La Pâque, que le Seigneur prenait pour la dernière fois avec ses disciples, est maintenant remplacée par le vrai sacrifice de l’Agneau de Dieu, dont elle avait été la figure depuis la sortie de l’Égypte jusqu’à la croix.
Alors, le Seigneur institue un souvenir, un mémorial de l’œuvre qui délivrait ses rachetés de l’esclavage de Satan, plus terrible que celui d’Israël en d’Égypte. C’est à la fin du souper de la Pâque que le Seigneur donne à ses disciples les signes (le pain et la coupe) destinés à perpétuer, à travers les siècles de son absence, le souvenir de sa venue sur la terre, de son œuvre expiatoire, de sa mort sanglante et de son amour “fort comme la mort” Cantique des cantiques 8. 6.
Jésus prend un pain (verset 19), le pain sans levain qui accompagnait l’agneau pascal, rend grâces, le rompt et le donne aux disciples en disant : “Faites ceci en mémoire de moi”. Le Seigneur se présente lui-même dans sa personne, comme mourant pour les siens. Le pain rompu est la figure du corps du Seigneur donné pour nous. Par l’enseignement de l’apôtre Paul, nous apprenons aussi que le pain de la cène est une figure du corps spirituel de Christ formé de tous ses rachetés. Ils sont unis à lui pour le temps et l’éternité par les liens de la vie divine et de l’Esprit Saint : “Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps” 1 Corinthiens 10. 17 et : “Nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps” 1 Corinthiens 12. 13.
Après le souper, le Seigneur donne aussi à ses disciples la seconde coupe de vin, en disant : “Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est versé pour vous” (verset 20). Comme le pain est la figure du corps de Christ, la coupe est celle de son sang. Le sang de l’homme est sa vie elle-même : “l’âme (ou la vie) de la chair est dans le sang” Lévitique 17. 11, 14, et : “le sang est la vie” Deutéronome 12. 23. Mais le sang séparé du corps est le signe solennel de la mort. La coupe montre ainsi la valeur du sang précieux de Christ, versé pour nous en rémission de péchés. C’est le sang de l’expiation, sorti du côté de notre Sauveur après sa mort, lorsque le soldat romain l’a percé avec sa lance.
Pour Israël, la coupe est celle de la nouvelle alliance conclue entre Dieu et son peuple. La première alliance, celle de SinaïExode 24. 8, a été rompue par l’infidélité d’Israël et une nouvelle alliance doit la remplacer pour assurer la bénédiction sur la terreJérémie 31. 31-34. Le Seigneur est le médiateur de cette allianceHébreux 8. 6 comme il en est le garantHébreux 7. 22. Cette alliance est signée par Dieu à la croix par le sang de son Fils. Son application effective n’interviendra que dans le monde millénaire. Dans l’intervalle, Israël est toujours sous sa propre condamnation ; mais l’Église céleste (formée des croyants juifs ou d’entre les nations) est déjà au bénéfice des privilèges de cette alliance.
En instituant la Cène, le Seigneur se présente lui-même à ses disciples : “Ceci est mon corps… faites ceci en mémoire de moi… mon sang… versé pour vous.” (versets 19, 20). L’apôtre Paul rappelle ces paroles aux Corinthiens, telles qu’il les avait reçues par révélation du Seigneur lui-même dans la gloire1 Corinthiens 11. 24, 25. En participant aujourd’hui à la Cène du Seigneur, nous annonçons sa mort jusqu’à ce qu’il vienne. Tous ceux qu’il a rachetés sont invités à le faire, en souvenir et en mémoire de lui. “Le désir de notre âme est après ton nom et après ton souvenir” Ésaïe 26. 8.
En contemplant par la foi un Sauveur glorieux, nous nous souvenons de sa mort. En nous affligeant de la brèche du vrai JosephAmos 6. 6, nous rompons pour lui le pain dans le deuil, et nous buvons pour lui la coupe des consolationsJérémie 16. 7.
La doctrine catholique de la transsubstantiation et la doctrine luthérienne de la consubstantiation ne sont pas conformes à l’enseignement de l’Écriture. La première suppose que, par l’invocation du prêtre qui célèbre la messe, le pain et le vin changent de substance (d’où le nom de transsubstantiation), pour devenir matériellement corps et sang du Seigneur, en perdant leur caractère d’origine. La seconde doctrine, maintenue par Luther, suppose que le corps et le sang du Seigneur cohabitent avec les deux substances d’origine de la Cène (le pain et le vin). L’homme, créature de Dieu, n’a pas le pouvoir de créer ; comment pourrait-il créer son propre Créateur ? En fait, le pain et le vin restent simplement ce qu’ils sont et leur valeur matérielle est seulement un symbole, mais infiniment précieux pour le cœur des croyants.
L’expression “ayant rendu grâces” (verset 19) à l’occasion du pain est rendue par “ayant béni” par les deux autres évangélistesMatthieu 26. 26 ; Marc 14. 22. Le pain n’a pas été béni par le Seigneur ; il a remercié, rendu grâces à son Père à cette occasion. C’est dans ce sens que l’apôtre emploie l’expression1 Corinthiens 10. 16, en rapport avec la coupe pour laquelle maintenant les croyants rendent grâces. Rompre le pain et verser le vin dans la coupe ne sont pas des actes spirituels. Toutefois, il est bon que, dans l’assemblée, celui qui accomplit ce service le fasse avec toute révérence, ayant la confiance des saints réunis autour du Seigneur.
Participer à la Cène du Seigneur est un privilège accordé à tous les vrais croyants, bien que beaucoup se tiennent en arrière, souvent par scrupules de conscience. La fraction du pain ne peut être réalisée que dans la séparation individuelle et collective du mal ; on ne peut rendre culte au Dieu saint sur un autre terrain que celui de la sainteté.
Pas plus que le baptême – l’autre signe extérieur de la mort de Christ – la Cène ne confère le salut. Aussi, la Cène ne doit-elle pas être confondue avec l’autre enseignement spirituel du Seigneur : “Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle” Jean 6. 54. Les deux vérités sont relatives à la mort de Christ. Par la foi, en se nourrissant spirituellement d’un Christ mort (la chair et le sang sont distingués), le croyant est sauvé et reçoit la vie éternelle. Cette vie est alors entretenue spirituellement en se nourrissant de ChristJean 6. 56. Dès lors, les croyants, avec reconnaissance, se souviennent ensemble de cette œuvre au bénéfice de laquelle la grâce et la foi les ont placés, en participant matériellement à la Cène du Seigneur. Le corps de Christ est donné pour nous, comme le sang est versé pour nous, c’est-à-dire, en prenant notre place. Pour la première fois, le Seigneur déclare aux siens avec clarté qu’il allait prendre leur place à la croix comme substitut sous la colère de Dieu. À Zachée, le Seigneur avait déjà révélé la valeur de son œuvre comme propitiation. Maintenant, il présente à ses disciples le côté de la substitution.
En ce moment même où le Seigneur donne aux siens le précieux mémorial de sa mort, il est troublé dans son esprit par la pensée que l’un des douze, qui avait partagé avec lui le souper de la Pâque, allait le livrer. La prophétie se réalise : “Mon intime ami aussi… qui mangeait mon pain, a levé le talon contre moi” Psaume 41. 10.
Ces paroles du Seigneur sont rapportées par Matthieu et Marc comme ayant été prononcées avant l’institution de la Cène ; Luc les place après celle-ci pour grouper les scènes dans leur ordre moral. La perfection de Christ et la profondeur de son amour pour les siens contrastent avec la méchanceté de Judas (versets 21-23) et la faiblesse de la chair dans les disciples (versets 24-30), entièrement étrangers aux pensées de leur Maître. Toutefois, il y avait chez eux une crainte et une méfiance d’eux-mêmes en face des paroles du Seigneur ; ils se demandaient lequel d’entre eux le livrerait. Pierre, si souvent prompt à l’action, aurait voulu poser la question qui était sur le cœur de tous ; mais naturellement, il s’efface devant Jean qui avait pris la place bénie d’être penché sur le sein de JésusJean 13. 23-26 et qui était ainsi moralement le plus proche pour recevoir ses communications.
Judas, lui, savait ce qu’il faisait et sort dans la nuit pour accomplir quelques moments plus tard sa trahison. C’est le seul homme, dans toute l’Écriture, appelé fils de perditionJean 17. 12 ; 2 Thessaloniciens 2. 3, et dont il soit explicitement dit qu’il est perdu et qu’il aurait mieux valu pour lui qu’il ne soit pas né.