Si Judas montre la méchanceté de l’homme sans Dieu poussée à l’extrême, la conduite des autres disciples, Pierre notamment, fait ressortir la faiblesse de la chair dans le croyant. Ne soyons pas prompts à accuser les disciples ; nous leur ressemblons trop souvent dans les détails de notre vie quotidienne. Nous avons maintenant le Saint Esprit ; eux-mêmes ne le possédaient pas encore au moment des circonstances placées devant nous.
Les disciples, Judas et les onze, nous donnent donc deux avertissements solennels. Le Seigneur, lui, nous laisse l’exemple parfait.
Au moment même où le Seigneur annonce que l’un des siens le livrerait, les disciples contestent pour savoir lequel serait le plus grand. La question s’était déjà posée parmi eux après que les trois disciples (Pierre, Jacques et Jean) étaient redescendus de la montagne de la transfiguration (9. 46). Un peu plus tard, Jacques et Jean avaient demandé pour eux une place spéciale dans le royaumeMarc 10. 35-37, soutenus par leur mère dans leur requêteMatthieu 20. 20. Apprenons ainsi que notre chair est incorrigible et toujours étrangère aux pensées de Dieu. Pour en être pratiquement gardé, il faut marcher dans la même humiliation que Jésus et non selon les principes du monde.
La grandeur humaine était reconnue parmi les Juifs (verset 25), même chez ceux qui revêtaient le caractère de bienfaiteurs. Désormais, tout cela était mis de côté, “il n’en sera pas ainsi de vous” (verset 26). Le Seigneur, par son humilité, introduisait un autre système de valeurs morales : la vraie grandeur est celle de l’abaissement. Plusieurs paraboles avaient déjà donné cet enseignement (14. 11) ; mais maintenant le Seigneur se présente lui-même comme celui qui sert (verset 27). Volontairement, il avait pris la place la plus basse, et personne ne la lui avait disputée dans ce monde. Plutôt que de reprocher aux disciples leur égoïsme affligeant, il se présente à eux comme le modèle de l’abaissement et du dévouement. L’abnégation de l’esclave hébreuExode 21. 1-6 ; Deutéronome 15. 12-18 le conduisait, à travers le sacrifice suprême de lui-même, au service éternel dans le ciel pour les siens (12. 37).
Bien que les disciples soient peu entrés dans les pensées de leur Maître, ils l’avaient accompagné pendant son ministère, depuis la Galilée jusqu’à Jérusalem ; le Seigneur se plaît à le reconnaître : “vous… avez persévéré avec moi dans mes tentations” (verset 28), les associant ainsi en grâce à son service. Aujourd’hui chacun de nous est invité à manifester la sollicitude pour les assemblées et pour tous les chrétiens, comme l’apôtre Paul2 Corinthiens 11. 28. L’exemple du Seigneur à l’égard de ses disciples nous enseigne aussi à discerner tout ce que sa grâce opère maintenant chez nos frères dans la foi.
Ayant persévéré avec le Seigneur dans ses tentations (ses épreuves dans le monde), les disciples ont la promesse d’un royaume à venir et d’une communion particulière avec Christ (manger et boire en est l’expression). Les apôtres auront une place particulière : assis sur des trônes pour juger les tribus d’Israël (verset 30). L’apôtre Paul étend ce principe à tous les chrétiens : “Si nous souffrons, nous régnerons aussi avec lui” 2 Timothée 2. 12.
Alors le Seigneur avertit Pierre et les disciples de ce qui allait arriver. Il interpelle son disciple deux fois par son premier nom : “Simon, Simon” (verset 31), puis par son nouveau nom : “Pierre” (verset 34), ce nom qu’il lui avait donné en le choisissant comme disciple (6. 13), et confirmé aux quartiers de Césarée de PhilippeMatthieu 16. 17, 18.
Le caractère naturel du disciple, qui l’exposait particulièrement aux attaques de Satan, ne le quitterait pas jusqu’à la fin, mais la grâce de Christ, qui l’avait sauvé et appelé à lui, ne lui manquerait pas non plus. Or Satan avait demandé Pierre et les autres disciples : “Satan a demandé à vous avoir”, pour les “cribler comme le blé”, c’est-à-dire les faire passer par une terrible épreuve.
C’est ainsi que Dieu peut accéder aux demandes de Satan, qui avait eu autrefois les biens de Job, puis sa santé, mais sans porter atteinte à sa vieJob 2. 6. Satan possède une puissance redoutable, soutenue par son intelligence, ses facultés et son expérience séculaire à séduire les hommes. Livré entre ses mains, un homme peut être tourmenté et même perdre la vie (la destruction de la chair) 1 Corinthiens 5. 5. Mais Satan ne possède aucun pouvoir sur l’âme des hommes (12. 4) ; il peut seulement les séduire pour les entraîner à leur perte. Dieu seul possède le jugement final de l’âme (12. 5).
Vanner le blé avait pour objet de séparer la balle destinée au feu inextinguible (3. 17), du bon grain recueilli à la fin dans les greniers éternels. Ainsi, Judas, dans les mains de Satan, étranger à la vie de Dieu, n’avait devant lui (comme la balle) que le jugement éternel. Les disciples, au contraire, devaient être éprouvés à l’extrême (criblés comme le blé), pour être formés comme un vase pour l’orfèvreProverbes 25. 4 ; et, dans cette heure solennelle, Satan, à son insu, était un instrument de cette œuvre.
Derrière la scène, Jésus veillait sur les siens pour n’en perdre aucunJean 10. 28, 29 ; 17. 12 ; 18. 9. Avant la chute de Pierre, le Seigneur, souverain sacrificateur, avait prié pour son faible disciple. Ce touchant service n’est mentionné que par Luc, qui présente les gloires du Fils de l’homme. Son amour et son intercession garderaient Pierre du désespoir. À travers les larmes de la repentance, Pierre apprendrait à mesurer sa faiblesse naturelle. Alors il serait formé pour le service de fortifier ses frères. “Le Dieu de toute grâce… vous fortifiera” 1 Pierre 5. 10. “Croissez dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ” 2 Pierre 3. 18.
Avant la croix de Christ, Pierre ne connaissait pas sa faiblesse. Ses affections étaient réelles et grâce à l’intercession du Seigneur pour lui, sa foi ne lui manquerait pas. Toutefois, son courage et ses forces naturelles l’abandonneraient au milieu de l’épreuve, bien avant d’avoir atteint la prison ou la mort (verset 33). Avec une douceur parfaite, le Seigneur avertit Pierre et les disciples de ce qui allait arriver cette même nuit-là.
Le Seigneur porte avec ses disciples un regard en arrière sur le temps où ils avaient été ensemble. Appelés de lieux et de situations divers, ils avaient tout quitté pour le suivre (5. 11). Quelques heures plus tard, tous allaient néanmoins le laisser et s’enfuirMatthieu 26. 56. Mais, vers la fin du souper de l’adieu, les disciples reconnaissent, sur une question de leur Maître, qu’ils n’avaient manqué de rien (verset 35). Jusque-là, le Seigneur avait protégé les siens et pourvu à tous leurs besoins. Mais les circonstances allaient changer complètement, et il allait être saisi par les hommes et, selon la parole prophétique, “compté parmi les iniques” (verset 37) Ésaïe 53. 12.
Les disciples, laissés sans leur Maître, auraient besoin de ressources, de provisions et même d’une épée (verset 36). Les paroles du Seigneur avaient une portée symbolique que les disciples n’ont pas saisie sur le moment. Appliquant à la lettre ces paroles, les disciples disent : “Seigneur, voici ici deux épées” (verset 38). Le Seigneur les arrête en répondant : “C’est assez”. Il ne pouvait pas, à ce moment-là, leur donner des explications qu’ils auraient pu comprendre. Quelle grâce dans cette réponse exempte de tout reproche !
Au reste, le port d’armes était illégal sous le gouvernement des Romains, et les disciples n’avaient pas compris la position de celui qui se livrait lui-même à ceux qui étaient sortis comme après un brigand, avec des épées et des bâtonsMatthieu 26. 55. Ni lui, ni ses serviteurs, ne devaient combattreJean 18. 36, car il devait être “crucifié en infirmité” 2 Corinthiens 13. 4.