Depuis le début de son ministère, Jésus a enduré avec patience l’opposition et les attaques perfides des pharisiens et des scribes. Dans le chapitre précédent, ils cherchent encore à l’éprouver et à “l’enlacer” dans ses paroles ; mais le Seigneur leur ferme définitivement la bouche. Dans ce chapitre, il tire une conclusion sévère de leur conduite, et prononce un jugement sans appel sur ces hypocritesLuc 12. 1. Il met en garde contre eux les disciples et les foules d’une manière solennelle.
Les scribes s’étaient installés “dans la chaire de Moïse” ; ils se voulaient les seuls interprètes de la loi de Moïse. Le Seigneur reconnaît leur capacité d’en donner le sens littéral ; lui-même en avait présenté une signification spirituelle. Il laisse encore ses disciples, tout comme le peuple juif, sous les ordonnances de la loi. Ils ont à l’observer, jusqu’à ce que la croix rompe le lien entre le peuple juif responsable et Dieu.
Mais les scribes, eux, ne faisaient aucun cas de ce qu’ils enseignaient : “ils disent et ne font pas”. Jésus avait déjà relevé devant eux cette inconséquence, dans une parabole (21. 30). Ici, il insiste sur le fait qu’ils écrasaient le peuple de fardeaux pesants, ces exigences rigoureuses de la loi qu’ils n’appliquaient pas à leur propre conduite. Ce joug est d’ailleurs insupportable à l’homme, même animé de bonne volonté. L’apôtre Pierre rappellera plus tard devant ses frères : “Pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter” Actes 15. 10 ? Jésus a déjà proposé aux siens un joug aisé et un fardeau léger (11. 29, 30).
Le siècle de la loi allait prendre fin, mais il subsistait encore. Il demeurait nécessaire d’appliquer à la vie de tous les jours l’enseignement donné. Ce principe reste invariable ; l’apôtre Paul confirmera sa doctrine par sa conduite2 Timothée 3. 10. Il rappellera aux Philippiens : “ce que vous avez et appris, et reçu, et entendu et vu en moi, faites ces choses” Philippiens 4. 9. Qu’il ne soit jamais dit de nous : “Ils disent et ne font pas” ! (verset 3)
Le Seigneur a déjà établi le contraste total entre la piété secrète des enfants du Père céleste, et l’hypocrisie de ceux qui n’ont qu’une pratique religieuse extérieure “pour être vus des hommes” (6. 1, 2, 5, 16). Cette fois, il met directement en question les conducteurs du peuple dont les œuvres traduisaient la vanité.
“Ils élargissent leurs phylactères” ; des parchemins, où étaient inscrits des extraits de la loi, étaient attachés au front et aux bras de ces hommes, spécialement au cours des offices religieux. C’est ainsi qu’ils appliquaient d’une façon littérale l’injonction du Deutéronome (6. 6-9 ; 11. 18). De plus, en élargissant leurs phylactères, ils prétendaient montrer l’importance qu’ils accordaient à cette loi de Dieu, et le respect qu’ils avaient pour les Écritures : mais leur cœur était vide.
La loi recommandait aussi de placer une houppe (ou frange) au coin du vêtement, avec un cordon de bleu (la couleur du ciel) pour que le fidèle se souvienne des commandements de l’Éternel et de sa propre consécrationNombres 15. 37-39. Chez les pharisiens, ce signe était devenu simplement extérieur, et la frange pouvait s’élargir à la mesure de leur vanité.
Leur désir de considération les poussait également à prendre les meilleures places non seulement dans les cercles religieux (synagogues), mais aussi dans les milieux mondains et publics divers. Ils s’y présentaient comme des “rabbis”, des maîtres dignes d’être honorés. Aujourd’hui encore cette tendance coupable existe dans la chrétienté.
“Mais vous” : le Seigneur engage alors les siens dans le chemin de la modestie et de la discrétion. Sans doute, quelques-uns ont l’autorité morale pour conduire le peuple de DieuHébreux 13. 7, 17, et ont le devoir de le faire ; mais plus ils sont en vue, plus ils ont à se montrer humbles comme l’a été celui qui seul est digne d’être appelé conducteur : le Christ. La vraie humilité que Dieu reconnaît et apprécie est celle de l’être intérieurColossiens 3. 12.
“Vous, vous êtes tous frères” dit le Seigneur (verset 8). Il place les croyants de tous les temps dans des rapports d’égalité et de fraternité. Ils ont tous la même valeur pour lui, car ils ont été payés du même prix, un prix inestimable. Dans le temps présent, les frères qui composent la famille de Dieu ont le privilège d’avoir été adoptés et d’être frères “en Christ”. Quelle douceur cela ne donne-t-il pas à ces liens fraternels ! Quelle invitation aussi à ne pas s’élever au-dessus des autres ! “Un seul est votre père, celui qui est dans les cieux”. Jésus l’a constamment rappelé dans le discours sur la montagne (chapitre 5 à 7) ; c’est ainsi que Dieu devra être invoqué (6. 9). Israël connaissait déjà une telle relation comme peupleÉsaïe 63. 16 ; Deutéronome 14. 1 ; 32. 6 ; depuis la mort et la résurrection du Seigneur, le croyant connaît personnellement le PèreJean 20. 17. Il convient de ne jamais donner à l’homme cet honneur qui n’appartient qu’à Dieu (verset 9).
Jésus continue en montrant que la grandeur d’un disciple se mesure dans sa manière de servir (verset 11). “Que celui qui conduit soit comme celui qui sert” Luc 22. 26 ; et le Seigneur ajoute : “Or moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert”. Lui, le seul conducteur, a été avant tout le serviteur parfait (20. 28), “obéissant jusqu’à la mort”. Il s’est abaissé jusque-là ; “c’est pourquoi aussi Dieu l’a haut élevé” Philippiens 2. 8, 9. Vivons à sa suite dans la pensée qui a été la sienne, celle de l’humilité, du renoncement, de l’obéissance dans le service, comme les apôtres l’ont fait. Dieu observe la conduite de chacun des siens : il accorde sa grâce aux humbles, et il les élèvera “quand le temps sera venu” 1 Pierre 5. 5, 6.