Paul déclare encore une fois renoncer au droit de vivre de l’évangile (verset 15), et veut par là dissiper toute équivoque quant à la revendication d’une aide quelconque de la part des Corinthiens. En aucun cas il ne voulait anéantir sa gloire. Car le fondement de celle-ci reposait sur le respect des droits des autres, ainsi que sur son renoncement à user du sien, si cela devait scandaliser quelqu’un.
Dans leur conception charnelle, les Corinthiens pouvaient penser que Paul ressentait comme un grand honneur d’être un évangéliste éminent. Lui-même en jugeait autrement. Sans doute, le Seigneur lui avait fait un don exceptionnel, mais avec l’ordre de l’utiliser. Ainsi Paul n’avait pas lieu de se glorifier, c’était pour lui une nécessité que d’obéir à son Seigneur bien-aimé et d’accomplir son service. S’y dérober, c’était désobéir au Seigneur. Les paroles “malheur à moi si je n’évangélise pas” montrent avec quel sérieux Paul considérait la désobéissance. Même si le chrétien n’est pas assujetti à une loi comme le Juif, l’autorité divine n’est pas moindre pour lui. Oui, l’amour pour le Seigneur plutôt que l’asservissement est le mobile de l’obéissance.
En accomplissant son service volontairement et de bon cœur, il savait que le Seigneur le récompenserait, lui qui avait dit : “Bien, bon et fidèle esclave ; tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup” Matthieu 25. 21-23. L’absence d’enthousiasme et de joie dans le service ne pouvait constituer pour lui une excuse. Dans ce cas il recevrait ce service comme une administration confiée par le Seigneur. Il ne pourrait pas purement et simplement s’y soustraire (comp. 4. 1, 2).
La gloire de Paul (verset 15) et sa récompense (verset 18) consistaient donc à rendre l’évangile exempt de frais. Par ces paroles, l’apôtre résume ce qu’il veut démontrer aux Corinthiens. En qualité d’apôtre, il était en droit de vivre de l’évangile. Mais pour ne scandaliser personne, il renonçait à ce droit, en pourvoyant lui-même à son entretien. Sa récompense était liée à la conviction que personne ne pouvait imputer des motifs déloyaux à son service, et qu’il ne prêchait pas la grâce sans en vivre les principes.
Ne dépendant d’aucun homme, Paul était libre, mais n’exploitait pas cette liberté pour se placer au-dessus de ses semblables ; au contraire, il était prêt à se soumettre à eux comme leur esclave. Une telle attitude en faisait un modèle pour les Corinthiens, qui prenaient appui sur leur prétendue liberté pour se placer au-dessus des frères et sœurs estimés plus faibles qu’eux-mêmes.
Paul renonçait donc à un droit justifié “afin de gagner le plus de gens” (verset 19). Son grand but était d’amener le plus grand nombre au Sauveur. Pour atteindre ce but, il était prêt aux plus grands sacrifices. Quel exemple pour nous qui ne remarquons même plus que notre insensibilité et notre prétention font souvent obstacle à la propagation de l’évangile.
Paul précise maintenant son attitude à l’aide de trois exemples (versets 20-22) :
“Ne savez-vous pas ?” (verset 24) est une forme interrogative qui introduit souvent des exhortations que les Corinthiens connaissaient, et qui donc auraient dû leur être utiles (3. 16 ; 5. 6 ; 6. 9).
Ici, l’apôtre leur rappelle une règle bien connue dans le domaine sportif, à savoir que les athlètes courent en vue de remporter le prix. Dans le domaine spirituel aussi, tous ceux qui courent bien reçoivent le prix ; Paul encourage donc tous les Corinthiens à s’efforcer de l’obtenir. Le sportif renonce lors de son entraînement à beaucoup de choses que d’autres peuvent se permettre (verset 25). Mais si un trophée corruptible mobilise tant d’énergie, combien plus les croyants devraient-ils s’engager pour remporter la couronne incorruptible !
Par cette comparaison empruntée au monde du sport, l’apôtre reproche aux Corinthiens d’une manière délicate et affectueuse de n’être pas disposés à renoncer à leurs prétendus droits, par amour pour leurs frères et sœurs plus faibles. Mais, plutôt que de leur adresser une exhortation directe, Paul se présente lui-même comme exemple, ainsi qu’il le fait souvent (verset 26). En contraste avec ceux qui ne voulaient pas reconnaître la réalité de leur responsabilité, le grand apôtre vivait dans une continuelle abnégation pour conserver et consolider sa force spirituelle.
Les dernières paroles de l’apôtre : “de peur qu’après avoir prêché à d’autres, je ne sois moi-même réprouvé” (ou disqualifié) (verset 27) ne signifient pas qu’il craignait de perdre le salut de son âme.
Il est pourtant possible que quelqu’un prêche durant toute sa vie et soit malgré cela perdu pour l’éternité. En revanche, un authentique enfant de Dieu ne peut pas perdre son salut. Ce que Paul présente ici à travers son propre exemple, c’est l’impossibilité de séparer la grâce d’avec la responsabilité. Celui qui déclare être sauvé et servir le Seigneur est responsable de vivre en conséquence. Une simple profession ne suffit pas : elle conduirait à la perdition éternelle.