Les pharisiens et les sadducéens s’approchent une fois de plus de Jésus pour l’éprouver. Bien qu’opposées, ces deux sectes se retrouvent dans l’intention de confondre Jésus. Ces incrédules lui demandent un signe du ciel, autrement dit une preuve visible qu’il était venu de Dieu. Le Seigneur, lors d’une demande précédente, avait déjà fourni la réponse (12. 38, 39) ; il reprendra les mêmes termes, et les laissera sur une parole de jugement.
Ces hommes sectaires avaient jusque-là refusé les preuves évidentes de sa divinité. Ils avaient “fermé leurs yeux pour ne point voir” les miracles, et “leurs oreilles pour ne point entendre” les paroles de Jésus (13. 15). Ils étaient capables de discerner dans l’apparence du ciel le temps qu’il ferait. Le Seigneur leur présente comme une parabole ce signe qu’ils connaissaient : le beau temps était celui de la grâce de Dieu apparue à son peuple, mais ils fermaient leurs yeux à ce signe bienfaisant ; alors surviendrait le jugement inexorable, l’orage annoncé par le ciel rouge et sombre. “Ne pouvez-vous pas discerner les signes des temps” ? C’est une question de perception spirituelle ; elle n’est accordée qu’à la foi. Les croyants sont invités à “connaître le temps” Romains 13. 11-14, ils doivent “revêtir le Seigneur Jésus Christ”, car le jour de sa venue s’est approché.
Puis (verset 4) Jésus apostrophe ces représentants d’une “génération méchante et adultère”, rebelle à Dieu et infidèle à son alliance. Le signe de Jonas est confirmé ; c’est le seul qui convienne. Jésus allait disparaître de devant leurs yeux dans les eaux de la mort (comme Jonas dans la mer), signant la fin des relations de Dieu avec son peuple dans la présentation de son Messie. Plus tard “paraîtra le signe du Fils de l’homme dans le ciel” (24. 30), mais ce signe du ciel qu’ils demandaient sera pour la destruction des incrédules. Les chrétiens, eux, n’ont pas de signes à attendre avant la venue du Seigneur ; leur foi repose sur ses promesses.
Jésus laisse ces hommes aveuglés à leur sort, comme il avait déjà demandé à ses disciples de le faire (15. 14). Il s’éloigne et traverse le lac avec ses disciples ; mais ceux-ci ne vont pas tarder à manifester la faiblesse de leur foi. Nous pouvons nous reconnaître en eux. Ils avaient oublié de prendre du pain, et il suffit d’une réflexion du Seigneur sur un tout autre sujet pour qu’ils soient confus de leur oubli. Ils s’interrogent sur les conséquences de ce manque de nourriture. Jésus va, dans un court rappel, les reprendre sur leur absence de mémoire, leur manque de confiance en lui et d’intelligence.
Il replace donc devant eux les deux miracles de la multiplication des pains ; il n’insiste pas sur l’abondance de nourriture présentée à ces grandes foules, mais plutôt sur ce que eux, les disciples, avaient pu recueillir dans les douze paniers et les sept corbeilles. Si le Maître leur avait accordé cette riche provision de vivres, allait-t-il maintenant les laisser manquer de quoi que ce soit ? Ont-ils du souci à se faire ? Leurs pensées doivent-elles être ainsi fixées sur les choses matérielles pour lesquelles ils peuvent compter sur le Seigneur ? N’est-il pas plus important de se préoccuper des nourritures spirituelles, et de se garder d’un enseignement falsifié ?
Le Seigneur nous demande aussi de réfléchir : les occasions ne manquent pas où il pourrait nous rappeler notre ingratitude, l’oubli de sa Parole, notre manque de confiance malgré les preuves que nous avons eues de sa fidélité. Faudra-t-il qu’il nous redise : “N’entendez-vous pas encore ? Ne vous souvient-il pas” ?
Les disciples vont apprendre à cette occasion une deuxième leçon, et nous avec eux. Jésus leur parle d’une manière figurée, comme il le fait souvent, et ils ne comprennent pas. Dieu emploie tout au long des Écritures un langage imagé, et multiplie les allégories et les scènes concrètes pour nous faire saisir un enseignement abstrait. S’attarder sur les descriptions et les faits historiques, sans entrer vraiment dans la signification morale, doctrinale ou prophétique des récits, est une occupation qui n’apporte guère de gain spirituel.
Ici les disciples pensent naïvement que Jésus fait allusion au levain du pain, que les pharisiens auraient pu leur fournir. Le Seigneur avait pourtant exposé une parabole (13. 33) dont ils avaient sans doute demandé la signification : ces trois mesures de farine fermentées par du levain, c’est-à-dire la vérité de Dieu confiée aux hommes, et frelatée par les erreurs humaines. Ils auraient dû savoir, à la suite de cette parabole, que le levain est en figure un principe de mal qui corrompt ce qui est d’origine divine.
Ces levains du ritualisme et du rationalisme ont envahi la chrétienté depuis le commencement. L’apôtre Paul met en garde les Colossiens contre ces deux graves tendances : les pratiques religieuses et cérémonielles sans fondement scripturaireColossiens 2. 16-23, et une philosophie chrétienne sans ChristColossiens 2. 8. Ce levain de malice nous guette aussi1 Corinthiens 5. 8 ; notre seule sauvegarde contre ces déviations est le ferme attachement à Christ notre chef, et à la Parole du commencement, soigneusement préservée du levain des hommes.