Bien des années ont passé depuis les derniers événements historiques relatés dans le chapitre 17. Comme l’Éternel l’avait annoncé, toute la génération sortie d’Égypte était morte pendant les trente-huit ans d’errance autour de Kadès Barnéa. Le début de ce chapitre se situe à la fin de cette triste période, peu avant le départ de Kadès (verset 22).
“Marie mourut là et y fut enterrée” (verset 1) : ce fait donne le ton de ces longues années passées sous silence. La joie de la délivrance, dont Marie s’était fait l’échoExode 15, a disparu, remplacée par la tristesse de la mort omniprésente.
A la mort qui régnait s’ajouta la soif pour ceux qui restaient. Devant le manque d’eau, le peuple s’en prit à Moïse, comme il l’avait déjà fait plusieurs fois (14. 2 ; 16. 3) Exode 16. 2. Une génération était tombée dans le désert, une nouvelle s’était levée, en tout point semblable à la précédente. Aux murmures de RephidimExode 17. 1-7 répondirent ceux de Kadès. On aurait pu penser que le don de la loi, la présence du tabernacle et les soins constants de Dieu pendant tant d’années auraient évité pareille répétition. Mais le cœur humain ne change pas, il est incurable ; les fils ne sont pas meilleurs que les pères.
Comme dans l’affaire de Coré, Moïse et Aaron prirent d’abord une attitude d’humilité. Encore une fois, “la gloire de l’Éternel leur apparut” (verset 6) et Dieu leur donna des instructions précises pour qu’une nouvelle réponse de grâce soit apportée aux besoins de ce peuple ingrat.
Mais Moïse, sous l’impulsion de la colère, se laissa aller à une faute qui s’avérerait bien lourde de conséquences. Voulant montrer son autorité au peuple, il prit, non pas la verge d’Aaron qui avait bourgeonné et qu’il était bien allé chercher (verset 9), mais sa propre verge, celle du législateur (verset 11). Les paroles des deux frères dévoilaient leur état d’esprit (verset 10) :
La grâce de Dieu ne se laissa pas arrêter par l’acte inconsidéré de Moïse, mais elle se magnifia d’autant plus qu’à la rébellion du peuple s’ajoutait pour une fois celle de ses deux conducteurs, rebelles à l’ordre divin. Ces eaux qui sortirent “en abondance” nous montrent que la grâce surabondante de Dieu n’est jamais limitée par la faiblesse ou l’infidélité de l’homme. C’est ainsi que Dieu “se sanctifia en eux” en agissant en grâce malgré tout1.
La sentence divine pourrait paraître disproportionnée avec la faute (verset 12), mais souvenons-nous que plus nous sommes près de Dieu et plus nous avons une place en vue parmi son peuple, plus Dieu nous tiendra responsables : “A celui à qui il aura été beaucoup confié, il sera plus redemandé” Luc 12. 48. Ce récit est un avertissement pour nous qui sommes si souvent enclins à nous laisser aller à nos sentiments et à nos impulsions, et qui si souvent aussi avons de la peine à nous élever à la hauteur de la grâce de Dieu.
La portée symbolique de ce récit nous aide aussi à comprendre l’importance de la faute de Moïse. Le “rocher” est une figure de Christ1 Corinthiens 10. 4 qui a été frappé “une fois pour toutes” Exode 17. 6 ; Hébreux 10. 10 ; 1 Pierre 3. 18 afin que nous n’ayons plus jamais soifJean 4. 14. Désormais, il est inutile de renouveler ce sacrifice ; et, pour désaltérer notre âme, il suffit de “parler au rocher”, c’est-à-dire de le prier, d’entretenir avec lui une relation vivante. De plus, comme nous l’avons déjà vu, la loi (qu’évoque la verge de Moïse) est incapable de nous aider dans notre marche dans le monde ; seule la grâce (la verge d’Aaron) peut le faire.
Après ces années de stationnement, vint enfin l’heure du départ de Kadès. Le chemin le plus direct vers Canaan passait par le territoire d’Édom. Israël demanda à Édom l’autorisation de passer par son pays. Ce dernier la lui refusa avec hauteur par deux fois, la première fois à Moïse (verset 18), la seconde fois au peuple (verset 20). Il sortit même à la rencontre d’Israël pour l’intimider par une démonstration de force.
Israël n’insista pas et prit un autre chemin. C’est un exemple pour nous : plutôt que d’entrer en conflit ouvert avec nos frères, laissons-nous faire du tort1 Corinthiens 6. 7.
L’inimitié d’Édom à l’égard d’Israël, qui avait eu sa source dans l’affrontement des deux fils d’IsaacGenèse 27, se continua tout au cours de l’histoire de ces deux peuplesPsaume 83. 6, 7 ; Ézéchiel 25. 12-14 ; 35. 5-7. Le jugement de l’Éternel sur Édom est annoncé par Malachie et surtout Abdias, avec comme motif principal son manque de pitié. La fatigue de son frère (verset 14) le laissait de marbre ; plus tard il se réjouirait de la chute de JérusalemAbdias 12. Se pourrait-il que nous montrions à l’occasion pareille dureté de cœur envers notre frère ?
L’Éternel annonça qu’Aaron allait mourir. Le peuple tout entier vit trois hommes monter sur la montagne de Hor : Aaron, son frère Moïse et son fils Éléazar. Dépouillé de ses vêtements de gloire et d’honneur, que restait alors Aaron aux yeux de tous ? Un objet de la grâce divine. Cette grâce avait supporté l’égarement du veau d’orex. 32, les murmures contre Moïse (12. 1) ; elle lui avait donné la force de surmonter le chagrin de la mort de ses deux fils aînésLévitique 10. 1-7 et elle lui avait confié la charge d’une sacrificature temporaire. Maintenant, Christ, “qui a la sacrificature qui ne se transmet pas” est toujours vivant pour intercéder pour nousHébreux 7. 23-25 et il demeure à jamais à la droite de Dieu “couronné de gloire et d’honneur” Hébreux 2. 9.
Aaron fut pleuré trente jours (verset 29), comme le fut, peu de temps après, MoïseDeutéronome 34. 8. Il n’en fut pas de même pour JosuéJosué 24. 29. Peut-être est-ce parce que le peuple était alors dans le pays et non plus dans le désert. Pour nous, nous entrons dans les lieux célestes, à la suite de Christ ressuscité et glorifié. Même si, lors d’un deuil, la douleur de la séparation reste vive, n’oublions pas que nous possédons les promesses du N.T. et l’espérance d’une réunion définitive1 Thessaloniciens 4. 17, 18. Ainsi nous ne pleurerons pas indéfiniment comme ceux qui n’ont pas d’espérance1 Thessaloniciens 4. 13, et consolés par notre Père lui-même2 Corinthiens 1. 3, 4, nous pourrons nous “lever de devant notre mort” Genèse 23. 3.
En résumé, les événements relatés dans ce chapitre sont empreints d’une profonde tristesse. Il semble que rien n’ait été épargné à Moïse :
Malgré tout, ce serviteur montra une obéissance remarquable (verset 27) et une soumission sans raisonnement. Un autre livre, celui du Deutéronome, nous révèle quelques-uns des sentiments de son cœur au cours de cette périodeDeutéronome 3. 23-26.