Paul est amené dans l’Aréopage1, la plus ancienne cour des institutions athéniennes. Une de ses principales fonctions consistait à autoriser et à entendre les discours faits en public.
L’approche que Paul adopte à Athènes est bien différente de celle qu’il utilisait pour annoncer Jésus Christ aux Juifs. Comme capitale de la culture, la ville se distingue nettement de Jérusalem la religieuse ou d’Éphèse l’idolâtre. Paul cherche à attirer l’attention de son auditoire par un exemple concret et à gagner leur confiance en utilisant les ressources de sa culture grecque. Il connaît les divers systèmes de pensées mais ne fait aucune concession au paganisme, même s’il exploite des thèmes chers aux philosophes. Bien qu’ils soient aussi voués aux idoles que les autres païens, Paul n’accuse pas ses auditeurs d’idolâtrie mais leur montre leur ignorance quant au vrai Dieu et en profite pour introduire les vérités essentielles de la foi chrétienne : nécessité de la conversion, existence d’un jugement, réalité de la mort et de la résurrection de Jésus.
Les Grecs avaient imaginé des dieux pour chaque besoin et chaque activité comme l’amour, la chasse, le commerce etc. Leur religion répondait essentiellement aux aspirations matérialistes et sensuelles de l’homme. L’homme avait fait ses dieux à son image. Les dieux grecs étaient sur l’Olympe, une montagne inaccessible.
Pour la pensée grecque, le monde était un perpétuel recommencement. L’histoire en général et la vie en particulier suivaient un rythme cyclique. À bien des égards, la pensée moderne n’est pas très différente. Dans son discours, Paul va rompre avec cette conception misérable et va donner un sens à la vie. Notre vie possède un commencement, une direction et un but.
Paul commence son discours en reconnaissant qu’il est impressionné par les sentiments religieux des Athéniens. En disant qu’ils sont voués au culte des démons, il n’insulte en aucune manière ses auditeurs. Pour les Grecs les démons n’étaient que des divinités inférieures, bonnes ou mauvaises.
Paul capte ensuite immédiatement l’attention par un exemple concret, celui de l’inscription trouvée sur un autel dédié à un dieu inconnu. Les Athéniens, superstitieux comme tous les hommes, l’avaient édifié par crainte de manquer une bénédiction ou de recevoir un châtiment. Paul en tire une leçon inattendue de ses auditeurs : ce dieu inconnu est le Dieu qu’il veut leur faire connaître.
Paul utilise ainsi le système de référence de ses auditeurs pour les amener à accepter plus facilement son message. Appliquons-nous, comme lui, à ne pas heurter de front nos interlocuteurs, mais à les amener à Christ en utilisant leur système de références culturelles ou même religieuses comme point de départ.
Les Grecs attribuaient la création à toute une série de dieux. Paul proclame un Dieu unique, vrai Créateur de toutes choses, Seigneur de l’univers et qui ne peut habiter dans des sanctuaires faits par les hommes (les temples abondaient sur l’Acropole !). Le vrai Dieu est un être spirituel et invisible. Comme Paul va le démontrer, Il est insondable mais pas inconnaissable.
Parce que Dieu est le grand Donateur de la vie, Il n’a pas besoin de quoi que ce soit venant de l’homme. Il est le Créateur de l’univers et de tout ce qu’il contient. Puisqu’il a créé l’homme, toute l’humanité n’a qu’une seule origineÉphésiens 4. 6. Cet argument anéantit la croyance des Grecs qui s’estimaient supérieurs aux autres races. (On ne trouve rien dans la Bible qui justifie la notion de supériorité raciale.)
Dieu exerce sa Providence envers l’humanité et arrange toutes choses pour que l’homme le cherche et le trouve, bien qu’Il soit un être spirituel et non matériel. Les poètes grecs l’avaient compris depuis longtemps. Paul cite Aratos (“Car aussi nous sommes sa race”), un Stoïque né en 310 av. J. C. et, comme Paul, originaire de Cilicie. La même pensée avait été exprimée par d’autres, comme Cléanthès, en des termes presque identiques. Paul connaissait les auteurs grecs. Il ne pouvait être taxé d’ignorant.
Si nous sommes de la race de Dieu, comment peut-on envisager de représenter la divinité sous la forme d’objets matériels que l’on peut toucher ?
Paul arrive au point culminant de son discours. Il montre que les hommes ne seront pas condamnés pour ce qu’ils ont ignoré de Dieu jusqu’à l’annonce de l’évangile. Paul déclare que Dieu ordonne à tous les hommes, en tous lieux, qu’ils se repentent, qu’ils changent radicalement de vie, car il va juger la terre. Pour les Épicuriens avides de plaisir sensuels, ce changement de vie devait être intolérable. Pour les Stoïciens qui prétendaient pouvoir intégrer automatiquement la grande Force universelle après la mort, cette vérité gâchait leur rêve.
Les hommes ont deux grandes craintes : la peur de la mortHébreux 2. 15 et… la peur du jugement. Il y a au fond du cœur de tout homme une soif de justice qui réclame le jugement sur les hommes tout en le redoutant pour soi-même. Le juge dont parle Paul n’est pas une vague divinité inconnue mais un homme destiné à cela. Dieu en a donné une preuve évidente en le ressuscitant d’entre les morts.
Paul ne peut achever son discours. On ne lui laisse pas le temps de nommer Jésus, de parler de sa crucifixion et de son œuvre de salut, bref, d’annoncer l’ensemble de la bonne nouvelle de Dieu. La mention d’une résurrection des morts provoque la moquerie chez certains et le désir de renvoyer à plus tard chez d’autres. La moquerie permet d’esquiver la vérité mais cache souvent un profond désarroi. L’habitude de renvoyer à plus tard fait taire la conscience et reporte souvent à jamais une décision pour Christ à prendre aujourd’hui2 Corinthiens 6. 2. Il n’est pas facile d’évangéliser ceux qui pensent être sages et intellectuels car ces choses leur sont cachéesLuc 10. 21.
Le travail de Paul à Athènes n’est pourtant pas vain, même si le nombre de ceux qui croient est faible car “il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair” 1 Corinthiens 1. 26. Un homme de haut rang se convertit : Denys, un magistrat de l’Aréopage, la cour suprême d’Athènes. Le nom de Damaris, une femme croyante, nous est aussi précieusement conservé comme pour souligner le courage qu’il a fallu à ces personnes pour se joindre à Paul dans un milieu moqueur et désabusé.