Le chapitre 9 aborde un nouveau thème : le royaume de Dieu. Le Seigneur le fait proclamer à tout Israël par les apôtres (verset 2), lui-même le présente aux foules (verset 11), puis il en promet à quelques privilégiés un avant-goût (verset 27). Mais l’essentiel de ce message est réservé aux douze et spécialement à trois d’entre eux (versets 21, 36, 43, 44). Cependant, jusqu’à la mort et la résurrection du Seigneur Jésus, les plans de Dieu n’étaient pas pleinement compris par les disciples.
Matthieu 9. 36 donne le fondement de la mission des douze apôtres : “Il fut ému de compassion”. Les limites dans l’espace et le temps sont clairement fixées : “vers les brebis perdues de la maison d’Israël” Matthieu 10. 6 et “vous n’aurez point achevé de parcourir les villes d’Israël que le fils de l’homme ne soit venu” Matthieu 10. 23. Les douze sont ainsi investis de la puissance du royaume. Mais en Luc leur mission n’est pas limitée à Israël comme en Matthieu ; elle s’élargit à ce monde. Face à l’étendue des besoins (10. 2), au moment où s’affirme le rejet du Seigneur, un témoignage doit être rendu dans les lieux où le Maître était absent. Notons la progression :
L’évangile croît et se répand toujours plus largement. Aujourd’hui, c’est nous qui sommes concernés.
Remarquons l’ordre des quatre verbes : “ayant assemblé… il donna… il envoya… il dit”. Jésus n’envoie pas les siens sans leur donner à la fois les instructions, l’autorité et la puissance nécessaires pour accomplir leur service. Le ministère des apôtres était double : spirituel et corporel :
De nos jours, le témoignage que nous avons à rendre ne répond plus aux mêmes conditions. Nous annonçons Jésus ressuscité et glorifié dans le ciel. Mais les principes moraux pour accomplir le service demeurent les mêmes : cette mission était à accomplir sans distraction, ni préoccupation d’ordre matériel (verset 3). Le Seigneur assurait les siens de sa protection. Ceux qui refusaient les messagers et leur message recevaient un témoignage contre eux-mêmes (verset 5). « Cette dénonciation fait partie de la grâce dans son dernier effort pour atteindre la conscience de l’homme afin qu’elle y réponde », a-t-on écrit.
L’impact de leur mission sur le peuple n’est pas détaillé. Toutefois, la réaction d’Hérode montre qu’il croyait recevoir des visiteurs d’un autre monde (verset 8). Qui était donc ce Jésus ? Ces nouvelles troublent la conscience d’Hérode. Il avait fait taire la voix de Jean-Baptiste et croyait être délivré de ce crime commis pour satisfaire la haine de la femme de son frère. Mais en entendant parler de Jésus et de ses œuvres, il est tourmenté à la pensée que Jean-Baptiste pouvait être ressuscité d’entre les morts. Jésus l’intriguait : Hérode cherchait à le voir (verset 9) ; mais Jésus ne se montre pas à lui, car son désir n’était motivé ni par une réelle conviction de péché, ni par le sentiment que la grâce divine pouvait tout pardonner. Lorsque, plus tard, Jésus le rencontre, il ne lui dit pas un mot (23. 8-11).
Ce miracle se distingue des autres sous plusieurs aspects :
En Matthieu, il préfigure le Christ nourrissant les pauvres en Israël dans un jour à venirPsaume 132. 15 ; en Marc, le Seigneur accomplit le devoir de tout serviteur ; en Luc, la pleine suffisance de l’homme parfait répond aux besoins de l’homme ; en Jean, Christ, le pain de vie, nourrit le peuple de Dieu.
Les apôtres, revenus fatigués de leur missionMarc 6. 31, avaient besoin de repos. Le Seigneur les mène à l’écart “dans un lieu désert”, “sur une montagne” Jean 6. 3. Mais la foule, attirée par les miraclesJean 6. 2, vient interrompre l’intimité recherchée. Ce nouveau besoin touche le cœur du Seigneur : il est “ému de compassion” Matthieu 14. 14 et sans relâche il prêche et guérit (verset 11). Le soir arrive, les douze commencent à s’alarmer face aux besoins d’une foule affamée. Envoyés comme messagers du Maître, les disciples n’ont pourtant pas la certitude de sa puissance : “Renvoie la foule”, disent-ils. “Faites-les asseoir”, répond Jésus qui se fait dispensateur du festin et les charge de le préparer.
L’auteur inspiré passe sous silence les calculs de Philippe et l’incrédulité d’André qui a rencontré le petit garçon aux cinq pains et aux deux poissonsJean 6. 5-9. Le Seigneur commande aux disciples de nourrir la foule. Les douze font l’aveu de leur incapacité mais obéissent néanmoins quand Jésus leur demande de faire asseoir les cinq mille hommes en groupes de cinquante (verset 13). Lui, le pain de vie, désirait les nourrir autrement qu’avec du “pain périssable”.
Pour cela il faut se reposer : dans cette attitude morale on peut se nourrir. De plus, une telle foule ne pouvait rester debout et être nourrie sans qu’il en résulte une bousculade. En sa présence, tout doit être fait avec bienséance et ordre1 Corinthiens 14. 40.
Le Seigneur ne méprise pas ce qui lui est apporté : cinq pains et deux poissons. Il rend grâces, exprimant comme homme sa reconnaissance envers Dieu, tout en attestant publiquement qu’il est en relation directe avec son Père. Il multiplie ce qui existe déjà, comme Élie à Sarepta ou Élisée chez la veuve qui ne possédait plus qu’un pot d’huile dans sa maison1 Rois 17. 16 ; 2 Rois 4. 1-6.
Remarquons la gloire morale qui se dégage de cette scène : comme Dieu, Jésus exerce son pouvoir créateur, comme homme parfait, il rend culte à Dieu.
Les disciples sont invités à distribuer la nourriture. Ainsi, la responsabilité du serviteur n’est-elle pas de mettre à la disposition des autres ce que le Seigneur lui a confié et laisser la grâce répondre aux besoins (verset 17) ? Ce travail pastoral accompli, il convient de ne pas gaspiller ce qui a été donné : les disciples recueillent un panier chacun. Gaspiller la nourriture en présence de gens souvent affamés aurait terni la gloire de celui que l’évangile de Luc présente dans la pauvreté. Ils éprouvent ainsi que celui qui sert fidèlement n’est jamais appauvri mais enrichi en donnant aux autresProverbes 11. 25.
Enfin, qui d’autre que le Seigneur pouvait gérer les ressources du royaume de Dieu avec autant de grâce et de sagesse ? Il y avait plus de nourriture à la fin qu’au commencement. Ainsi en sera-t-il quand le royaume de Dieu sera établiÉsaïe 25. 6. Jésus, tel Joseph autrefoisGenèse 41. 56, 57, apparaîtra comme le dispensateur de toute nourriture, de toute joie, de toute bénédiction.