Dans ce chapitre, Paul change apparemment de sujet, mais en réalité il montre aux Corinthiens comment user de grâce et ne pas insister sur ses droits. Il applique à lui-même le principe de la retenue qu’il leur avait présenté. Le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l’évangile, de vivre aussi de l’évangile ; mais Paul n’usait pas de ce droit à Corinthe, pour ne pas être un obstacle à ces croyants.
En premier lieu, il évoque sa légitimité apostolique, mise en doute à Corinthe par quelques-uns2 Corinthiens 11. 5 ; 12. 11, 12. Comme apôtre, il ne reconnaissait d’autre autorité que celle du Seigneur qui l’avait appelé ; dans ses rapports avec d’autres croyants il était libre ; il n’était soumis à aucune autorité humaine. Pour être apôtre, il fallait avoir connu le Seigneur personnellement, et avoir été témoin de sa résurrectionActes 1. 21, 22. Or, lorsque le Seigneur Jésus est ressuscité d’entre les morts, Paul n’était pas encore converti, et il ne l’avait probablement pas connu pendant sa vie ici-bas. Mais le Seigneur ressuscité et glorifié lui était aussi apparu, de sorte qu’il pouvait, en se nommant, clore la série des sept témoins de la résurrection de Christ (15. 4-8). Les croyants qui n’avaient jamais vu Paul pouvaient douter de son apostolat, mais pas les Corinthiens. Ils avaient été convertis par Paul et ils étaient donc la vivante confirmation de son mandat apostolique (4. 15) 2 Corinthiens 3. 2, 3.
S’il se levait à Corinthe des hommes qui osaient lui demander des comptes, il rétorquait : “N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ?” Pourquoi lui contesterait-on, comme à d’autres serviteurs du Seigneur, le droit de satisfaire ses besoins vitaux ? Paul et ses collaborateurs n’avaient-ils pas le droit de se marier, comme les autres apôtres, tels Pierre et les frères du Seigneur ? Nous apprenons déjà par l’évangile de Matthieu que Pierre était mariéMatthieu 8. 14, lui qui était considéré par certains Corinthiens comme leur chef de parti (1. 12). Mais vraisemblablement Paul n’était pas le seul frère célibataire au service du Seigneur. Les noms des autres frères ne sont toutefois pas donnés ici.
Abordant maintenant son véritable sujet, Paul fait mention de Barnabas qui l’avait accompagné lors de son premier voyage missionnaire. Tous deux pourvoyaient eux-mêmes à leur subsistance dans leur service pour le Seigneur, à la différence des autres apôtres. Serait-il interdit à ces deux serviteurs de Christ – et uniquement à eux ! – d’abandonner leur métier pour travailler pour le Seigneur sans entrave ? Les adversaires de l’apôtre comparaient peut-être le comportement de Paul et de Barnabas à celui des autres collaborateurs du Seigneur (qui eux usaient de leur droit à l’inactivité professionnelle) et l’exploitaient pour mettre en doute leur appel divin.
Paul et Barnabas avaient évidemment ce droit. L’apôtre le justifie au moyen de trois exemples :
Ce principe général se trouve déjà dans la loi de Moïse, qui dit : “Tu n’emmuselleras pas le bœuf, pendant qu’il foule le grain” Deutéronome 25. 4. Ce commandement a un sens littéral et une portée spirituelle comme bien souvent dans l’A.T. (10. 6, 11) Galates 4. 24.
Paul l’applique aux serviteurs du Seigneur (verset 10), en empruntant de nouveau deux images à la vie quotidienne :
Lorsque Paul et ses collaborateurs avaient annoncé l’évangile à Corinthe, ils avaient semé une semence spirituelle ; conformément au principe énoncé ci-dessus, il était normal que les Corinthiens les soutiennent par des biens matériels pour subvenir à leurs besoins (verset 11).
Les Corinthiens n’ignoraient pas ces dispositions divines ; ils connaissaient les droits des ouvriers du Seigneur, puisqu’ils avaient même assisté d’autres frères (verset 12). Combien plus grand était le droit de l’apôtre ! Intentionnellement, Paul n’avait pas fait usage de ce droit, afin de ne pas entraver la prédication de l’évangile du Christ. Le livre des Actes nous apprend que Paul habitait chez Aquilas et Priscilla qui, comme lui, fabriquaient des tentesActes 18, 1-3. Ayant immédiatement décelé les faiblesses des Corinthiens, il avait renoncé, dès le début, à tout soutien matériel de leur part. A l’inverse, il avait accepté des dons de la part des Philippiens, pourtant bien plus pauvres qu’euxPhilippiens 4. 15.
Deux exemples de l’A.T. confirment le principe de l’aide matérielle due aux serviteurs du Seigneur (versets 13, 14) :
De la même manière donc, ceux qui annoncent l’évangile doivent, selon la volonté du Seigneur, vivre de l’évangileLuc 10. 7. Ici, l’évangile ne désigne pas seulement la bonne nouvelle prêchée aux âmes perdues, mais englobe tout le dessein de Dieu.