Le jour se lève, un jour unique dans l’histoire du monde, le jour de la mort du Seigneur. Une sombre nuit vient de s’achever, au cours de laquelle les hommes se sont emparés du Fils de Dieu et l’ont condamné à mort ; dans un saisissant raccourci, l’apôtre le rappelle : “la nuit qu’il fut livré” 1 Corinthiens 11. 23. Tout a été décidé cette nuit-là ; l’ennemi a travaillé dans les ténèbres, et le complot des chefs des Juifs s’est achevé sur un verdict de mort. Le sanhédrin, officiellement réuni au complet le matin, ne devient qu’une chambre d’enregistrement. La séance est rapide (verset 1) ; quelques détails sont donnés par LucLuc 22. 66-71. Les points de jugement sont rappelés, mais la décision est déjà prise.
Jésus est à nouveau lié pour être livré à Pilate ! Il l’avait été dans le jardin de Gethsémané pour être conduit devant Anne, puis devant Caïphe qui était souverain sacrificateur cette année-là (verset 57) Jean 11. 51 ; 18. 13, 24. Les responsables juifs livrent maintenant Jésus aux nations, selon sa prédiction (20. 19), de sorte que celles-ci sont également coupables de la mort du SeigneurActes 3. 15 ; 4. 26-28. Les principaux du peuple étaient dans l’obligation de faire ratifier leur verdict par le gouverneur romain, car il ne leur était pas permis d’exécuter une sentence de mort sans son autorisation. De plus, ils désiraient pour Jésus le supplice infamant de la crucifixionJean 18. 31, 32.
Judas a livré son Maître ; sa trahison, organisée avec méthode, a réussi. Avec l’argent de son forfait (“le salaire de l’iniquité”, comme celui de Balaam) Actes 1. 18 ; 2 Pierre 2. 15, il assouvit sa convoitise et s’acquiert un champ proche de Jérusalem. L’argent est encore dans ses mains, mais ces quelques pièces brûlent maintenant les doigts de cet homme cupide.
Judas n’avait pas imaginé une telle issue aux événements qu’il avait provoqués. Jusque-là, son Maître avait toujours échappé aux complots de ses ennemis. Judas le voit maintenant condamné : il est pris de remords. La proximité de Jésus pendant trois années l’avait nécessairement marqué, mais l’avarice l’avait endurci ; le remords ne le conduira pas à la repentance. Il est effrayé par les conséquences de son péché, mais ne saisit pas la gravité de l’acte lui-même. Il avoue : “J’ai péché”, comme le Pharaon, Balaam ou Saül autrefois, mais un tel aveu sans repentance conduit toujours à la mort2 Corinthiens 7. 9, 10.
Judas retourne donc devant les principaux sacrificateurs et les anciens qui lui avaient compté l’argent (26. 15). En reconnaissant sa faute, il leur parle de “sang innocent”. Que nous importe, cela te regarde ! répondent-ils dans une cruelle et insolente indifférence. Ils ont, eux, un autre regard sur la question.
Devant leur refus de reprendre les trente pièces, Judas va les jeter dans le “trésor” du temple, ouvert sur le parvisLuc 21. 1. Il pense peut-être, dans ce geste ultime, rendre quelque chose à Dieu pour se faire pardonner, comme beaucoup l’ont pensé depuis lors dans leurs offrandes. Mais Judas a vendu son âme, il ne peut la racheter avec de l’argent. Il se dirige vers la perdition éternelleJean 17. 12, et va se pendre dans son champ. Sa triste fin est décrite par l’apôtre PierreActes 1. 17-20. Elle fait frémir, et devrait alerter la conscience de tous ceux qui, comme lui, sont enlacés par l’amour de l’argent.
Les chefs du peuple sont restés insensibles au remords de Judas, et à l’affirmation de l’innocence de Jésus. Une chose les préoccupe cependant : il ne faut pas laisser ces pièces dans le trésor sacré, car c’est le prix du sang, le sang qu’ils vont verser. Ils retirent donc scrupuleusement l’argent du trésor du temple, tiennent conseil, et décident d’acheter le champ du potier, convoité par Judas : le “prix du sang” sera bon pour offrir une sépulture aux étrangers, aux incirconcis. “Le prix du sang”, ils le paieront un jour ; le “champ du sang” est là “jusqu’à aujourd’hui” pour rappeler le sang innocent versé par ces coupables ; il crie sans cesse le crime commis en Israël (verset 25) Zacharie 12. 10. Le champ de sang est aussi le champ du sang de JudasActes 1. 19 ; le traître a décidé de se donner la mort dans sa terre. Les sacrificateurs ont donné suite à son achat, mais ce champ restera inculte et stérileActes 1. 20 ; il sera transformé en cimetière.
L’évangéliste dit : “Alors fut accompli” ; un aspect général de la prophétie de Jérémie se réalise. Matthieu complète celle-ci par la parole d’un autre prophète : ZacharieZacharie 11. 13. “Le prix magnifique” est bien celui auquel a été évalué Jésus, le berger d’Israël. Cet argent a bien été “jeté dans la maison de l’Éternel”, puis “jeté au potier”, donné à celui-ci pour l’achat de son champ.
En Jérémie 19, le prophète sort aussi avec les responsables d’Israël vers la vallée de Hinnom (de la géhenne), terre stérile où le potier jetait ses vases de rebut (verset 2) ; c’était là le champ du potier. Jérémie va y briser un vase ; il symbolise par ce geste le jugement de tous ceux qui ont versé le “sang innocent” (versets 4, 11).
Depuis le temps de Jérémie, que de morts ont été enterrés à Topheth, dans ce champ de sang, à chaque prise de Jérusalem ! Les plus nombreux sont encore à venir ; ce sont ceux qui auront été séduits par l’Antichrist. Alors la prophétie trouvera son terme, et cette terre stérile redeviendra un jardin d’ÉdenÉsaïe 51. 3. La demeure déserte et inhabitéeActes 1. 20 sera une demeure de paix, une habitation sûre, un lieu de repos tranquilleÉsaïe 32. 18. En ce jour-là, la miséricorde de Dieu se glorifiera vis-à-vis de son jugement.