L’attente de Jérémie reçoit une réponse immédiate, mais bien douloureuse. Même si Moïse et Samuel, ces deux intercesseurs persévérants, plaidaient maintenant en faveur d’Israël, le jugement décrété resterait irrévocable. Et l’Éternel ajoute au sujet du peuple : “Renvoie-les de devant moi, et qu’ils sortent… à la mort… à l’épée… à la famine… à la captivité” (versets 1, 2). Il n’y a aucun moyen d’échapper à ce que l’Éternel a décrété. Les fils d’Israël vont être chassés çà et là, à cause du grand péché du roi Manassé. Peut-être dira-t-on qu’il s’est repenti et qu’il est devenu ensuite un objet de la grâce de Dieu ? 2 Chroniques 33. 12, 13 C’est vrai, mais la plupart de ceux qu’il avait détournés2 Rois 21. 9 ne se sont pas repentis. On voit les ravages que, par une vie de péché, on peut opérer dans son propre entourageEcclésiaste 9. 18.
Jérusalem a délaissé son Dieu et elle est “allée en arrière” (verset 6), malgré tous ses avertissements. Déjà au temps d’Achaz, Ésaïe avait dû dire : “Est-ce peu de chose pour vous de lasser la patience des hommes, que vous lassiez aussi la patience de mon Dieu ?” Ésaïe 7. 13 Maintenant, l’Éternel est “las de se repentir”, de différer le jugement annoncé, car “ils ne reviennent pas de leurs voies” (versets 6, 7).
Privé d’enfants, le peuple va voir le nombre de ses veuves multiplié. Terrible condition que celle d’un peuple exposé au jugement lorsque Dieu doit faire taire toute compassion.
Porteur d’un tel message, poursuivi par une haine croissante, Jérémie est accablé. Malheur à moi, dit-il, ma mère m’a enfanté “homme de débat et homme de contestation à tout le pays” (verset 10). Il aime son peuple et s’est fidèlement acquitté de sa tâche, mais, comme le Seigneur plus tard, il est haï à cause de son amour ; chacun le maudit. Plus d’un témoin fidèle a été persécutéÉsaïe 59. 15 ; Galates 4. 16.
Toutefois, l’Éternel se tient près de Jérémie et le fortifie ; il sera sa délivrance “pour le bien” (verset 11) au temps de la détresse. Il agit de même envers nous, quand tout est obscur sur le chemin et que le désespoir nous guette. Dieu donne ici au prophète l’assurance que tout ira bien pour ceux qui le craignentEcclésiaste 8. 12. Mais, avant de connaître la délivrance, le résidu d’Israël, que Jérémie représente ici, traversera, pendant la grande tribulation, les mêmes souffrances que la nation tout entière.
Une autre prière monte du cœur de Jérémie : “Venge-moi de mes persécuteurs” (verset 15). Cette prière est caractéristique d’un temps où la délivrance des fidèles dans la détresse est liée à la destruction de tous leurs ennemis. Telle sera aussi la prière du résidu juif à la fin ; le chrétien, lui, est toujours exhorté à prier pour ses ennemis, à l’exemple de Christ. L’espérance du chrétien n’est pas celle d’une délivrance terrestre, il attend la venue du Seigneur pour enlever son Église et la prendre auprès de lui dans le ciel.
Chargé d’annoncer le jugement, Jérémie a conscience d’être l’objet de l’opposition et du mépris des hommes contre Dieu : “Sache que, pour toi, je porte l’opprobre” (verset 15) Psaume 69. 8-10. Il dit plus loin : “La parole de l’Éternel m’a été à opprobre et à moquerie tout le jour” (20. 8). Mais lui-même connaissait la valeur des paroles de l’Éternel et s’en nourrissait1 Timothée 4. 6. Dans sa jeunesse, Jérémie n’avait sans doute eu connaissance de la Loi que par transmission orale, puisque le livre avait été perdu. Il était prophète depuis déjà cinq ans1 lorsque ce livre a été retrouvé2 Chroniques 34. 14. C’est peut-être à cet événement qu’il fait allusion ici : “Tes paroles se sont-elles trouvées, je les ai mangées ; et tes paroles ont été pour moi l’allégresse et la joie de mon cœur” (verset 16). Pourtant elles avaient aussi apporté peine et humiliation.
Avons-nous une telle faim et trouvons-nous un tel plaisir dans la Parole ? Elle apportait au prophète l’assurance qu’il était appelé du nom de l’Éternel (14. 9). Elle lui donnait la force nécessaire pour se séparer des moqueurs et s’asseoir solitaire, rempli d’une sainte indignation. Ils refusaient d’écouter le message de Dieu, choisissant plutôt de croire aux paroles mensongères des faux prophètes. Comme Moïse autrefois, Jérémie est ébranlé. Mais comme lui, il exprime avec droiture ce qu’il ressent. Dieu pourrait-il être comme une source qui trompe, semblable à ces cours d’eau qui, en Orient, tarissent ou se perdent dans les sables, décevant les caravanes altérées (verset 18) Job 6. 15-20 ?
Dieu ne change pas ; il est fidèle. A celui qui retourne de cœur vers lui, il promet : “Je te ramènerai et tu te tiendras devant moi ; et si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche” (verset 19). C’est un principe dont chacun de nous doit sentir la force pour persévérer malgré la peine et le mépris qui se rattachent à la séparation. Lorsqu’on a dû se séparer de la marche des rebelles pour obéir à Dieu après avoir été éclairé par lui, on doit rester dans cette séparation et ne pas retourner vers eux. Mais cette fermeté exige douceur et humilité.
Pour fortifier le fidèle, l’Éternel lui renouvelle ses promesses (1. 18). Dieu est toujours disposé à recevoir ceux qui reviennent de leur chemin d’éloignement. Quant au fidèle, il doit demeurer ferme devant tous les assauts. Ni la volonté propre ni la violence ne prévaudront contre lui.