Le triple reniement de Pierre est relaté dans les quatre évangiles ; c’est dire l’importance que l’Esprit Saint attache à ce récit, pour notre instruction. En abordant cette scène humiliante, il convient de rappeler les belles confessions de ce disciple, prononcées en des temps éprouvants. Alors que le Christ est méconnu de sa génération, Simon Pierre affirme devant tous : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant” (16. 16). Lorsque beaucoup abandonnent le Maître, Pierre rend ce témoignage : “Nous croyons et nous savons que toi, tu es le Saint de Dieu” Jean 6. 69. Cependant, Pierre a aussi montré ses faiblesses et n’a pas toujours su maîtriser les élans de sa nature (16. 22 ; 17. 4, 24 ; 18. 21). Il doit maintenant faire l’expérience de ce qu’elle vaut à l’épreuve.
Satan avait observé Pierre, comme il le fait pour chacun de nous. Il avait relevé dans ce disciple quelque chose qu’il n’avait jamais pu découvrir chez son Maître : la confiance en soi ; il demande à l’éprouverLuc 22. 31. Le Seigneur va le laisser cribler, mais pas plus qu’il ne faut ; il le suivra dans l’épreuve, il a déjà prié pour que sa foi ne défaille pas.
Jésus est maintenant en chemin vers Gethsémané (verset 36) ; il sait que lui, le berger, va être frappé, mais il pense aux brebis ; il les avertit avec douceur de ce qui va se passer. Pierre semble le contredire, et affirme qu’il restera attaché à son Maître, même plus que les autres. Jésus insiste en montrant à l’avance ce qu’il sera capable de faire. Mais Pierre fait plus confiance à ses sentiments qu’aux paroles de Jésus ; il entraîne les autres disciples dans une détermination présomptueuse. Le Seigneur devra lui dire, après l’épreuve : “Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne font ceux-ci” Jean 21. 15 ?
En Gethsémané, Pierre dormait pendant que Satan préparait son attaque. A son réveil, il s’empare d’une arme humaine, une épée, et la manie avec maladresse ; elle laissera des traces. Puis il suit “de loin” Jésus prisonnier des hommes ; est-ce ainsi qu’il pense le suivre “et en prison, et à la mort” Luc 22. 33 ? Arrivé au palais du souverain sacrificateur, Pierre doit franchir une barrière ; de l’autre côté, c’est le domaine des ennemis de Jésus. Aidé par les relations de Jean avec ce milieuJean 18. 15, 16, Pierre pénètre dans la cour du palais et se chauffe avec les impiesJean 18. 18, 25.
Il pense “voir la fin” (verset 58), mais il tombera bien avant, car Satan qui n’a pu ébranler le Maître va s’appliquer à faire trébucher le disciple. Il se sert pour cela d’une simple servante, affectée au portail d’entréeJean 18. 17. Elle a écouté favorablement la recommandation de Jean, mais elle a scruté Pierre au passage ; il lui semble le reconnaître. Elle réfléchit : n’est-elle pas la gardienne de l’entrée du palais ? Elle se lève, va voir de plus près, et trouve Pierre assis depuis un moment vers le feu de la cour, l’œil rivé vers la salle du tribunal. La servante le regarde alors fixement à la lumière de la flammeLuc 22. 56, et le reconnaît parfaitement : “Toi, tu étais avec Jésus le Galiléen” (verset 69).
Quelle stupeur ! L’attaque est soudaine, inattendue, et Pierre est décontenancé ; il prétend ne pas comprendre : “Je ne sais ni n’entends ce que tu dis” (verset 70) Marc 14. 68. Il se dérobe à l’aide d’une parole ambiguë, fuyante, mais qui sera aux yeux de Jésus son premier reniement. Nous reconnaissons-nous dans ces réponses incertaines, lorsque nous sommes en faute ? Le monde semble alors pointer le doigt vers nous : Toi qui connais ce Jésus dont tu parles… !
Le coq chante pour la première foisMarc 14. 68, il est encore temps de se reprendre ; mais Pierre a l’esprit troublé, il ne prête pas l’oreille au chant du coq. Il est sorti de la cour, car les huissiers ont entendu le témoignage de la servante ; il déambule dans le vestibule en cherchant une issue en lui-même. L’ennemi ne lui en laisse pas le temps ; la servante, avec une autre qui vient de reconnaître Pierre (verset 71) Marc 14. 69, renouvelle son affirmation : “Celui-ci aussi était avec Jésus le Nazaréen” ; elle entraînera les gens du palais dans cette convictionLuc 22. 58. Le Galiléen, le Nazaréen : les femmes de ces lieux ne pouvaient connaître Jésus que sous ces appellations méprisantes ; de plus, elles l’ont vu entrer au palais, lié et sous escorte pour être jugéJean 18. 12. Il ne faisait pas bon être du côté de Jésus cette nuit-là.
Désemparé devant l’adversaire, Pierre ment alors effrontément : “Je ne connais pas cet homme”. Quel langage pour parler de son Seigneur ! Il aggrave son mensonge par un serment qui l’engage devant Dieu. Ah, s’il avait retenu les leçons de son Maître (5. 33-37), mais il est maintenant lié devant l’ennemi !
Pourtant, il va lui être laissé une heure pour se reprendreLuc 22. 59, mais en vain. Pierre perd ce temps à remuer de sombres pensées, mais sa conscience n’est pas atteinte. Il reste dans le palais, va, vient, croise des gens qui le dévisagentLuc 22. 58, car la rumeur a fait le tour de la cour. Il va s’asseoir à nouveau près du feuJean 18. 25, sans doute pour voir encore “de loin”.
L’heure est passée et l’ennemi revient pour lancer son dernier assaut ; il utilise “ceux qui se trouvaient là”, ces gens du monde avec lesquels Pierre se chauffe. Ces hommes ne le connaissent sans doute pas, mais ils ont entendu les réflexions des servantes. Ils n’ont maintenant qu’à écouter Pierre pour le confondre : “ton langage te fait reconnaître”. Ton accent, ta façon de t’exprimer, tout nous l’indique, tu es certainement GaliléenMarc 14. 70 ; Luc 22. 59. Enfin un dernier témoin s’approcheJean 18. 26, 27 : “Ne t’ai-je pas vu, moi, dans le jardin avec Jésus” ? C’était un parent de Malchus, à qui Pierre avait coupé l’oreille !
Les témoignages sont pressants, mais Pierre n’a pas le courage d’avouer. Il nie l’évidence et s’enferre dans le mensonge : “Je ne connais pas cet homme”. Il se dégrade en jurant encore, et en proférant des imprécations. Quelle tache indélébile dans sa conscience, pour la vie ! Il y a, nous le savons par expérience, des souvenirs honteux qui ne s’effacent pas.
Le coq chante pour la deuxième fois, et rappelle à Pierre l’avertissement du SeigneurMarc 14. 72. Au même instant Jésus, dans la salle, se retourne et regarde son discipleLuc 22. 61. Ah ! ce regard du Seigneur à ce moment-là, Pierre ne l’oubliera pas. Son cœur se brise soudainement ; il prend conscience de son iniquité. Son Maître est là, qui sait toutes choses ; quelle souffrance s’ajoute ainsi à celle qu’il endure de la part de ses persécuteurs ! Pierre sort du palais cette fois ; il fuit dans la honte, et laisse Jésus seul. Il verse des larmes amères, celles du remords, et bientôt du repentir.
Trois fois Jésus avait résisté au diable dans le désert ; trois fois il avait soutenu son assaut en Gethsémané. Trois fois son disciple vient de le renier, et de quelle manière ! Pierre mesure maintenant la distance qui le sépare de l’homme parfait.
Le relèvement suivra cependant ; il sera complet. Le Seigneur, dans un entretien particulier, rappellera sans doute les sources secrètes qui ont conduit à ce reniementLuc 24. 34 ; 1 Corinthiens 15. 5. Plus tard, après l’avoir sondé devant les disciplesJean 21. 15-19, il lui confiera son troupeau et le rendra capable de le suivre dans le chemin du martyre.