Les frères de Joseph ont été rassasiés ; ils peuvent partir satisfaits après la réception dont le seigneur du pays les a gratifiés. Leurs sacs regorgent de blé ; Benjamin pour lequel ils tremblaient revient avec eux ; Siméon leur a été rendu. Ils s’en vont heureux ; mais leur soulagement sera de courte durée, car ils n’ont pas encore visité le fond de leur cœur. Ils devront à nouveau comparaître devant Joseph, et cette dernière épreuve sera la plus redoutable.
L’intendant (figure du Saint Esprit) continue son travail persévérant dans la conscience de ces coupables. Il commence par mettre l’argent de chacun à l’ouverture de son sac. Joseph n’a jamais accepté une seule pièce de l’argent de ses frères. Il a été vendu pour de l’argent, il ne veut pas être acheté par de l’argent, au contraire il paie leur dette de blé ces deux fois ; il est celui qui donne. Cet argent remis par deux fois dans leurs sacs est là pour toucher leur conscience, non pas pour être redemandé, ni pour qu’ils soient accusés de vol. Cette fois-ci, lorsque les sacs sont ouverts et fouillés, il n’est même pas question de cet argent placé à l’ouverture. C’est de la coupe du seigneur qu’il s’agit, et ces hommes sont accusés de l’avoir dérobée, accusation plausible puisqu’ils avaient été reçus dans la maison où elle se trouvait.
L’intendant insiste sur la valeur sacrée de ce vase, non point que Joseph l’utilisât à la manière des devins de l’Égypte dans des pratiques païennes – Joseph recevait directement les révélations divines – mais en étant soupçonnés de s’être emparés de l’objet le plus précieux qui soit dans la maison du seigneur du pays, les frères de Joseph reçoivent le coup le plus terrible qui puisse leur être porté. La rudesse de l’accueil lors du premier voyage, comme la bonté manifestée lors du second, n’ont pas suffi à leur faire reconnaître leur iniquité. Ils vont maintenant être convaincus de péché, et c’est là le travail secret mais puissant du Saint EspritJean 16. 8.
Persuadés d’être innocents, ils prononcent unanimement sur eux, sans s’en douter, une condamnation terrible. La sentence fatale tombe ce jour-là sur Benjamin, le seul qui soit innocent. Cependant Benjamin sera épargné, comme Joseph l’a été à Dothan ; Jésus le seul juste, lui mourra pour les injustes1 Pierre 3. 18.
La découverte de la coupe dans le sac de Benjamin plonge les fils de Jacob dans une angoisse profonde, mais salutaire. Ils déchirent leurs vêtements, signe de douleur et de honte profonde. Ils reviennent en hâte devant Joseph sans y être contraints, puisqu’un seul doit être ramené. Ils pensent instinctivement qu’ils ne peuvent trouver leur salut qu’en celui qui peut condamner. Pour la quatrième fois, ils se prosternent devant lui, mais cette fois en se jetant par terre. La parole prophétique est ainsi parfaitement confirmée.
Cette scène va plus loin encore : ces hommes ne sont pas seulement courbés dans la reconnaissance de la dignité de Joseph, mais dans le sentiment de leur propre indignité et de la gravité de leur péché. C’est dans cette profonde humiliation que Dieu veut recevoir tout homme.
“Quelle action avez-vous faite ?” dit Joseph. La question les sonde, comme autrefois les flèches de Dieu dans la conscience d’Ève puis de Caïn. “Ne savez-vous pas qu’un homme tel que moi sait deviner ?” Terrible découverte pour ces malheureux qui ont ainsi la clef de tous les mystérieux événements qu’ils ont vécus. Ils se trouvent sous le faisceau de cette terrible lumière et ne peuvent plus rien cacher.
C’est devant Jésus qu’il faut venir un jour pour confesser tout ce que nous avons fait, tout ce que nous sommes, et recevoir son pardon, le salut qu’il offre gratuitement parce qu’il a payé pour nous. Nous ne pouvons comprendre la gravité du péché aux yeux de Dieu, qu’en apprenant comment Christ l’a pris sur lui en grâce infinie, et en a porté tout le jugement devant Dieu.
Juda prend la parole au nom de ses frères. Ils avaient autrefois caché leur culpabilité par un mensonge indigne. Maintenant ils ne désirent même pas faire état de leur innocence au sujet du vol de la coupe. Ils comprennent que pour Dieu la question n’est pas là ; ils cesseront de chercher à se justifier. Ils avaient péché contre Dieu ; ils vont s’humilier sous sa puissante mainPsaume 51. 6 ; 1 Pierre 5. 6. Ils sont ramenés en pensée près de la citerne de Dothan, et près de leur vieux père déchiré dans sa douleur ; merveilleux travail de l’Esprit de Dieu.
Ce travail s’opérera aussi dans le résidu de Juda plus tard, lorsqu’il confessera ses fautes au nom de tout Israël, non pas tant à l’égard de la loi outragée que plus particulièrement à l’égard du Messie rejeté et mis à mort ; ce sont là les très beaux accents d’Ésaïe 53.
Ainsi les fautes passées pèsent plus désormais sur la conscience des frères de Joseph que les accusations présentes, et ils s’en déchargent. Le temps des “honnêtes gens” est passé. Mais “Dieu a trouvé leur iniquité” en présence de Joseph ; c’est une position salutaire pour eux, car maintenant Joseph va agir de la part de Dieu, et la grâce aura le dernier mot.
Juda (verset 16) revient à la proposition qu’ils avaient faite à l’intendant (verset 9), tout en la pondérant pour Benjamin maintenant présumé coupable. Mais Joseph ne l’entend pas ainsi : seul Benjamin est accusé de vol ; seul il restera serviteur (versets 10, 17). Quelle tragique conclusion pour ces dix hommes coupables ! Ils sont tenus pour innocents et invités à repartir en paix, alors que leur jeune frère innocent est tenu pour coupable et condamné. Quelle admirable leçon nous donne là notre Dieu sauveur, et quelle divine manière de nous l’enseigner ! Car c’est ainsi qu’il a opéré en notre faveur, et qu’étant justifiés maintenant nous avons la paix avec lui.
Une question se pose maintenant pour les dix fils de Jacob : vont-ils abandonner leur frère innocent à l’esclavage, comme Joseph autrefois, et inventer une nouvelle histoire à son sujet devant Jacob ? Non, et c’est là que nous voyons le profond travail opéré dans leurs cœurs. Juda, leur porte-parole, va s’approcher de Joseph pour dévoiler combien le cœur de pierre qu’ils avaient montré à Dothan a été brisé, combien ils sont devenus sensibles à l’injuste captivité de leur jeune frère Benjamin, et au chagrin qui pourrait atteindre leur père.
Ce plaidoyer de Juda est une des pages admirables de l’Écriture ; elle ne peut être lue sans émotion. L’affection que cet homme porte maintenant à son jeune frère et à son vieux père dont il parle constamment, se traduit en termes bouleversants, car c’est d’eux que son cœur est plein. Nous trouvons là non pas une confession détaillée des fautes passées, mais une preuve irréfutable du changement complet du cœur de ces hommes. Il est maintenant loin le temps où ils avaient brisé le cœur de Jacob, en lui faisant parvenir une tunique ensanglantée !
Juda fait ressortir d’une manière poignante l’amour du père pour son fils, auquel son âme est étroitement liée. Comme cela doit parler au cœur de Joseph ! Au verset 28, Juda va plus loin dans la confession. Il ne dit pas seulement : l’un n’est plus ; son frère est mort (verset 20), mais il rapporte les paroles de Jacob : “Certainement il a été déchiré ; et je ne l’ai pas revu jusqu’à présent”. Juda rappelle et confesse le mensonge inique des dix frères, et Joseph apprend ainsi de la propre bouche de Juda la supercherie qu’ils ont été capables d’employer pour cacher leur forfait. Le cœur de Joseph doit se serrer douloureusement à l’instant de cette révélation, en pensant à la détresse de son père.
Tout a été dit maintenant, et Juda s’apprête à se porter coupable à la place de Benjamin. L’amour a remplacé la haine, l’égoïsme et la cruauté. Joseph va pouvoir déployer sa grâce.