Pierre semblait attendre de son Maître une reconnaissance à la mesure de son renoncement et de sa fidélité (19. 27). Jésus lui a répondu qu’il peut lui faire confiance sur ce point ; mais il va maintenant lui montrer que la seule mesure qui a cours dans le royaume des cieux, c’est celle de la grâce souveraine du Seigneur. Pour illustrer cette affirmation, Jésus se sert d’une image familière aux disciples : celle de la vigne. L’Éternel avait comparé son peuple à une vigne dont il avait pris soinÉsaïe 5. 1-7. C’est avec la même attention que le maître de maison a les yeux sur sa vigne actuelle, c’est-à-dire le domaine où son autorité est reconnue et où les ouvriers sont à son service. Dès le point du jour, dès le commencement du christianisme, il a appelé des ouvriers dans ce champ de travail ; il le fait encore à la onzième heure, celle qui précède son retour.
Les premiers, dans la parabole, sont engagés sur la base d’un accord réciproque : le prix de la journée de travail est évalué à un denier ; ce salaire convenu par le maître est accepté par les ouvriers. Mais travailler comme un mercenaire pour un salaire n’est pas l’état d’esprit qui convient au royaume des cieux ; nous le verrons plus loin (verset 11). Israël s’était engagé de cette manière lors de la première alliance : il avait accepté de se soumettre à la loi, d’accomplir des œuvres pour obtenir les bénédictions promises par l’Éternel. Il en est résulté beaucoup de murmures et d’infidélités, puis une faillite totale. De la même manière, Dieu ne nous fera pas entrer dans les bénédictions éternelles en vertu d’œuvres méritoires, mais de sa grâce qui justifie gratuitementRomains 4. 4, 5 ; Tite 3. 5. En conséquence, le croyant accomplit son service sur la terre avec reconnaissance, dans la conscience de la grâce imméritée de Dieu.
Le maître de maison sort à nouveau vers les troisième, sixième et neuvième heures (vers neuf heures, midi, quinze heures). Il voit des hommes qui se tiennent sur la place du marché à ne rien faire. Il les appelle à venir travailler dans la vigne ; ils compteront sur sa juste appréciation pour la rémunération de leur travail. Dans l’histoire du royaume des cieux, Israël a été invité à entrer en prioritéActes 2. 39 ; puis l’appel est parvenu à toutes les nationsActes 13. 46, 47. Elles sont comme sur la place du marché, occupées du trafic de ce monde ; les hommes gaspillent ainsi leur temps et leur vie. Jour après jour, heure après heure, Jésus appelle hors du monde ceux qui entendent sa voix ; ils peuvent devenir des serviteurs utiles au maître2 Timothée 2. 21. Ils travaillent non pour ce monde qui s’en va, mais pour celui qui est éternel. De tels ouvriers ne s’inquiètent pas de ce que sera leur salaire, ni ne cherchent à évaluer leurs mérites ; ils ont foi en la parole du maître qui donnera ce qu’il estimera être juste (versets 4, 7).
Le maître sort à l’heure ultime ; il appelle avec persévérance à entrer dans son royaume. Il trouve encore, à la fin du jour, des hommes qui se tiennent là ; ils ont perdu leur temps jusqu’ici. Ils n’ont pas opposé de refus obstiné, mais personne ne les a engagés. Ce dernier appel manifeste avant tout la grâce du Seigneur, qui ouvre la porte du royaume à tous ceux qui voudront entendre sa voix ; la dernière heure a certainement sonné aujourd’hui.
Il appelle aussi à la onzième heure de leur vie ceux qui ne sont pas encore entrés. Le brigand converti sur sa croix aura sa place dans le royaumeLuc 23. 42, 43 ; y a-t-il démonstration plus merveilleuse de la grâce de Dieu ? Mais quel sera son salaire, dirons-nous, car il n’a pas eu le temps de travailler ? Laissons au Maître le soin de lui donner ce qui est juste (verset 7). Il a témoigné, à la face du monde entier tourné contre Jésus, que celui que les hommes crucifiaient était juste, qu’il était le Seigneur de gloire.
Le soir venu, chaque ouvrier reçoit son salaire, et les derniers sont les premiers à le recevoir. De plus, leur rémunération est identique à celle des travailleurs du jour entier. Le maître est-il injuste ? Certainement pas ; il donne aux premiers ce qui a été convenu. Pourquoi murmurent-ils ? Parce qu’ils pensent avoir mérité beaucoup plus que les derniers. Le Seigneur nous enseigne cette grande leçon : dans le royaume de Dieu, la récompense n’est jamais un droit. Tous ceux qui ont travaillé sont des esclaves inutilesLuc 17. 10, dont le Maître aurait pu se passer ; personne ne mérite rien. Tout service accompli pour lui est une grâce qu’il accorde, et sa valeur sera estimée selon sa divine appréciation, non pas selon l’échelle des hommes.
Dans la parabole, les premiers engagés reflètent l’esprit du monde ; les hommes ne sont jamais satisfaits de leur salaire, et regardent toujours à celui du voisin ; ils trouvent leur travail et leurs mérites mal récompensés. Soyons dans l’esprit du Maître, qui est bon ; il accorde ses faveurs selon les richesses de sa grâce à ceux qui n’ont aucun mérite, mais qui acceptent tout de sa main avec reconnaissance1. C’est dans cet esprit que travaillent ceux qui seront les premiers ; ils ont conscience d’avoir été choisis et appelés selon l’élection de la grâce (verset 16) 2Romains 11. 5, 6.