12. Quel contraste avec la certitude que le Dieu de grâce a jeté tous les péchés du croyant dans les profondeurs de la merMichée 7. 19. A d’autres moments, Job réalise que son souhait est impossible, car nul ne revient du shéol, et n’y a de contact avec les vivants : son espoir s’en va. Il termine en songeant peut-être aux souffrances qui attendent le pécheur dans l’au-delà, à moins qu’il ne veuille dire que chacun porte sur terre sa part de souffrance et de solitude.
Malgré cette fin de discours pessimiste, une allusion à un autre monde est peut-être présente au verset 12 : oui, un jour les cieux et la terre actuels disparaîtront pour être remplacés par une nouvelle terre et de nouveaux cieux.