Les fils d’Israël prospèrent dans le pays de Goshen et s’y établissent comme chez eux. Ils sont les bénéficiaires des bénédictions promises aux patriarches, mais semblent oublier ce qui avait été communiqué à Abraham : “Ta semence séjournera dans un pays qui n’est pas le sien” (15. 13). Ils acquièrent des possessions dans un pays qui ne leur est pas destiné. Ils y vivent heureux aussi longtemps que Joseph est connu, mais le jour viendra où se lèvera un Pharaon qui ne l’aura point connuExode 1. 8 ; ce sera alors l’esclavage et la persécution. Si nous sommes avides de posséder les biens de ce monde, nous deviendrons un jour son esclave.
La fin de la vie de Jacob approche. Si la Parole garde le silence sur les dernières années d’Abraham et d’Isaac, elle nous entretient ici d’une fin triomphante qui souligne et exalte la grâce de Dieu, tout en manifestant la foi de ce patriarche. C’est le résultat en fruits paisibles et bénis d’un long et patient travail de Dieu en discipline. L’homme extérieur décline et tend vers sa fin, mais ce qui est de Dieu se déploie merveilleusement jusqu’au dernier souffle.
Nous pouvons être inquiets lorsque nous voyons nos forces physiques et nos facultés décliner, mais Dieu veille sur nos corps et sur nos esprits ; sachons nous en remettre avec confiance à sa sagesse. Ce qui doit nous importer et nous exercer, c’est d’avoir, comme Jacob, une fin de course qui glorifie Dieu.
Jacob vit en Égypte, mais ne s’attache plus en aucune manière aux choses d’ici-bas et à la prospérité sur la terre. Il est aux bons soins de Joseph, et ses pensées sont ailleurs. Ses trois derniers actes de foi vont nous montrer ce qui est devant lui.
Le premier acte de foi est un serment qu’il fait solennellement jurer à Joseph. Jacob entre dans la lignée de la foi de ses pères, la foi en un Dieu qui ressuscite les morts. Comme eux, il veut sortir vainqueur du tombeau dans le lieu de l’héritageHébreux 11. 13. C’est Joseph, ce fils bien-aimé de Jacob, qui accomplira son ultime désir. Dieu avait devancé le souhait de Jacob lorsqu’il lui avait promis à Beër-Shéba de le faire lui-même remonter dans le sépulcre de ses pères (46. 4), et il avait pu ajouter : “Joseph mettra sa main sur tes yeux”. Jacob avait compris avec satisfaction que celui qui lui fermerait les yeux fermerait aussi sa tombe. Mais son désir d’être enseveli en Canaan ne datait pas de ce jour-là. Depuis longtemps, alors qu’il était encore dans ce pays, il avait déjà creusé sa place dans le sépulcre de ses pères (50. 5) ; et sa foi se manifestera encore dans les dernières paroles qu’il prononcera (49. 29-33).
Ayant obtenu ce serment de Joseph, Israël l’adorateur se prosterne sur le chevet du lit ; c’est un grand moment, en vérité. Toutes les choses de la terre sont réglées, et ce vieillard peut entrer dans une communion paisible avec son Dieu. Certain de la fidélité de Dieu qui accomplira son propos, il adore en embrassant dans sa foi toutes les promesses divines.
Cet acte de foi est l’un des deux seuls relevés en Hébreux 11. 21. Jacob avait eu ses autels, et non des moindres ; il avait connu la maison de Dieu. Mais là, sur son lit de mort, au terme du pèlerinage, encore appuyé, dans un geste ultime, sur le bout de son bâton1, il fait monter un encens qui est agréable à Dieu parce qu’il n’est plus mêlé à l’énergie de l’homme.
Le deuxième acte de foi, mentionné aussi dans l’épître aux Hébreux, est la bénédiction de “chacun des fils de Joseph” ; en fait, il s’agit seulement des deux qu’il adopte. Joseph se présente avec Éphraïm et Manassé seulement ; sans doute est-il dans le secret de Jacob, donc dans la pensée de Dieu, au sujet de la bénédiction de ces deux fils. Au verset 2, “Israël” rassemble ses forces et s’assied sur le lit. Il en a fini avec lui-même, et ne cherche pas de secours charnel comme Isaac qui était alors moins affaibli que lui (27. 4) ; mais son Dieu le soutient.
Il évoque le chemin parcouru, et s’arrête à deux haltes particulières, l’une heureuse et l’autre douloureuse. A Luz, Béthel (35. 11, 12), le Dieu Tout-Puissant qui s’était révélé à lui et dont il rappelle le nom ici (verset 3), avait confirmé en les élargissant les promesses faites aux pères, et c’est dans cette certitude de foi qu’il va bénir.
A la deuxième halte, le cœur de Jacob se serre et tremble ; il voit encore Rachel mourir auprès de lui. C’est la fin obligée des affections terrestres ; l’avenir est dans ces enfants qu’il va bénir, et dans Bethléem plus tard.
Jacob commence par adopter les deux premiers fils de Joseph. Ils sont nés d’une étrangère, mais selon le propos souverain de Dieu, ils deviennent fils de Jacob. Après avoir été adoptés, Éphraïm et Manassé héritent chacun d’une part en Israël, au nom de Joseph qui reçoit ainsi le privilège du premier-né. C’est une décision divine souveraine, irrévocable, perpétuelle1 Chroniques 5. 1 ; Ézéchiel 47. 13.
En Israël, les droits du
C’est donc à un tel Dieu que Jacob recommande ces jeunes hommes en les bénissant. Ils sont âgés d’un peu plus de vingt ans, et sont à l’âge des choix décisifs, comme beaucoup de nos jeunes gens et de nos jeunes filles. Nous souhaitons pour ces derniers qu’ils recherchent la bénédiction d’en haut (verset 16), et qu’ils portent dignement le nom d’enfants de Dieu.
Jacob bénit donc les deux fils de Joseph selon la pensée divine. Joseph les a placés devant lui de telle manière que sa main droite vienne se poser sur la tête de Manassé et la gauche sur celle d’Éphraïm. Mais au moment de la bénédiction, Jacob croise ses bras, et accorde ainsi à Éphraïm la bénédiction revenant au premier-né.
“Cela fut mauvais aux yeux de Joseph” est-il écrit, mais cela était bon aux yeux du Dieu souverain. Ce brillant révélateur des secrets n’a pas su discerner (44. 15) cette fois la pensée divine. Par contre, son père, maintenant aveugle, est éclairé par “la vision du Tout-Puissant” Nombres 24. 4.
Cette bénédiction s’achève par l’évocation de l’héritage (verset 21). Au moment de mourir, Jacob n’a devant les yeux que le pays de la promesse et non pas les richesses de l’Égypte ; il confirme ce à quoi Dieu s’est engagé depuis longtemps (15. 16).
C’est Israël qui parle ; le vainqueur de Dieu est aussi le vainqueur de l’Amoréen. Il a déjà devant les yeux les victoires que remporteront les fils d’Israël lors de la conquête du pays. Il peut ainsi attribuer sa double part à Joseph, y compris Sichem (portion) qui reviendra à Éphraïm. Là où l’épée de Siméon et de Lévi avait contraint à la fuite, l’épée et l’arc d’Israël reviendront en conquérants. En donnant à Joseph les arrhes de l’héritage ce jour-là, Jacob porte nos yeux en avant vers un Christ glorieux, héritier du monde, lorsque tous ses ennemis seront mis pour le marchepied de ses pieds.