Après avoir montré sa compassion pour le peuple (27. 12-22) et avant de terminer sa vie en contemplant le pays où il ne pouvait pas entrerDeutéronome 32. 48-52, Moïse se vit confier par l’Éternel une dernière tâche comme conducteur du peuple : exécuter la vengeance des fils d’Israël sur les Madianites (verset 1), vengeance qui était aussi celle de l’Éternel (verset 3). Moïse avait fait face à beaucoup de situations difficiles pendant quarante ans. Peut-être aurait-il souhaité ne plus recevoir de mission supplémentaire avant de mourir. Mais l’Éternel en décida autrement. Bien qu’à la porte de Canaan, le peuple ne goûtait pas encore le repos et devait combattre. “Ce n’est pas ici un lieu de repos” Michée 2. 10. Nous sommes sans doute très proches du retour du Seigneur, lui qui a promis : “Je viens bientôt”, mais il nous faudra jusqu’au bout combattre et souffrir. Si nous aspirons au repos, ne nous faisons aucune illusion : il n’est ni pour maintenant, ni pour cette terreHébreux 4. 9.
Moïse chargea Phinées de cette guerre. Ce sacrificateur zélé s’était déjà illustré lors de l’inconduite du peuple à Baal-Péor en faisant propitiation pour le peuple (25. 7-13) ; aussi était-il qualifié pour conduire les 12 000 hommes de guerre. Cette armée était constituée de mille hommes par tribu : le peuple entier était impliqué, chaque tribu dans une égale part.
La bataille contre les Madianites n’était pas une guerre obligée dans le chemin du peuple dans le désert ou dans la conquête de Canaan ; elle était un épisode dû à la propre faute des fils d’Israël. Ils s’étaient souillés en ayant des relations sexuelles avec les filles de Madian et en adorant leurs idoles (25. 1, 2). L’exécution du jugement divin purifierait définitivement Israël de cette souillure. C’est pourquoi la direction de cette guerre fut donnée à un sacrificateur et non pas à un conducteur, Moïse ou Josué.
La grâce de Dieu les accompagnait, par l’intermédiaire des “instruments sacrés” (verset 6) – sans doute les attributs sacerdotauxExode 28. 30 – et surtout des trompettes. Comme nous l’avions vu (10. 1-10), elles avaient plusieurs fonctions, comme celles de signaler le départ du camp ou de convoquer l’assemblée ; elles étaient également indispensables lors des guerres : on en sonnait avec éclat et Israël, “rappelé en mémoire devant l’Éternel”, était délivré.
Dieu ne donna pas de commandement précis sur la manière de livrer le combat et d’exploiter la victoire. Il semble qu’il laissait à Phinées le soin de comprendre sa pensée. Les guerriers d’Israël tuèrent tous les hommes et mirent à mort le principal coupable de la souillure du peuple, Balaam (versets 8, 16) ; ils brûlèrent les villes et les campements, emportèrent du bétail et du butin… En première lecture, la vengeance paraît complète et la victoire totale.
Moïse et Éléazar et tous les princes accueillirent l’armée victorieuse hors du camp (verset 13). Mais Moïse se mit immédiatement en colère contre les responsables parce qu’ils n’avaient pas ordonné la mise à mort des femmes ; ils les avaient seulement emmenées captives.
Peut-être ces Israélites, en exécutant la vengeance, s’étaient-ils laissés aller à une faiblesse sentimentale coupable, à une pitié qui n’avait pas sa place. Ce qu’ils devaient accomplir n’était pas une vengeance humaine, mais un acte dans lequel la sainteté et la justice inflexible de Dieu devaient prévaloir. Dans un tel cas, les sentiments humains et charnels n’ont pas leur place. Phinées et leur armée durent l’apprendre – certainement avec douleur. Ils n’entrèrent pas dans le camp tant qu’ils ne se furent pas purifiés eux-mêmes et leurs prisonnières le troisième et le septième jour (verset 19). En effet, leur souillure personnelle, contractée lors de l’exécution de la vengeance, entrait dans le cadre des instructions données au chapitre 19.
Quant aux objets, ils furent purifiés soit par le feu, soit par l’eau (versets 21-24).
Le butin (personnes et bêtes) fut partagé selon les instructions divines :
Ainsi chacun avait sa part dans la victoire.
La victoire avait été si éclatante qu’aucun soldat israélite n’avait été tué (verset 49) !
Se sentant indignes d’une telle grâce, les chefs de l’armée vinrent spontanément offrir une part de leur butin propre. Ce mouvement du cœur resta en témoignage devant l’Éternel (verset 54), car il apprécie et se souvient de tout sentiment de gratitude envers lui.
Le peuple s’était laissé entraîner dans des alliances avec le monde. La conséquence en fut cette guerre, dont il aurait pu être épargné. Dans nos vies individuelles, il peut se produire des faits semblables par manque de séparation du monde, même provisoire. Les conséquences sont douloureuses, mais elles sont voulues par Dieu qui intervient dans sa grâce pour nous délivrer et nous amener à nous rapprocher de lui. Toutefois, il nous faut aller au fond du problème : le Seigneur veut nous amener – nous contraindre même, s’il le faut – non seulement à détruire le lien formé, mais encore à aller jusqu’à la racine du mal, en identifiant l’origine de notre chute. Cela peut aller, par exemple, jusqu’à détruire par le feu certains livresActes 19. 19, 20. “Si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi ; car il est avantageux pour toi qu’un de tes membres périsse, et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne” Matthieu 5. 30. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’une mutilation physique mais d’un abandon complet, sans aucun regret, mû par une sainte énergie, de ce qui est à l’origine de notre association coupable.
Le butin est la preuve du combat livré et de la victoire remportée par notre foi1 Jean 5. 4, mais aussi et surtout par la grâce de Dieu, à la gloire duquel revient ce butin. Ne nous glorifions pas, même intérieurement, de nos renoncements pour le Seigneur et reconnaissons que c’est lui qui produit en nous “le vouloir et le faire” Philippiens 2. 13. Alors, nous mettant de côté, nous reconnaîtrons ses droits sur notre victoire (versets 48-54).
Tout le peuple avait une part du butin. Il se pourrait que notre égoïsme nous amène à garder pour nous-mêmes les résultats bénis d’une expérience difficile au lieu d’en faire profiter les autres croyants. Pensons à l’exemple de Pierre : le Seigneur lui avait dit, avant son reniement : “Quand tu seras revenu, fortifie tes frères” Luc 22. 32 ; et la grâce dont il fut l’objet remplit ses épîtres1 Pierre 5. 10-12.