Jacob est menacé d’extermination, lui et sa maison. Comme d’habitude, il calcule ses propres ressources (34. 30), et convient cette fois qu’elles sont tout à fait insuffisantes. Mais se tournera-t-il enfin vers Dieu ? Cela lui est bien difficile, car il s’est longtemps privé d’une réelle communion avec Dieu ; de plus, un mal effrayant a été commis. L’Éternel s’adresse alors une fois de plus à son serviteur dans un nouveau jour de détresse (verset 3) : il est le même, celui qui ne change pas, le Dieu de Béthel, et l’évocation d’un tel lieu va produire un puissant effet sur l’âme de Jacob. Il lui est tout d’abord intimé l’ordre de se lever et de monter à Béthel ; cela lui permet de comprendre jusqu’à quel point il était moralement descendu.
L’Éternel demande à Jacob d’habiter à Béthel, et lui enjoint de faire un autel qui convienne au Dieu connu dans sa maison. Il lui rappelle ses fautes, sa fuite, sa détresse, ce qui conduit Jacob à reconnaître la grâce de Dieu, ses soins continus, sa fidélité. Mais il est en même temps placé dans la pleine lumière divine, et fait preuve d’un discernement spirituel immédiat et remarquable de ce qui convient à la gloire de Dieu.
Le Dieu de Béthel ne saurait tolérer l’impureté et l’idolâtrie à son autel. Jacob n’ignorait pas la présence de dieux étrangers dans sa maison ; c’est une révélation bien consternante, qui explique sa réticence à revenir à Béthel. Plutôt que d’extirper le mal, il avait préféré s’en accommoder, et rester à distance du lieu où Dieu s’était révélé à lui et voulait qu’il l’adore. Le peuple d’Israël entendra plus tard cette même injonction : “Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous” Josué 24. 23.
Fermons donc la porte de nos maisons aux dieux étrangers, à tout ce qui pourrait prendre la place du Seigneur dans nos demeures, dans nos familles, dans nos vies, dans nos cœurs : compromissions avec le monde des affaires ou des loisirs, amitiés douteuses, habitudes secrètes et coupables, pratiques superstitieuses. “Changeons nos vêtements” (verset 2) et montrons plus clairement ce dont Christ nous a revêtus. Il faut ensevelir sous le térébinthe non seulement les idoles, telles les théraphims de Rachel, mais aussi “les anneaux pendant aux oreilles”, tout ce qui cultive la vanité et détourne le cœur de la vérité.
Dans chaque maison chrétienne, les chefs de famille sont responsables, comme Jacob, d’obéir à Dieu en purifiant leurs demeures. Ils ne peuvent pas accepter de marcher seuls dans la présence de Dieu, et les enfants sont invités à se soumettre, même sans comprendre. Ils le feront de bon gré s’ils vivent dans une atmosphère de piété et de respect des valeurs divines, mais plus difficilement si la discipline de Dieu contraint les parents à se séparer de choses impures trop longtemps tolérées.
La famille de Jacob purifiée tourne enfin le dos au monde (verset 5). Elle ne s’enfuit pas, elle se dirige simplement vers le lieu où Dieu l’appelle ; celui-ci va tout naturellement la protéger. Jacob parvient avec tous ses gens au lieu de l’habitation divine (verset 6) ; il y trouve le vrai Dieu, El Béthel, et sa communion. A ce stade de l’histoire de Jacob, nous pensons au chemin parcouru par de jeunes chrétiens qui ont connu l’atmosphère de la maison de Dieu dans les années de leur enfance et de leur jeunesse, puis se sont éloignés. Après d’humiliantes expériences et quelquefois d’amères détresses, ils entendent l’appel du Dieu de grâce et reviennent. Ce n’est pas seulement la maison de Dieu qu’ils retrouvent, mais le Dieu de la maison qu’ils vont apprendre à connaître avec la famille de la foi.
Jacob est ramené non par les reproches sévères qu’il méritait, mais par la miséricorde et l’amour de celui qui dira plus tard : “J’ai aimé Jacob”. Dieu va le bénir là, confirmer son nouveau nom, Israël, que Jacob tiendra maintenant en honneur. Les promesses divines s’élargissent encore : non seulement une semence multipliée, les familles de la terre bénies en lui et en sa descendance, mais une multitude de nations provenant de lui. Jacob évoquera cette vision “d’une assemblée de peuples”, au moment où il bénira les fils de Joseph (48. 4). Enfin “des rois sortiront de tes reins” : nous connaissons cette belle lignée conduisant au Messie. En s’appropriant l’étendue et l’élévation de ces promesses, le prophète pourra dire au nom du peuple : “A Béthel… là, il parla avec nous” Osée 12. 5.
Puisque l’Éternel s’est exprimé à nouveau, Jacob érige encore une stèle de pierre (28. 18), qu’il oint d’huile. Il peut maintenant ajouter une libation de reconnaissance et de joie. Cette fois, l’Éternel ne s’est pas contenté de rester sur l’échelle, et Jacob a joui, comme Abraham (17. 22), de cette immense faveur d’un Dieu venant tout près de lui pour l’enrichir de sa bénédiction, avant de monter d’auprès de lui (verset 13).
Jacob va connaître maintenant des épreuves et des deuils successifs, mais il les traversera avec le secours d’un Dieu connu de près à Béthel, et qui l’afflige pour le bénir à la fin :
Jacob poursuit sa route, dans la conscience de son appel (verset 21) ; la famille est enfin au complet (verset 23). Ruben le premier-né profane odieusement le lit de son père (verset 22). Israël courbe la tête, mais sur son lit de mort il n’oubliera pas cette infamie, et prononcera l’oracle de jugement sur ce fils coupable (49. 3, 4) 1 Chroniques 5. 1.
Le chapitre 36 décrit le chemin d’Ésaü, un chemin qui s’éloigne de Dieu, à l’image de celui de Caïn. Ésaü avait commencé par le mépris du droit d’aînesse, vendu pour un potage, un roux (Édom : ce nom revient tout au long de ce chapitre). Il a continué par le mariage avec ces filles idolâtres, et son installation dans le pays de leurs pères (versets 20-25), dans la séparation définitive du pays promis (verset 6).
C’est un pays de sources chaudes (verset 24), sans rafraîchissement, à la différence de celles du bon paysDeutéronome 8. 7. L’Éternel confirmera solennellement ce choix ; le pays de Séhir devient le pays d’Édom (verset 31), et Israël devra le reconnaître pour toujoursDeutéronome 2. 5.
Le monde d’Ésaü s’établit en force dans la lignée du monde de Canaan (versets 20, 31), au moment de l’abaissement du peuple élu. Des chefs puissants et orgueilleux se succèdent, puis disparaissent pour toujours. Mais l’un d’entre eux, Amalek, petit-fils d’Ésaü (versets 12, 16), engendrera une descendance constamment en lutte avec le peuple de Dieu, dans le désert et dans le pays ; de ce fait, elle ira au-devant de sa destructionDeutéronome 25. 19 ; 1 Samuel 15. 2, 3 ; 30. 17 ; 1 Chroniques 4. 43.
Tel est donc le chemin d’Ésaü et de son orgueilleuse et prospère postérité. Nous devons entrer dans le sanctuaire de Dieu pour comprendre la fin des méchants qui prospèrentAbdias 3, 4, 17 ; Psaume 73. 3, 17. Ne portons pas envie au monde que représentent ces générations d’Ésaü ; il subira un jour la peine de son iniquité.