Désormais le péché est entré dans le monde ; il sera dans le cœur de tout homme dès sa naissance. Le premier qui vient au monde, c’est Caïn, et il peut être dit de lui comme de nous tous : “Voici j’ai été enfanté dans l’iniquité, et dans le péché ma mère m’a conçu” Psaume 51. 7. Ève, en l’appelant Caïn (acquisition), semble attendre de lui la réponse à la promesse faite à la semence de la femme. Il ne faut pas longtemps pour qu’elle se rende compte de son erreur. La semence promise ne sera pas soumise aux lois de la nature humaine, mais elle sera donnée de Dieu ; aussi Ève appelle-t-elle l’enfant suivant : Abel (vanité). Les deux frères sont semblables à leur naissance ; ils sont tous deux “constitués pécheurs” Romains 5. 19, mais plus tard, Abel sera “constitué juste”.
La Parole nous montre que l’homme a conscience, dès le début de son histoire, d’avoir au-dessus de lui quelqu’un dont il dépend et qu’il doit honorer. Depuis lors, deux lignées se déroulent :
Caïn laboure la terre et offre à Dieu du fruit d’un sol maudit. Il agit comme si rien ne s’était passé, et s’approche de Dieu selon sa propre justice, plein de lui-même et de ses œuvres. La religion de Caïn est la religion de l’homme, la même dans tous les lieux et dans tous les temps.
Abel est un berger ; il est adorateur de Dieu d’une façon continue comme le confirment : “des premiers-nés” (verset 4) … “ses dons” Hébreux 11. 4. Sa vie de communion avec Dieu éclaire sa conscience, et lui permet de saisir par la foi les conséquences dramatiques des événements vécus par ses parents. Le choix de son offrande révèle un sens spirituel profond, et satisfait le cœur de Dieu car c’est un sacrifice sanglant. Le sang, c’est la vie ; il fait propitiation pour l’âme, et parle à l’avance du sang de Christ qui purifie de tout péché.
Ici l’offrande, comme dans la Genèse en général, a le caractère d’holocauste agréable à Dieu. L’intelligence de la foi conduit Abel à offrir la graisse, partie excellente de la victime. En Hébreux 11. 4, Abel reçoit le témoignage d’être juste, Dieu le justifiant par ses donsMatthieu 23. 35, et son sacrifice est qualifié d’excellent. Il s’est approché de Dieu avec foi, comme Dieu s’était approché de l’homme en riche grâce (3. 21). La voie ainsi inaugurée pour se présenter devant Dieu sera suivie par la lignée des hommes de foi.
Caïn est très irrité ; satisfait de lui-même et de son travail, il ne peut comprendre que Dieu refuse d’avoir égard à son offrande. Mais l’irritation se porte tout autant contre son frère dont il est jaloux, parce qu’Abel a été agréé et il n’en voit pas la raison. Il ne veut pas reconnaître que ses propres œuvres sont mauvaises, et celles de son frère justes aux yeux de Dieu (cela se manifeste dans les offrandes), et il le tuera1 Jean 3. 12.
Mais auparavant Dieu intervient en miséricorde. Il lui montre, sans doute par la comparaison des deux offrandes, ce qu’est le bien pour lui. Abel fait ce qui est bien à ses yeux ; lui Caïn aurait pu faire de même pour être agréable à Dieu. S’il s’endurcit, ce sera une offense à Dieu et un péché évident. Mais s’il reconnaît s’être trompé et se soumet, le sacrifice pour le péché (le mot hébreu a les deux sens : péché, et sacrifice pour le péché) n’est pas à chercher loin : “il est couché à la porte” (verset 7). Dieu lui offre donc une voie de salut et de restauration. Si Caïn accepte, il retrouvera les privilèges du premier-né dans des relations d’affection avec son frère (verset 7 ; 3. 16 ; 27. 29).
Caïn reste très irrité quand il va trouver son frère. Cet état d’esprit va le conduire à lever sa main contre Abel et à le tuer. Il ne s’est pas repenti. Des profanes tel Ésaü, des infidèles tel Saül, ne seront pas davantage ouverts à la repentance ; Israël non plus, et il mettra à mort son Messie. Génération après génération, l’inimitié se perpétue ainsi entre la semence du serpent et la semence de la femme.
L’homme, au cours des âges, se laissera entraîner à persécuter son semblable plus pour ses principes religieux que pour toute autre raison. Cette hostilité visera au premier chef les enfants de Dieu : “Parce que vous n’êtes pas du monde… le monde vous hait” Jean 15. 19. Abel est donc le premier martyrMatthieu 23. 35.
Quelle attitude odieuse que celle de Caïn qui se lave du sang de son frère ! Mais la terre, elle, crie vengeanceHébreux 12. 24 et appelle à sa malédiction. Elle était maudite de la part de Dieu à cause de la transgression d’Adam ; maintenant Caïn est maudit de la terre à cause de son crime. Dieu demande à Caïn : “Qu’as-tu fait ?” “Suis-je, moi, le gardien de mon frère ?” sera la seule réponse de ce meurtrier. Un jour, Pilate posera à son tour cette même question au seul juste, Jésus le Saint de Dieu, au moment où il viendra payer pour ce que les hommes ont fait. Combien seront coupables ceux qui auront refusé d’entendre la voix “du sang d’aspersion qui parle mieux qu’Abel” Hébreux 12. 24, le sang de Jésus Christ, qui parle de salut, de paix et de pardon ! Quel cœur dur que celui de Caïn ; il est bien “du méchant”. Il n’a pas un remords pour ce crime commis, le meurtre de son frère, il a seulement peur de mourir à son tour. Cependant le temps de la vengeance n’est pas encore venu (9. 5, 6) ; Caïn devient errant sur la terre, sans repos. Sa conscience le poursuit, le poursuivra toujours ; cette voix-là, qui la fera taire ?
Ah, que ne font les hommes pour réduire cette voix au silence ! Elle poursuit ces pécheurs errants ; ils s’agitent et s’étourdissent, mais ne parviennent pas à étouffer la voix de leur conscience.