Quittant la chambre haute à Jérusalem, le Seigneur traverse le torrent du Cédron, pour se diriger, selon sa coutume, vers le mont des Oliviers, suivi par ses disciples. Sur les pentes de la montagne, se trouvait un jardin où le Seigneur s’était souvent assemblé avec euxJean 18. 2 ; un jardin appelé Gethsémané, dont le nom signifie : pressoir à olives. Arrivé là, le Seigneur invite ses disciples à la prière : “Priez que vous n’entriez pas en tentation” (verset 40). Ils devaient avoir conscience de la solennité de l’heure terrible qu’ils allaient traverser, pour chercher leur secours en Dieu. La dernière requête de l’oraison dominicale (11. 4) était particulièrement adaptée à leur état présent.
Laissant derrière lui les autres disciples, le Seigneur prend alors avec lui Pierre, Jacques et JeanMatthieu 26. 37, ceux-là qui avaient été témoins de la résurrection de la fille de Jaïrus (8. 51) et de la transfiguration sur la montagne (9. 28). S’éloignant d’eux d’un jet de pierre – une courte distance (verset 41) – il se recueille devant son Père dans une scène solennelle qui n’a pas eu de témoins1. Déjà Abraham, montant avec Isaac son fils sur la montagne de Morija, avait laissé ses deux jeunes hommes derrière eux lorsqu’il avait vu le lieu de loinGenèse 22. 4. À la traversée du Jourdain (le fleuve de la mort), l’arche (Christ) allait seule devant le peuple à une distance d’environ deux mille coudéesJosué 3. 4.
Que Dieu nous accorde de contempler cette scène de Gethsémané avec révérence, dans l’état moral de ceux qui se tiennent sur une terre très sainteExode 3. 5 ; Josué 5. 15.
Le Seigneur se met à genoux pour prier. C’est la septième fois que l’évangile du Fils de l’homme nous le présente ainsi en prière. Il s’adresse à son Père, celui qui ne l’avait jamais laissé seulJean 8. 29, qui avait été sa confiance dès sa naissancePsaume 22. 10-11 et tout au long de sa vie d’homme obéissantPsaume 16. 1, 8. Il prie que la coupe puisse passer loin de lui, en se soumettant en même temps à la volonté de son Père (verset 42).
C’est la troisième coupe mentionnée dans ce chapitre de l’évangile. La première coupe de la Pâque (22. 17) symbolise la joie du royaume à venir. La deuxième est celle de la Cène (22. 20), mémorial du sang de la nouvelle alliance. La troisième, non matérielle, (22. 42) est celle de la colère de Dieu contre le péché. Le Seigneur l’a reçue de la main de son PèreJean 18. 11 dans le jardin de Gethsémané et l’a bue sur la croix pendant les heures de l’abandon. À cause de ses péchés, Jérusalem devra boire la coupe de la fureur de l’Éternel jusqu’au fondÉsaïe 51. 17. Plus tard les apostats (Babylone et toutes les nations) devront aussi “boire du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère” Apocalypse 14. 10 ; 16. 19. Le vin n’est plus le symbole de la joie, mais de la colère de Dieu : c’est la vendange de la terre, un jugement de vengeance contre les impies. Tous ces jugements tombent sur ceux qui les méritent. Christ, au contraire, s’est présenté pour boire la coupe du jugement mérité par d’autres, tous les élus.
Venu sur la terre selon le dessein divin pour faire la volonté de Dieu : “Voici, je viens… pour faire, ô Dieu, ta volonté” Psaume 40. 7 ; Hébreux 10. 7, l’homme parfait se soumet en pleine obéissance à la volonté de son Père. Il ne pouvait y avoir aucun conflit entre la volonté du Père et celle du Fils, mais au contraire une parfaite harmonie. Vu ici-bas comme homme, le Seigneur est pour nous un parfait modèle de soumission et d’obéissance. L’apôtre en parle ainsi aux Hébreux : “Durant les jours de sa chair, ayant offert avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé à cause de sa piété, quoiqu’il fût Fils, (il) a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes” Hébreux 5. 7, 8.
L’obéissance était une chose nouvelle pour le Fils de Dieu devenu homme ; l’épreuve suprême de Gethsémané n’a fait que manifester sa perfection. Combien tous les termes de l’Écriture sont merveilleusement adaptés à nous communiquer les pensées de Dieu à l’égard de son Fils. L’offrande de gâteau (Lévitique 2) qui montre la perfection de la vie de Christ présentée en bonne odeur à Dieu est particulièrement en vue dans l’évangile de Luc. Constituée de fine fleur de farine (la pureté intrinsèque de Christ), elle était pétrie et ointe d’huile (le Saint Esprit) et couverte d’encens (la bonne odeur de Christ pour Dieu). La valeur de l’offrande était mise en évidence par le feu (la souffrance). Entrant par la foi dans le jardin du pressoir à olives (d’où l’huile découlait), nous contemplons avec Dieu la perfection de l’Homme de douleurs.
Les deux évangiles selon Matthieu et Marc montrent que le Seigneur a prié son Père par trois fois. Mais Luc seul nous montre la profondeur insondable de la souffrance de Christ et de l’angoisse2 de son âme, ainsi que le secours de l’ange envoyé pour le fortifier3.
L’angoisse de l’âme du Sauveur augmente encore : nul ne pouvait partager avec lui sa souffrance, et sa ressource demeurait la prière : “il priait plus instamment” (verset 44). La sueur sanglante exprime la profondeur du combat qui étreignait son âme.
Alors, ayant triomphé, acceptant la coupe et s’offrant lui-même comme victime, il se lève de sa prière. Il était là reconnu comme ayant droit à la vie : il pouvait sortir libreExode 21. 2. Mais pour accomplir la volonté de son Père, il serait “obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix” Philippiens 2. 8.
La prière du Seigneur a été parfaitement exaucée lors de sa résurrection : “Il t’a demandé la vie : tu la lui as donnée, – une longueur de jours pour toujours et à perpétuité” Psaume 21. 5. On ne peut donc pas penser que la volonté du Seigneur ait été contraire à celle de son Père, ni que sa prière en Gethsémané n’ait pas été exaucée. Au contraire, il a été “exaucé à cause de sa piété” Hébreux 5. 7.
Revenant auprès de ses disciples, il les trouve endormis de tristesse. Ils n’avaient pas eu la force de veiller une heure avec leur Maître et avaient cherché, comme nous le faisons trop souvent dans nos vies, un refuge contre leur tristesse dans le sommeil. Quelle qu’ait été la peine profonde du Seigneur à la pensée de ce qui était devant lui, son cœur reste ouvert pour ses disciples ; il leur adresse à nouveau cet appel à la prière, afin qu’ils puissent traverser les épreuves qui allaient les atteindre (verset 46).
La scène de Gethsémané nous présente Christ comme modèle. Dans nos combats, il faut avoir revêtu l’armure complète de Dieu, et conserver dans nos mains, les deux armes de la parole de Dieu et de la prière, avant de rencontrer l’adversaire. Marcher avec Dieu d’une manière habituelle dans notre vie est le seul moyen de traverser avec lui l’épreuve du mauvais jour.