Les scribes et les pharisiens, tenants d’une religion traditionaliste, font irruption au milieu d’une scène pleine de grâce. Ils critiquent Jésus et ses disciples, et se mettent à leur rappeler les leçons des anciens. Qu’était donc cette “tradition” ? un ensemble de commentaires et d’ordonnances établies par les Juifs au cours des siècles, et transmises par écrit ou oralement d’une génération à l’autre. Leur ancienneté leur avait acquis une certaine autorité humaine avec apparence d’approbation divine.
La tradition pervertit aussi l’évangile dans l’époque chrétienne. Au lieu de maintenir la seule vérité de Dieu contenue dans la Bible, on a prétendu formuler des “vérités” nouvelles en se réclamant des Écritures ; ce ne peut être que des erreurs. L’apôtre Paul met déjà en garde les ColossiensColossiens 2. 8 contre cette tendance : de faux docteurs religieux cherchaient à attirer des adeptes par la philosophie et la tradition des hommes. L’apôtre emploie le même mot que l’évangéliste : tradition (enseignement), pour montrer que cette tromperie voile Christ à l’âme en l’égarant par la superstition.
Pourquoi les pharisiens attirent-ils l’attention sur les mains non lavées ? Se laver les mains était un des actes cérémonielsMarc 7. 1-4 qui tendaient à la recherche d’une pureté extérieure, sans pour autant apaiser la conscience. Se laver les mains au retour du marché permettait sans doute de se purifier de transactions douteuses. Par dérision, Pilate se lavera les mains devant la foule en disant : “Je suis innocent du sang de ce juste” ; puis il condamnera Jésus à mort (27. 24).
Le Seigneur dénonce alors un système religieux imaginé par l’homme, à son profit. Sous prétexte de piété, cet enseignement rabaisse l’homme au-dessous du niveau de sa conscience naturelle et de la morale généralement admise. Jésus rappelle d’abord le commandement de Dieu que ces pharisiens transgressaient : “Honore ton père et ta mère”. La loi condamnait à mort celui qui injuriait et maudissait ses parents. Celui qui les honorait obtenait par contre une provision de bénédictions divinesDeutéronome 5. 16 ; Éphésiens 6. 1-3. L’enseignement apostolique maintient le commandement, comme aussi la promesse qui est maintenant d’ordre spirituel. Le croyant montre sa piété et sa fidélité à son Dieu en honorant ses parents ; il leur prodigue, dans toute la mesure du possible, des soins dévoués jusqu’au dernier jour1 Timothée 5. 4, 8.
Jésus dénonce alors une supercherie de la tradition : “Tout ce dont tu pourrais tirer profit de ma part est un don”, c’est-à-dire tout ce que je peux vous rapporter à vous parents, je me dois de l’offrir plutôt en don à Dieu, au temple. En apparence, c’était faire passer Dieu avant ses parents ; en réalité, c’était ne plus rien faire pour ses parents, même démunisMarc. 7. 12 ; Proverbes 28. 24, et offrir à la place, au trésor du temple, des ressources administrées ensuite par des “hypocrites”. Le Seigneur s’élèvera plus tard avec force contre ces gens religieux qui dévoyaient le peuple (23. 13, 25-28).
Rien n’est plus éloigné de Dieu que d’utiliser son nom et le nom de Jésus pour asservir les consciences, sous couvert de piété et d’œuvres méritoires. Ceux qui le font cherchent aussi à retenir un peuple qui honore Dieu des lèvres, mais dont le cœur est fort éloigné de lui (verset 8) parce qu’envahi par les principes du monde : ambition, honneurs, richesses, relâchement des mœurs. Ils lui offrent une forme de piété, une morale à son niveau et des pratiques apaisantes2 Timothée 3. 5 ; 4. 3, 4.
La vérité scandalisera toujours les hypocrites. Dénoncer leurs pratiques pour mettre en lumière leur véritable état moral n’a jamais fait plaisir aux professants religieux. Le Seigneur continue en montrant que toute plante croissant sur un terrain stérile (une profession sans vie), même si elle a belle apparence, sera déracinée ; on ne trompe pas Dieu. La plante qui demeure est celle qui est d’origine divine ; le Père céleste la met en terre et en prend soin.
“Laissez-les” dit Jésus. Ce n’est pas notre affaire d’entreprendre avec ces aveugles une polémique stérile ; Dieu s’occupera d’eux un jourJean 9. 39-41. Certains d’entre eux prétendent avoir reçu des lumières nouvelles, comme les chefs de sectes religieuses qui séduisent des adeptes naïfs2 Timothée 3. 6-9. En réalité, ces conducteurs sont aveuglés par Satan2 Corinthiens 4. 3, 4 ; ils cherchent leur profit et conduisent ceux qui les suivent loin de la lumière de l’évangile, vers les ténèbres de dehors.
Les conducteurs des Juifs avaient donné à bien des commandements de la loi, non seulement une application strictement littérale, mais encore des interprétations diverses tirées de l’esprit de l’homme. Par contraste, dans le discours sur la montagne (5. 1 à 7. 29), Jésus avait communiqué à partir de la loi un enseignement spirituel qui développait la vraie pensée de Dieu. Les disciples eux-mêmes ne l’avaient guère compris, et il doit leur dire : “Et vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence” ? (verset 16).
Il est bien difficile d’arracher une âme aux formes religieuses traditionnelles pour la placer dans la pleine lumière de Dieu (verset 19), en face du véritable état moral de l’homme déchu. Le cœur trompeur veut échapper à ce faisceau révélateur, parce qu’il demeure incurableJérémie 17. 9, 10. Jésus avait déjà affirmé que les mauvaises pensées, les mauvaises paroles, pouvaient conduire au meurtre (5. 21, 22). Il y a dans le cœur de tout homme un monde d’iniquité qui s’exprime une fois ou l’autre par la bouche (verset 11) Jacques 3. 6. L’hypocrite peut bien se laver les mains et s’essuyer la bouche (versets 11, 20) Proverbes 30. 20, il reste un pécheur perdu tant qu’il n’accepte pas la pleine et gratuite grâce de Dieu.