Nous passons d’une scène de fraîcheur et de vie, à une scène de tristesse marquée par le déshonneur, la honte et la mort. Voici le sombre jour où, par un seul homme, le péché entre dans le mondeRomains 5. 12. Vers le jardin de délices se glisse insidieusement le serpent, Satan lui-même, “le père du mensonge”, de la méchanceté et de la haine. Depuis sa chute, son but n’a pas changé : s’élever, dominer, et il emploie toute sa puissance en mal pour y parvenir. Il veut ravir la terre à Dieu ; et pour s’en emparer, il fait tomber celui que Dieu a placé pour dominer, l’homme. La Parole lui donne maintenant ces titres redoutables de chef de ce monde, Dieu de ce siècle. Pendant un temps, le pouvoir de la mort lui appartiendra, puisqu’il a réussi à conduire l’homme sous cette sentence depuis la chute en Éden.
Le serpent séduit Ève par sa ruse2 Corinthiens 11. 3, car il la sait plus faible que l’homme1 Timothée 2. 13, 14. Comme il le fera toujours, il met en doute la parole de Dieu : “Quoi, Dieu a dit ?” C’est la question de tous les raisonneurs. La foi dit : Dieu a parlé ; il est écrit, je crois. Satan parle de “tout arbre du jardin” pour amorcer plus facilement le dialogue, et la femme consent à répondre ; c’est sa perte. Lors de la tentation, Jésus ne répondra pas autre chose que : “Il est écrit”, et : “Va-t’en, Satan”.
La femme se place donc à la portée de Satan, en discutant avec lui. Elle interprète le commandement divin au lieu de le citer. Elle oublie toute la bonté de Dieu, qui offrait de manger librement de tout arbre du jardin (2. 16) ; la certitude du châtiment disparaît, il n’en reste que la peur. On sent poindre dans ce cœur humain l’insatisfaction et l’ingratitude, qui conduiront l’homme à la convoitise. C’est alors que le serpent peut instiller son venin. Il commence par un mensonge très grave : “Vous ne mourrez point certainement”.
Il continue en sapant toute la gloire morale de Dieu aux yeux de la femme : “Dieu ne vous aime pas et reste jaloux de ses prérogatives ; il ne veut pas que vous soyez comme lui, alors que vous êtes des créatures supérieures ; il n’est pas juste”. Ce trompeur y mêle un peu de vérité, en prétendant que leurs yeux seront ouverts et qu’ils connaîtront le bien et le mal. Mais il se garde bien d’en dire les conséquences : la connaissance du bien sans la capacité de le pratiquer, et la connaissance du mal sans la force pour le surmonter.
La femme laisse le doute envahir son cœur et succombe à la tentation. Elle prend du fruit défendu dans l’espoir utopique d’entrer dans un domaine de connaissance mystérieux et merveilleux.
Le monde créé est ainsi soustrait à la gloire de Dieu et cédé à l’usurpateur. Dieu est déshonoré devant l’armée des anges ; sa souveraineté trouve en face de lui l’insoumission de l’homme ; sa sagesse dans l’ordre de la création est mise en cause ; sa sainteté est offensée par la souillure du péché. Le Dieu de vérité est fait menteur, et le Dieu de bonté trouve devant lui méfiance et ingratitude. Ces caractères se retrouveront constamment chez l’homme dans les temps qui suivront.
Ève s’est laissé convaincre par la parole du serpent (verset 6). Elle trouve soudain toutes les vertus à cet arbre défendu ; la convoitise est née. Le “virus” que l’ennemi vient d’introduire dans son cœur infectera toute la race humaine : convoitise des yeux (plaisir pour les yeux), convoitise de la chair (bon à manger), orgueil de la vie (désirable pour rendre intelligent). Le péché sous l’une de ces trois formes touchera tout ce qui est dans le monde1 Jean 2. 16. Les hommes prêtent l’oreille à la voix trompeuse des séducteurs de ce monde. La Parole de Dieu est mêlée ou adaptée à la parole des hommes ; la distinction du bien et du mal, son appréciation par la conscience, vont en s’affaiblissant ; Satan semble triompher.
La femme se tourne maintenant vers son mari. Elle aurait dû le faire avant, car c’était lui qui était responsable de tenir ferme le commandement divin ; quittant sa position de dépendance, elle a été trompée. Adam ne l’a pas été, nous dit la Parole1 Timothée 2. 14. Il tombe dans la transgression quand il ne sait pas refuser à sa femme ce qu’elle lui offre (verset 17), car il a conscience de ce qu’il fait. C’est pourquoi sa responsabilité est établie : “Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort” Romains 5. 12.
Au verset 7, leurs yeux s’ouvrent non pas sur un univers merveilleux de bonheur mais sur leur nudité et leur déchéance. L’homme dès lors s’évertuera à parer sa laideur morale de ceintures dérisoires : vernis social convenable, ou religion tendant à sa réhabilitation. Cela le couvrira peut-être aux yeux de ses semblables ou à ses propres yeux, mais certainement pas au regard de DieuHébreux 4. 13.
Jusque-là, Dieu s’entretenait avec l’homme dans le jardin. La communion est désormais rompue ; la conscience d’Adam parle, il se cache. A sa suite, l’homme pécheur fuira le regard de Dieu en s’enfonçant dans les ténèbres morales, comme si l’œil de Dieu ne voyait pas partoutPsaume 139. 7-12. Dieu va s’adresser successivement à l’homme, à la femme, au serpent. Il appelle d’abord Adam : “Où es-tu ?” non pas : où êtes-vous ? C’est lui le chef de la femme, le responsable, il doit répondre ; les feuilles de figuier et les arbres n’ont rien pu voiler de sa déchéance. L’homme semble alors rendre Dieu responsable : “La femme que tu m’as donnée… elle, m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé” ; où est l’amour pour son épouse, où est l’amour pour Dieu ? Ce qui reste toujours difficile, c’est de confesser entièrement et sincèrement son péché ; c’est pourtant le seul chemin du pardon. Puis Dieu parle à la femme ; elle ne se disculpe pas, mais répond sincèrement ; aussi la sentence qui suivra lui laissera-t-elle une voie ouverte à la miséricorde.