Pashkhur, sacrificateur et premier intendant de la maison de l’Éternel, avait entendu le message de Jérémie adressé à tout le peuple sur le parvis. A l’indifférence, aux menaces, succèdent maintenant les mauvais traitements. Pashkhur frappe Jérémie par des verges, tel est le sens du verbe “frapper” employé au verset 2. C’est la première fois qu’il est appelé Jérémie le prophète, ce qui montre la gravité de ce mauvais traitement. Puis il est mis aux fers à la porte de la ville, la porte de Benjamin, pour être exposé aux regards, au mépris et aux sarcasmes de la populace. Le bloc était un instrument de torture qui infligeait au supplicié une souffrance intense. Le cou entravé, il était maintenu par les mains et les pieds dans une position courbée très pénibleJob 13. 27. Le prophète reste dans cette situation peut-être une partie de la journée, en tout cas toute la nuit. Cette scène nous rappelle celle de la croix où le Seigneur, lié par son amour, a subi toute la méchanceté de sa créature déchueMatthieu 27. 39-44.
Jérémie est libéré au matin par Pashkhur en personne. Le prophète lui déclare aussitôt que son nom est changé. Désormais on l’appellera Magor Missabib, la terreur de tous côtés. Ainsi Dieu en a-t-il décidé. Toute sa vie, cet homme aura peurDeutéronome 28. 66 jusqu’au jour où Juda sera livré en la main du roi de Babylone. Déporté, il mourra en captivité. Pashkhur reste muet. Est-il déjà frappé de terreur en entendant le verdict ? Il a prophétisé le mensonge à ceux qui l’aimaient. Ils seront, eux aussi, emmenés en captivité et y mourront.
Jusqu’à la fin du chapitre, nous entendons successivement des plaintes, des expressions de louange et de délivrance, puis de nouveau des paroles d’inquiétude, voire de découragement. Satan a cherché à exploiter les circonstances pour abattre le prophète. Celui-ci n’est pas insensible ; son cœur était brisé par le mépris, les moqueries, la dérision. Sous ce poids, les pensées secrètes de son cœur sont révélées.
Il s’écrie : “Tu m’as entraîné, ô Éternel ! et j’ai été entraîné ; tu m’as saisi, et tu as été le plus fort ; je suis un objet de dérision tout le jour, chacun se moque de moi” (verset 7). Ces persécutions, ces railleries continuelles, tout cela le blessait profondément. Il n’était pas question pour ce messager fidèle de prophétiser des choses doucesÉsaïe 30. 10, de choisir des paroles susceptibles de plaire à ce peuple obstiné dans son péché. Certes on l’aurait alors estimé et honoré, mais la parole que l’Éternel lui confiait était tout autre. Il avait toujours dû proclamer la violence et la dévastation.
Très sensible, le prophète souffrait de rencontrer constamment le mépris et la dérision. Il aurait voulu, dit-il, ne plus faire mention de l’Éternel, ne plus parler en son nom. Mais une telle attitude était impossible. La Parole était comme un feu brûlant dans son cœur. Las de la retenir, il n’avait pu garder le silence. L’apôtre Paul dira aussi : “Malheur à moi si je n’évangélise pas” 1 Corinthiens 9. 16. Ceux à qui Dieu confie un message sont pressés de le délivrer.
Les familiers de Jérémie guettaient sa chute. Ils espéraient qu’il se laisserait aller à quelque action qui permettrait de le condamner. David aussi a éprouvé cette perfidiePsaume 35. 15. On voit combien il est important pour tout serviteur d’avoir une conduite sans reprochePhilippiens 2. 15. Les Pharisiens cherchaient ainsi vainement à prendre le Seigneur en défaut, pour pouvoir l’accuserMatthieu 22. 15.
Soudain un cri d’espérance jaillit au sein de cette détresse. Jérémie se souvient sans doute des paroles de l’Éternel : “Je suis avec toi pour te délivrer” (1. 8, 19) et il s’écrie : “Mais l’Éternel est avec moi comme un homme puissant” (verset 11). Il est assuré que ses persécuteurs ne prévaudront pas sur lui. Dieu prend sa cause en main. Comme pour Paul et Silas liés dans la prisonActes 16. 25, ses paroles deviennent un cantique de louange : “Chantez à l’Éternel, louez l’Éternel ! car il a délivré l’âme du pauvre de la main des méchants” (verset 13). Sa foi triomphante ne dit pas : Il délivrera, mais : “Il a délivré”. Ce sera aussi l’expérience des fidèles du résidu au temps de leur détresse. Au milieu des craintes et des souffrances, ils se tourneront vers leur Dieu. Celui-ci apparaîtra pour leur délivrance, mais ce n’est qu’alors qu’ils pourront chanter et que des Alléluia retentiront sur la terre comme dans les cieux.
Sur les ailes de la foi, le prophète a été porté du découragement à l’espérance, mais il est de nouveau submergé de tristesse. Il était monté aux cieux, il descend aux abîmesPsaume 107. 26. Sa douleur est devant luiPsaume 38. 18, il n’est plus occupé de son Dieu, mais de lui-même. Alors tout devient sombre, son âme est abattue, agitée au-dedans de luiPsaume 42. 6. Finalement, comme Job, il maudit le jour de sa naissance : “Pourquoi suis-je sorti du ventre, pour voir le trouble et l’affliction ?” (verset 18). De telles expériences sont fréquentes même chez les enfants de Dieu.
La position de Jérémie préfigure celle de Christ en butte à la méchanceté du peuple. Il est, comme lui, seul à proclamer la vérité, objet de dérision et d’opprobrePsaume 69. 21. La Parole est pour lui un feu brûlant qu’il ne peut retenir et il est étreint par l’amour qu’il porte à l’Éternel et à son peuple. Mais loin de ressembler en cela au parfait modèle, il exprime de l’amertume et se montre inconstant dans la confiance et la communion avec Dieu. Cependant l’Éternel le soutient jusqu’à l’issue de l’épreuve.