La bénédiction des fils d’Israël est terminée. Le patriarche se retire vers ses pères après un dernier commandement : tous ses fils sont invités, comme Joseph auparavant, à ensevelir leur père en Canaan, à Hébron où les patriarches attendent la résurrection. Ils doivent se sentir concernés par une telle décision ; ce ne doit pas être pour eux une question d’obéissance seulement, mais de foi. Cette foi des patriarches au sujet de la résurrection et de l’héritage, doit être transmise de génération en génération. Faisons vivre dans le cœur de nos enfants cette même foi et cette même espérance.
Joseph vient donc de fermer les yeux de son père, comme Dieu l’avait promis (46. 4), et il pleure. Son chagrin est profond, car tout l’amour dont son père l’avait comblé durant sa jeunesse lui revient à la mémoire en cet instant. Le cœur de Joseph a toujours été très sensible, beaucoup plus que celui de ses frères ; ceux-ci ne pleurent pas ; leur cœur a été longtemps endurci ; nous verrons plus loin que leurs sentiments ne sont pas purs.
Les douze frères vont donc tous ensemble ensevelir leur père. Le deuil de Joseph est un deuil national ; c’est le père du “seigneur de l’Égypte” qui vient de mourir, et il sera pleuré 70 jours. Son corps reçoit dans l’embaumement les honneurs princiers, et l’affliction du peuple se prolonge selon le temps d’un deuil royal. Cet homme venu de Canaan à cause de la famine, mais qui avait eu pourtant la prérogative de bénir le Pharaon, était véritablement un “prince de Dieu”, Israël.
Il faut maintenant, pour l’ensevelissement de Jacob, respecter l’engagement pris par serment. Il semble que Joseph appréhende de s’adresser directement au Pharaon. Il avait pourtant ses audiences auprès de ce grand monarque, et toute liberté de lui parler des affaires du pays. Mais il doit lui demander maintenant l’autorisation de quitter momentanément l’Égypte, ce qu’il n’avait sans doute jamais fait, et le Pharaon pouvait à juste titre craindre de voir s’éloigner un homme de cette qualité.
De plus, ce monarque ne voyait sans doute pas de raison valable pour que le père de Joseph soit enterré en Canaan, alors qu’on aurait pu lui offrir en Égypte une sépulture digne de son fils. Joseph passe donc par la maison du Pharaon pour présenter une requête pleine d’humilité, en rappelant le serment qu’il a juré à son père. En outre, et c’est important, il promet de revenir. Bien entendu, Dieu incline le cœur du Pharaon, et l’incite sans doute à faire accompagner le convoi par une représentation royale et nationale imposante. Un témoignage de la gloire de Joseph en Égypte est ainsi donné aux nations environnantes.
Les fils de Jacob sont tous dans le cortège, avec leur parenté. Mais il est précisé qu’ils laissent les petits enfants, le menu et le gros bétail dans le pays de Goshen ; on le comprend fort bien, et c’est en outre un gage certain qu’ils vont revenir.
Plus tard, lorsqu’il faudra définitivement tourner le dos à l’Égypte, Moïse dira solennellement au Pharaon qui veut retenir les petits enfants : “Nous irons avec nos jeunes gens et avec nos vieillards, nous irons avec nos fils et avec nos filles, avec notre menu bétail et avec notre gros bétail” Exode 10. 9 : il ne restera plus d’enfants en Égypte, devenu un pays d’esclavage.
Les funérailles se poursuivent donc à l’aire d’Atad, avant la traversée du Jourdain, dans une solennité imposante. Les Cananéens sont témoins de ce grand deuil. Ils n’ont sans doute pas gardé le souvenir de Jacob, ce patriarche qui a séjourné au milieu d’eux. On peut penser qu’ils associent la solennité de ces funérailles à la notoriété de Joseph, ce seigneur de l’Égypte (verset 11) dont ils ont entendu parler, au moins au temps de la famine ; mais Joseph n’est pour eux qu’un Égyptien. Le monde actuel peut vénérer Jésus comme un grand homme en son temps, et l’apôtre d’une noble religion, mais il ne discerne pas en lui “le Sauveur du monde” (41. 45) Jean 4. 42.
Seule la famille de Jacob traverse le Jourdain pour monter à Hébron, dans l’intimité familiale après le faste d’Atad. Le monde peut sympathiser avec ceux qui sont dans le deuil, mais il ne peut comprendre les sentiments d’un croyant se penchant au bord d’une tombe. Semé en terre1 Corinthiens 15. 36, 37, 42-44, pour lui, ne signifie rien ; il ne croit pas en la résurrection des morts, encore moins à la résurrection d’entre les morts1 Corinthiens 15. 12, 22-24.
Mais les enfants de Jacob savent que leur père et les cinq autres corps déposés dans la caverne sortiront triomphants au jour du grand réveil ; et seuls ceux qui le savent se trouvent ce jour-là au bord du sépulcre.
Un jour, Joseph était parti de là (Hébron) pour “chercher ses frères” qui le haïssaient. Ils sont tous là maintenant, réconciliés, pleurant leur père qui n’est plus.
Il faut maintenant retourner en Égypte. La vie doit reprendre son cours ; les petits enfants attendent, le bétail doit être soigné ; mais quels sentiments montent du cœur des frères de Joseph ? Disons-le, en ce qui nous concerne, nous avons besoin de contrôler l’état de nos cœurs. Après le départ d’un parent, sitôt la tombe fermée, des choses longtemps contenues peuvent se révéler : difficultés non résolues s’accompagnant de médisances, d’animosités, d’esprit cupide ; que Dieu nous donne un esprit d’entente, de support et de détachement !
Ainsi, les frères de Joseph ont peur de lui ! Il avait pleuré, il avait donné la preuve que tout était pardonné lorsqu’ils avaient confessé leur iniquité, il avait pris soin d’eux avec beaucoup d’affection depuis dix-sept années, et ils doutent encore de son amour ! On comprend que Joseph puisse à nouveau verser des larmes devant tant de défiance.
Les frères de Joseph n’ont pas entièrement libéré leur conscience de leur passé. Ils inventent un mensonge qu’ils communiquent à Joseph ; c’était, selon leurs dires, un commandement ultime de leur père avant sa mort ! Nous avons vu ce qui occupait la pensée de Jacob à l’instant de son départ, et le commandement qu’il avait formulé. Assurément, s’il avait eu quelque chose à demander à Joseph au sujet de la conduite passée de ses frères, il l’aurait fait directement ; et surtout il savait bien que Joseph avait depuis longtemps tout pardonné, les preuves ne manquaient pas. Joseph pleure, sans doute à cause de l’incompréhension de ses frères à son égard, mais aussi à cause de la persistance de leur esprit trompeur, et de l’apparente servilité dont ils veulent faire preuve ; le temps de se prosterner est révolu.
Nous voyons une fois de plus la profondeur et la patience de l’amour dans cet homme. Il parle au cœur de ses frères, il les console de toute crainte et de toute peine passée. Il ne rappelle surtout pas le mal qui est maintenant effacé, mais le bien que Dieu en a tiré ; il le souligne une fois de plus (verset 20 ; 45. 5-8). Il les assure enfin de la fidélité de ses soins pour l’avenir de leurs familles.
Celui qui, aujourd’hui, a soin de nous est fidèle ; rejetons sur lui tout notre souci. Apprenons à connaître un peu mieux son amour infini, et ne le ramenons pas à nos propres limites.
Voici venu le terme de la vie de Joseph. Il a manifesté une foi et une piété exemplaires du commencement à la fin ; sa patience est restée sereine au cours des épreuves les plus longues et les plus redoutables. Au faîte des honneurs les plus grands, il est resté un homme de Dieu fidèle, ne recherchant que la gloire de celui devant qui il marchait.
Il a connu les honneurs, mais c’est dans l’intimité familiale que nous le voyons terminer sa vie, comme un trisaïeul comblé. Et ses dernières paroles sont identiques à celles de son père Jacob, paroles pleines de foi et d’espérance. Il a dans son cœur les promesses divines (15. 16), que Jacob lui a rappelées (48. 21). Il ne veut surtout pas de fastueuse demeure funéraire en Égypte ; il ressuscitera en Canaan. Il donne un ordre touchant ses os : c’est le seul acte de foi mentionné dans l’épître aux Hébreux (11. 22) parmi tant d’autres accomplis par lui. L’Esprit Saint attire par là notre attention sur le prix que représente pour Dieu la foi d’un homme qui s’attache aux promesses divines.
“Par la foi, Joseph, en terminant sa vie, fit mention de la sortie des fils d’Israël”. Auront-ils donc besoin de cette “visitation” divine (verset 24) ? Ne sont-ils pas à l’aise en Égypte ? N’y prospéreront-ils pas abondamment ? Joseph sait que ce pays n’est pas le leur, et qu’ils y seront opprimés (15. 13). Il pressent déjà l’esclavage, et quand ce temps douloureux sera venu, le cercueil de Joseph sera un encouragement pour ces fils d’Israël. Les fidèles, comme Moïse, attendront avec patience le jour de la délivrance. Et ce jour-là, ils partiront avec le cercueil de JosephExode 13. 19 ; ils en prendront soin durant les quarante années du désert, et l’enseveliront en Canaan (33. 19) Josué 24. 32. Le corps de ce serviteur fidèle dort là dans sa tombe. La grandeur en Égypte aboutit à ce cercueil ; ainsi passe la gloire du monde, mais Joseph n’y avait pas attaché son cœur. Il se repose de ses travaux comme un bienheureuxApocalypse 14. 13, jusqu’au grand jour de la résurrection.