Jésus est mis en croix à la troisième heureMarc 15. 25, neuf heures du matin. Alors qu’il endure l’atroce supplice de la croix, il est l’objet de la moquerie et des insultes des hommes de toutes conditions. Ses souffrances morales sont intenses, elles aussi, mais aucune plainte ne sortira de sa bouche. Seules les Écritures prophétiques dévoilent la douleur intérieure qui le consume. L’évangéliste nous présente les hommes devant la croix ; ils lancent à Jésus cinq défis insolents, qui touchent tous à sa gloire et traduisent l’incroyable perversité du cœur humain.
“Ceux qui passaient par là” sont d’abord désignés ; aujourd’hui, ce sont ces multitudes qui vont à leurs affaires et passent devant la croix sans se soucier de Dieu. Quelques-uns se sont détournés, au jour de la crucifixion, pour aller voir “ce spectacle” Luc 23. 48. La croix n’est-elle pas, de nos jours aussi, l’occasion de spectacles profanes ! Ces foules qui passent avaient crié : “Qu’il soit crucifié” ! Il l’est maintenant ; de leur méchant cœur montent les injures (15. 19), et leurs hochements de tête les confirment. Ils n’ont point de pitié pour la douleur du supplicié : “N’est-ce rien pour vous tous qui passez par le chemin…” Lamentations de Jérémie 1. 12 ? S’appuyant sur un faux témoignage colporté depuis la salle du sanhédrin (26. 61), ils lancent un premier défi (verset 40) : cet homme cloué à la croix sera-t-il capable de se sauver lui-même, puisqu’il pouvait détruire le temple de Jérusalem et le rebâtir en trois jours ? Le temple de Dieu, c’est le corps pur et sans tache de Jésus ; eux s’acharnent maintenant à le détruire, comme le Seigneur l’avait préditJean 2. 19.
Leur deuxième défi (verset 40) touche à la gloire du Fils de Dieu ; ils savent sans doute que cette confession de Jésus devant le sanhédrin a été le motif de sa condamnation. “Si tu es Fils de Dieu, descends de la croix”. Le diable les avait précédés dans cette provocation : Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains ; si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas du temple (4. 3, 6). Ce jour-là, Satan est avec les foules, et les excite. Le Fils de Dieu aurait pu descendre et les exterminer de son souffle, mais il reste là par amour pour ceux qu’il était venu sauver.
Les chefs du peuple n’ont pas manqué ce rendez-vous ; tous ces notablesPsaume 69. 13 s’allient maintenant à la foule qu’ils ont si souvent méprisée. Leur moquerie se joint à celle du peuple, et laboure cruellement le cœur de JésusPsaume 22. 8. Leur défi, le troisième (verset 42), est à l’adresse du Sauveur, et profane la gloire de celui qui était venu pour sauver son peuple, “sauver ce qui était perdu” (1. 21 ; 18. 11). Combien de malheureux Jésus avait-il délivrés de leur misère, de leurs infirmités, de la puissance des démons ! Ces chefs montrent qu’ils le savent bien, et reconnaissent par ce défi qu’ils ont condamné le bienfaiteur de leur peuple. Va-t-il maintenant pouvoir se sauver lui-même ? Mais comment le pouvait-il, s’il devait être le Sauveur ?
Dans un quatrième défi (verset 42), ils s’en prennent au roi d’Israël, et profanent sa couronnePsaume 89. 28, 40. Le roi des Juifs est devant eux, l’écriteau le leur rappelle. Lorsque Pilate leur avait dit : Voici votre roi ! Crucifierai-je votre roi ? ils s’étaient écrié : Crucifie-le ! Nous n’avons pas d’autre roi que CésarJean 19. 15. Cependant ce roi qu’ils ont percé est mort aussi pour la nation d’Israël, et reviendra un jour pour délivrer et restaurer son peuple.
Le cinquième défi, enfin (verset 43), touche à la gloire du Fils du Père. Ils mettent en question ses relations d’affection avec son Père, l’éternelle communion entre les personnes divines. Celle-ci s’était traduite dans ce monde par une confiance permanente de Jésus en son Dieu : “Garde-moi, ô Dieu, car je me confie en toi” Psaume 16. 1. Ces gens versés dans les Écritures prononcent, en le sachant, les paroles moqueuses et sacrilèges proférées par les iniques dans le Psaume 22 (verset 8). Ils devront répondre de cet outrage devant le souverain jugePsaume 69. 9 ; Jean 5. 22, 23.
Les deux brigands joignent aussi leurs insultes à celles de ces blasphémateurs (verset 44) ; on le comprend mieux de leur part. Cependant l’un des deux, touché par la grâce de Dieu, sera le seul de cette scène à témoigner de l’innocence et de la grandeur de Jésus.
Trois heures se sont écoulées ; Dieu étend maintenant sur cette scène un voile de ténèbres profondes ; une nuit surnaturelle enveloppe la croix1. Les souffrances indicibles endurées par Jésus jusqu’à cette heure n’ont cependant pas eu de valeur expiatoire ; maintenant il est sous la colère de Dieu comme sainte victime, offerte en sacrifice pour le péché. Il livre son âme à la mortÉsaïe 53. 10-12, et subit de la part du Dieu saint et juste le jugement dû au péché.
La jouissance de la communion avec son Dieu, si précieuse pour lui, est momentanément interrompue ; il est seul sous le poids de la colère divine, abandonné de Dieu. A l’issue de ces trois heures de souffrances expiatoires, il remonte de “l’abîme” et place devant son “Dieu fort” cette douloureuse interrogation : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné” Marc 15. 34 ; Psaume 22. 1 ? (verset 46) Jamais l’homme Christ Jésus n’en avait appelé ainsi à son Dieu ; mais son Père, qui avait dû lui cacher sa face pendant ces heures ténébreuses, n’avait jamais cessé de l’aimer d’un insondable amourJean 10. 17.
Les soldats ne semblent pas avoir été impressionnés par cette étrange nuit en plein milieu du jour, et vont continuer leurs moqueries. Quelques-uns de ceux qui se tiennent près de la croix interprètent le cri de Jésus : “Éli, Éli (mon Dieu)”, comme une invocation du prophète Élie. L’un d’eux pense sans doute que Jésus est tourmenté par la soif, et il lui donne à boire. La soif des crucifiésPsaume 22. 16, accentuée par l’exposition prolongée au soleil, était intense. Aussi Jésus prononce-t-il cette parole, à l’ultime minute : “J’ai soif”. Une éponge pleine de vinaigre lui est présentée ; ainsi s’accomplit l’Écriture : “Dans ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre” Jean 19. 28 ; Psaume 69. 21. Ce geste est une dernière occasion, pour ces méchants hommes, de se moquer de Jésus (verset 49) ; l’instant d’après, il entre dans la mort.