Jacob avait pu prier dans ses angoisses ; il est regrettable qu’il oublie de le faire maintenant qu’il est plus tranquille, afin de demander à Dieu le vrai chemin. Au lieu d’entrer directement dans le pays, puisque dans sa grâce l’Éternel l’y ramène, il s’établit pour l’instant en deçà du Jourdain. Durant cette pause prolongée, il perd son caractère de pèlerin et s’installe dans un certain confort.
Peut-être Jacob prend-il conscience que Succoth n’est pas un lieu de repos pour lui. Aussi le voyons-nous cette fois entrer dans le pays et parvenir en paix, comme il l’avait souhaité (28. 21), à la ville de Sichem. Mais est-ce bien là que l’Éternel l’appelle ? En l’arrachant de Paddan-Aram, il s’était présenté comme le Dieu de “Béthel”, qui voulait certainement le conduire à sa maison. Mais Jacob choisit Sichem. C’est en figure un lieu où l’on trouve moins d’élévation spirituelle, moins de sanctification. Tel sera toujours le choix du cœur naturel d’un croyant non exercé devant Dieu.
Jacob retrouve sa tente ; mais pourquoi va-t-il la planter en face de la ville de Sichem, dans le voisinage immédiat d’un peuple impur et idolâtre ? Ne sait-il pas que celui-ci est déjà placé sous la sentence de jugement ? Lot avait commencé ainsi en dressant ses tentes jusqu’à Sodome. Mais Jacob ne sent pas le danger, et va compléter son implantation en achetant le champ sur lequel il s’est établi. L’argent est pesé – il est en règle avec les hommes – mais Dieu est fidèle, et si même il reconnaît la valeur de la transactionJosué 24. 32, il ne va pas laisser Jacob tranquille.
Jacob, après avoir acheté le champ, dresse là un autel. Il devient adorateur dans le pays, ce qu’il n’avait pu être en exil ; mais Dieu ne veut pas être adoré dans les champs de ce monde, mais dans sa maison. Aussi bien, cet autel de Sichem ne ressemble en rien à celui d’Abraham (12. 7), et semble érigé en vue de sanctifier le champ. Il est dédié à Dieu, le Dieu d’Israël, celui qui l’a béni à Peniel et lui a conféré ce nom. Jacob semble se prévaloir de la bénédiction accordée, sans remonter au bienfaiteur, qui n’attend pas de lui un autel dans ce lieu.
Une fille de Jacob sort maintenant pour voir les filles du pays. Faut-il s’en étonner ? La tente est si proche de la ville ; il est bien naturel d’aller prendre contact, d’avoir une ouverture sur un monde jusque-là inconnu. Mais celui-ci ne tardera pas à manifester ce qu’il est.
Quelquefois, les enfants de parents croyants se laissent inviter dans les familles du monde, sortent avec des jeunes qui ne connaissent pas le Seigneur, sans penser aux suites possibles. Ils estiment pouvoir exercer une heureuse influence dans ces milieux qui leur sont attrayants. La Parole nous met en garde contre les amitiés du monde, elles sont dangereusesJacques 4. 4. Les bonnes compagnies sont celles de la maison de la foi. Les parents aussi sont responsables ; s’ils “plantent leurs tentes près de Sichem”, leurs enfants entreront dans la ville.
Dina a donc été déshonorée, et toute la maison de Jacob avec elle, mais le Dieu de Jacob en premier lieu. Le patriarche garde la bouche fermée, dans la honte qu’il peut ressentir, sans doute, peut-être aussi dans le sentiment d’avoir favorisé une telle infamie. Ses fils sont très irrités et méditent déjà la vengeance. Mais il n’y a point dans cette famille d’humiliation vraie devant Dieu qui a été déshonoré, point de confession des causes profondes qui ont conduit à une telle iniquité.
Quant au monde, représenté par Hamor et Sichem, ne lui demandons pas de reconnaître le mal commis, il n’en a pas conscience. La fornication (toute relation sexuelle hors mariage officiel) est devenue aujourd’hui si habituelle “qu’ils trouvent étrange que vous ne couriez pas avec eux dans le même bourbier” 1 Pierre 4. 4. Les alliances de toute nature sont recherchées, parce que les gens du monde voient ce qu’ils peuvent gagner de la part de chrétiens qui, même infidèles à leur Dieu, sont “paisibles à leur égard” (verset 21), et gardent dans les familles et les affaires professionnelles ou publiques une certaine moralité.
En réalité derrière la scène, Satan, le chef de ce monde, attire ceux qui se risquent sur son domaine pour les absorber et les dépouiller. Ces alliances (verset 9) conduisent à la confusion et à la disparition du témoignage pour le SeigneurJean 17. 14. La recherche des “possessions” (verset 10) fait perdre de vue le caractère d’étrangers et le désir d’une patrie célesteHébreux 11. 14.
Les offres du monde sont toujours subtiles et perverses, car il n’a pas conscience du mal. Il n’hésitera pas à faire de nobles et généreux sacrifices (verset 12) pour obtenir ce qu’il veut, mais le croyant fidèle ne serrera jamais la main que ce monde lui tend : “l’amitié du monde est inimitié contre Dieu” Jacques 4. 4. Si la maison de Jacob s’était placée dans la lumière de Dieu, elle se serait humiliée et courbée sous la discipline, et Dieu aurait incliné les cœurs des gens de Sichem pour que Dina soit dignement rendue malgré le déshonneur. Mais la colère prévaut, et elle conduit à la violence ; celle-ci s’exerce à travers le mensonge et la ruse, et ceci sous couvert de religion. Nous assistons ce jour-là à une consternante dégradation du témoignage que cette famille aurait dû rendre à son Dieu.
Voyons maintenant le point de vue des gens de Sichem. Leur désir de s’accorder avec ces étrangers qui servent leur Dieu est réel, car ceux-ci ont perdu leur caractère de témoins. Il s’agira, pensent-ils, de sacrifier un peu à leurs coutumes religieuses, et cela ira bien. Il n’y a point de vraie recherche de la signification spirituelle des choses, ni de réalité dans l’engagement, mais cela conduit à être “un même peuple” avec eux (verset 22). N’est-ce pas ainsi que nos jeunes peuvent quelquefois être trompés ?
Cependant, ce geste de la circoncision pourrait en faire reculer quelques-uns ; n’est-ce pas une mutilation douloureuse et sans signification, donc inutile ? Mais la décision est emportée (verset 23) par la perspective de tout ce qu’il y a à gagner au prix d’une petite concession religieuse sans grande portée ; le monde se dévoile enfin sous son vrai jour. Voilà comment il fait des ravages dans trop de familles chrétiennes.
Siméon et Lévi deviennent des meurtriers (verset 25) ; leur infamie dépasse de loin celle de Sichem le séducteur. Par leur action inique, les fils de Jacob n’ont fait qu’accroître le chagrin de leur père, qui semble plus affecté par leur violence que par l’insulte faite à sa fille. Il envisage les conséquences que peut avoir un tel carnage sur lui et sur sa maison, sans penser peut-être que le nom du Dieu de Jacob vient d’être foulé aux pieds par ses fils, ce Dieu dont la grâce est patiente, aussi longtemps qu’il n’est pas obligé de juger ces nations coupables.
Un jour, par la bouche de Jacob (49. 5-7), l’Esprit de l’Éternel condamnera solennellement le crime de Siméon et Lévi, et en tirera les conséquences en jugement. Pour l’instant, Jacob est consterné par l’état de sa maison et la menace de sa destruction ; mais sa sensibilité spirituelle émoussée ne lui permet pas d’en discerner les vraies causes. Néanmoins la grâce de Dieu va rendre Dina à sa famille, et le puissant appel du Dieu de Béthel va enfin projeter sur la conscience et dans le cœur de Jacob une merveilleuse lumière, pour une miraculeuse délivrance.