Au sein de la nuit, “la nuit qu’il fut livré” 1 Corinthiens 11. 23, alors que Jésus parlait encore à ses disciples, voici ceux qui venaient le prendre, conduits par Judas qui livre son Maître par un baiser. La foule, soldats et huissiers, portait des épées et des bâtons, et s’éclairait avec des lanternes et des flambeaux. Sortis comme après un brigand, ils dépendaient de Judas et du signe convenu – un baiser – pour identifier Jésus et le saisir. Si nous ne nous sommes pas tenus dans la présence de Dieu pour sonder la méchanceté foncière de notre cœur, comme aussi sa faiblesse, nous ne pouvons comprendre la conduite de Judas : livrer son Maître par un baiser (le signe extérieur de l’affection), dans ce jardin même où Jésus s’était souvent reposé avec ses disciples.
La douceur des paroles du Seigneur étreint le cœur : “Judas, tu livres le Fils de l’homme par un baiser ?” (verset 48), parole que Matthieu rapporte : “Ami, pourquoi es-tu venu ?” Matthieu 26. 50 De telles paroles de grâce s’accompagnaient pour Christ de la douleur d’être vendu à ses ennemis par l’un de ses disciples, selon le témoignage prophétique : “Car ce n’est pas un ennemi qui m’a outragé… mais c’est toi, un homme comme moi, mon conseiller et mon ami” Psaume 55. 13, 14. Judas avait été nommé apôtre, “l’un des douze” (verset 47) mais maintenant il était devenu traître (6. 16). À travers lui, c’était toute la méchanceté de Satan qui s’exerçait, pour la perte éternelle de l’un et de l’autreActes 1. 25 ; Apocalypse 20. 10.
Les disciples demandent à leur Maître s’ils peuvent prendre l’épée pour le sauver (verset 49). Et Pierre, toujours prompt, n’attend pas la réponse et frappe l’esclave du souverain sacrificateur, MalchusJean 18. 10. Jean seul identifie Pierre et donne le nom de l’esclave. Christ avait prié dans le jardin ; il manifeste maintenant sa propre perfection dans sa patience envers les hommes et dans sa toute-puissance qui efface les conséquences de l’erreur de Pierre. Les disciples, au contraire, endormis dans le jardin au lieu de veiller, entreprennent maintenant de défendre leur Maître : ils étaient pourtant encore sous sa protectionJean 17. 12. La différence est grande entre porter une épée et en faire effectivement usage. Le Seigneur le fait remarquer avec douceur à ses disciples : “Laissez faire jusqu’ici” (verset 51) ; cette déclaration est à rapprocher de ce qu’il leur avait déjà dit : “C’est assez” (verset 38), et à laquelle ils n’avaient pas pris garde.
Ayant guéri Malchus, le Seigneur se tourne alors vers les principaux sacrificateurs, les capitaines du temple et les anciens, c’est-à-dire tous les chefs religieux du peuple. Si tous n’étaient effectivement pas là dans le jardin, ils avaient envoyé les huissiers conduits par Judas : ils étaient tous collectivement responsables. Le Seigneur n’était pas un brigand pour être traité de la sorte ; il ne s’était pas caché d’eux, présent tous les jours dans le temple (versets 53 et 19. 47). Cette arrestation clandestine, de nuit, était donc l’accomplissement d’un plan diabolique. L’heure de Jésus était venueJean 13. 1, cette heure solennelle et glorieuse de sa mort. Quant aux hommes poussés par Satan et instruments de sa méchanceté, c’était leur “heure, et le pouvoir des ténèbres” (verset 53). À cette heure, Jésus, lumière et amour, est saisi par les ténèbres et la haine, pour que se règle le conflit final entre le bien et le mal. Mais, par la mort de Christ, Dieu nous a “délivrés du pouvoir des ténèbres” Colossiens 1. 12, 13. Que son nom soit béni !
Jésus est emmené par ceux qui étaient venus le prendre dans le jardin et conduit jusqu’au palais du souverain sacrificateur CaïpheJean 18. 13. À ce moment, les disciples, saisis de crainteMatthieu 26. 56 ; Marc 14. 50, abandonnent leur Maître et s’enfuient. Pierre seul entreprend de répondre à l’engagement qu’il avait pris de suivre le Seigneur en prison et jusqu’à la mort (verset 33). Mais, déjà, il suivait de loin. C’est près de Christ, le vrai David, qu’on est bien gardé1 Samuel 22. 23. Si la distance morale entre Christ et nos âmes augmente, le danger de tomber augmente aussi.
Pierre n’avait pas accès au palais du souverain sacrificateur dans lequel Christ était déjà. Jean parle à la servante pour faire entrer PierreJean 18. 16, qui pénètre alors dans un domaine qui lui était complètement étranger. Représentons-nous cet humble pêcheur de Galilée pénétrant dans ce luxueux palais, rempli des ennemis du Seigneur. La première leçon que nous avons à apprendre de cette scène douloureuse, c’est de fuir les lieux où nous ne pouvons pas être des témoins pour Christ. Il n’est pas possible d’éviter tous les contacts avec le monde au milieu duquel nous vivons. Mais comme DanielDaniel 1. 8 qui avait arrêté dans son cœur de ne pas se souiller, nous devons fuir les situations où notre faiblesse nous exposerait au danger.
Pierre, d’un caractère aimable et expansif, était particulièrement sensible au jugement des autres sur lui-même. Cette tendance ne s’est pas effacée en lui au cours de sa vie, comme le montre l’exemple de sa conduite à AntiocheGalates 2. 11-13. Comme l’a dit un serviteur de Dieu : « Prenons soin de notre conduite, et Dieu prendra soin de notre caractère. » Pierre s’assied donc au milieu des ennemis du Seigneur auprès du feu allumé parce qu’il faisait froid cette nuit-là (verset 55) Jean 18. 18. Se tenant dans le chemin des pécheurs et assis au siège des moqueursPsaume 1. 1, il n’est plus sur le chemin de la bénédiction et abandonne la place de témoin. Là, il tremble devant les hommes ; or “la crainte des hommes tend un piège” Proverbes 29. 25. N’oublions pas que Satan avait demandé à l’avoir pour le cribler. Alors le même disciple qui avait reconnu Jésus comme le Christ de Dieu (9. 20), refuse maintenant de reconnaître son Maître par trois fois :
Que sommes-nous, livrés à nous-mêmes, dans la présence de l’ennemi ? Pierre, entreprenant de suivre son Maître, démontre l’incapacité de la chair à le faire ; mais la parole de Jésus, elle, s’accomplira. Le chant du coq la rappelle au disciple. “Et le Seigneur, se tournant, regarda Pierre” (verset 61). Pleinement conscient de tout ce qui l’attendait, le Seigneur s’occupe quand même de son disciple. Ce seul regard de lumière et d’amour vers lui commence le travail de relèvement du disciple tombé. La lumière pénètre dans la conscience de Pierre pour lui montrer la profondeur de sa faute. En même temps, l’amour du Sauveur touche son cœur pour lui rappeler que Jésus avait prié pour lui, qui demeurait l’objet de sa tendresse.
Pour Pierre, l’heure de la tentation a pris fin. Il sort du palais et pleure amèrement (verset 62). Tel est le début du travail de la grâce de Christ pour ramener et bénir son disciple. La tristesse qui est selon Dieu opère une repentance à salut dont on n’a pas de regret2 Corinthiens 7. 10 ; c’est le cas de Pierre. La tristesse qui est selon le monde opère la mort : c’est le cas de Judas.