Les pharisiens ont appris que le Seigneur a fermé la bouche aux sadducéens ; eux n’ont jamais réussi à le faire. Ils se concertent alors pour éprouver Jésus dans un domaine qui leur est familier, celui de la loi. Un de leurs docteurs l’interroge : “Quel est le grand commandement dans la loi” ? Il a sans doute dans sa pensée les dix commandements énumérés en Exode 20 et rappelés en Deutéronome 5. Il leur attribue une valeur inégale, et de leur stricte observation doivent dépendre, pense-t-il, des mérites différents. Le Seigneur va lui enseigner qu’ils forment un tout, et que le fondement de l’obéissance à Dieu, c’est l’amour.
Jésus ne cite donc pas les préceptes du décalogueDeutéronome 5. 7-21, mais va plus loinDeutéronome 6. 5 : un amour pour Dieu sans réserve est le seul motif qui puisse conduire un homme à se soumettre à la loi divine. Telle est la grandeur morale de la loi ; elle en appelle à la conscience et au cœur de l’homme. Dieu ne se contente pas de signes extérieurs seulement, qui ne feraient que satisfaire l’orgueil religieux.
Jésus continue à placer ce docteur, et les pharisiens avec lui, dans la pleine lumière de l’Écriture. Il complète en citant un commandement qui résume, selon Dieu, les relations de tout homme avec son prochain : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” : un amour illimité. Devant le jeune homme riche (19. 18, 19), le Seigneur a déjà cité cet ultime commandementLévitique 19. 15-18 qui joint l’amour à la justice et à la vérité. Dieu ne se contente pas d’apparences, mais veut que tout soit réalité dans l’être intérieur (verset 37). La loi, règle de conduite parfaite, repose sur l’amour que Dieu exige mais qu’il ne peut trouver en l’homme.
Les prophètes, parlant de la part de Dieu, se sont efforcés de ramener le peuple à l’observation de la loi, à l’obéissance aux commandements ; ils se sont adressés au cœur tout autant qu’à la conscience des fils d’Israël, mais en vain. Dans un temps futur, Dieu écrira lui-même ses commandements et ses lois sur le cœur des fidèlesHébreux 8. 10, 11 ; 10. 16. L’amour sera enfin la clef de leur connaissance de Dieu et de leur obéissance.
Il en est de même pour le croyant aujourd’hui ; en rappelant la citation du Lévitique, l’apôtre Paul peut conclure : “L’amour ne fait point de mal au prochain ; l’amour donc est la somme de la loi” Romains 13. 9, 10. Mais auparavant, l’apôtre enseigne que Dieu ne demande plus, mais il donne. L’amour de Dieu est versé par l’Esprit Saint dans le cœur du croyant ; il est rendu capable d’aimer Dieu et son prochainRomains 5. 5 ; 8. 4.
Dans une dernière confrontation avec les pharisiens, c’est Jésus qui pose une question. Elle concerne sa gloire divine ; voudront-ils le reconnaître à la lumière des Écritures, ou préféreront-ils rester dans une ignorance volontaire, qui les met du côté des ennemis ? (verset 44) La question est simple pour ces Juifs lettrés, et la réponse facile : “Que vous semble-t-il du Christ ? De qui est-il fils” ? “De David”. Mais voici une autre question, embarrassante : dans le Psaume 110, David par l’Esprit Saint l’appelle Seigneur ; s’il est son fils, pourquoi l’appelle-t-il Seigneur ?
Le Christ (ou Oint, ou Messie) est bien celui que Dieu a choisi pour régner sur Israël ; selon les promesses faites à David, le Christ devait être de sa descendance, “son fils”. Mais ces gens versés dans les Écritures auraient dû savoir qu’il serait aussi d’origine divine. Le Psaume 2 l’annonçait clairement (verset 7), mais ce psaume prédisait aussi que le Christ serait rejeté, et qu’il détruirait ses ennemis en entrant dans son règne. Le Psaume 110 cité par Jésus le confirme : le Christ est Seigneur de David ; sa séance à la droite de Dieu témoigne de sa nature divine. Il sera élevé dans cette gloire après avoir été rejeté par les hommes ; il détruira ses ennemis en se levant pour venir exercer sa domination universelle. Ces prédictions vont donc à l’encontre des pensées et des espérances de ces hommes orgueilleux, et les jugent.
De plus, d’autres prophéties auraient dû retenir leur attention. Ils avaient cité celle de Michée 5. 1 avec exactitude (2. 6) : l’origine divine du Christ, “dès les jours d’éternité”, y était affirmée. Ils avaient entendu de la bouche du Seigneur cette prophétie d’Ésaïe (61. 1-3) qu’il accomplissait dans ses paroles et dans ses œuvresLuc 4. 18-21. Ils devaient savoir aussi par Daniel le prophèteDaniel 9. 25, 26 que le Christ, “le Messie, le prince”, serait retranché de son peuple 69 semaines d’années (483 ans) après la reconstruction de Jérusalem ; ce temps était maintenant écoulé.
Ces gens fiers de leur culture religieuse ne peuvent pas répondre un seul mot à la question de Jésus. Ils ne souhaitent pas non plus de réponse de sa part, car ils sentent bien qu’elle risque de les condamner. Seule la foi a pu discerner dans la personne qui est devant eux “Jésus qui est appelé Christ” (1. 16) Jean 1. 42 ; 4. 25, 29. Seule une foi enseignée de Dieu a pu déclarer avec force : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant” (16. 16). Aujourd’hui encore, les hommes qui raisonnent reconnaissent dans une certaine mesure la sagesse et la vérité de Dieu dans la personne de Jésus, mais il leur manque le discernement de la foi. Ils s’abstiennent d’approfondir la révélation divine, car cette lumière de Dieu ne manque pas de mettre au jour le véritable état du cœur.
Jésus a donc successivement fermé la bouche à ces trois sectes juives (versets 16, 23, 41). Le peuple est sous l’emprise de mauvais bergersZacharie 11. 5, 8 qui conduisent Israël à la ruine. Jésus va maintenant les démasquer devant les foules (23. 2-35).