“En ce temps-là” (verset 1 ; 11. 25), le Seigneur est déjà rejeté de son peuple, et principalement des pharisiens qui cherchent à le faire mourir (verset 14). En plusieurs occasions, ils l’accusent de transgresser la loi en violant le sabbat.
Les disciples passent avec Jésus le long d’un champ de blé, arrachent quelques épis (ce que la loi permettait de faire) Deutéronome 23. 26, et mangent les grains pour calmer leur faim. Les pharisiens ne peuvent contester cette ordonnance, mais ils reprochent à Jésus de laisser ses disciples prendre ces quelques épis un jour de sabbat. Ils avaient fait de ce jour de repos et de liberté, un jour d’esclavage et de restriction. Le Seigneur ne relève pas l’indignité de leur reproche ; mais il les conduit dans la lumière des Écritures dont ils se réclament, en donnant deux exemples :
En fait, Dieu avait institué le sabbat pour faire entrer son peuple en esprit dans son repos, celui dont il avait joui après les six jours de la création, et qu’il avait maintenant en vue pour le temps futur du “rétablissement de toutes choses”. Le sabbat était donc, pour ce peuple, une bénédiction dont il ne pouvait jouir que dans d’étroites relations morales avec Dieu. C’est pourquoi Jésus cite à nouveau ce verset : “Je veux miséricorde et non pas sacrifice” (verset 7 ; 9. 13). La religion des ordonnances et des sacrifices, des seules formes religieuses, empêchait ces pharisiens d’apprécier la miséricorde divine et de l’exercer eux-mêmes ; elle fermait leurs cœurs et les conduisait à condamner des innocents. Elle les rendait également incapables de discerner la divinité de celui qui était plus grand que le temple (verset 6).
C’est pourquoi Jésus va plus loin encore : “Le Fils de l’homme est seigneur du sabbat” (verset 8). Il se présente non plus comme le Messie, qu’ils ne veulent pas reconnaître sous ce caractère de grâce et d’humiliation, mais comme le Fils de l’homme. A ce titre, il est seigneur du sabbat : il en fait ce que bon lui semble car c’est lui-même qui l’a institué ; il ferme ainsi la bouche à ceux qui prétendent lui en imposer le respect. Il montre aussi la vanité de ce système judaïque : l’ancienne alliance, dont le sabbat (jour de repos) était le sceau, ne répondait plus à la pensée initiale de Dieu. Jésus travaille désormaisJean 5. 16, 17 en vue de délivrer l’homme du fardeau du péché et de ses conséquences ; le sabbat est un jour de choix pour cela (verset 12). Le désir du Seigneur est d’introduire ceux qu’il délivre dans le vrai repos de Dieu, non plus celui qu’il exige (le sabbat) mais celui qu’il donne.
Jésus vient alors dans leur synagogue, pour finir de les confondre en les plaçant devant leur dureté de cœur. Un homme est là ; il a la main sèche. Cette infirmité symbolise l’incapacité de l’homme naturel à servir Dieu. Les pharisiens osent alors demander à Jésus : “Est-il permis de guérir le jour du sabbat” ? Ces hommes insensibles auraient-ils posé cette question s’ils avaient eu la main sèche ?
Jésus leur donne l’exemple d’un homme pauvre possédant “une seule brebis”, et qui ne s’inquiétera pas, pour la sauver de la fosse, de savoir si c’est jour de sabbat ou non. Jésus était venu pour “faire du bien” les sept jours de la semaine (verset 12). Si ces pharisiens plaçaient leur religion au-dessus de la miséricorde et de la compassion, c’est qu’ils ignoraient l’esprit de la loi ; de plus, ils ne se savaient pas atteints d’un mal terrible que Jésus seul pouvait guérir. Par contraste, cet infirme sait qu’il a besoin de Jésus. Il est en présence de celui qui peut le délivrer de sa misère. Il s’empresse d’obéir à sa parole : “Étends ta main” ; il l’étend, et elle est rendue saine. Voilà un homme heureux ! Nous le serons aussi si nous faisons confiance à celui qui seul peut nous guérir de nos infirmitésPsaume 103. 3.
La pleine manifestation de la bonté et de la puissance du Seigneur ne fait qu’attiser la haine de ces hommes iniques. Leur seul souci est de le faire mourir. Jésus leur dira en d’autres circonstances : “Je vous ai fait voir plusieurs bonnes œuvres de la part de mon Père : pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous” ? Jean 10. 32 Cependant Jésus ne se laisse pas arrêter par leurs complots ; il poursuit son œuvre. Qui peut limiter l’amour du Sauveur ? Refoulé par les uns, il se déverse d’autant plus sur d’autres (verset 15).
Toutefois, le Seigneur défend expressément à ceux qu’il guérit de rendre son nom public ; il était venu pour servir (verset 18). En lui s’accomplissait d’une manière admirable la prophétie d’Ésaïe, qui annonçait le ministère du vrai serviteur de l’Éternel prenant la place d’Israël infidèle. Au jour du mépris et de l’opprobre, quelle consolation pour le Seigneur de savoir que Dieu l’avait choisi parce qu’il l’aimait et qu’il trouvait son plaisir en lui ; il en avait déjà rendu témoignage au baptême du Jourdain (3. 17). L’évangéliste accentue la touchante parole du prophète en y ajoutant l’expression : “mon bien-aimé”.
Le Seigneur, citant le même prophète dans la synagogue de Nazareth, avait déjà pu dire : “L’Esprit du Seigneur est sur moi” Luc 4. 18, puis il avait résumé toute la grâce de son service. Ici, le jugement est annoncé, mais il ne sera exécuté que bien plus tard (versets 18, 20). Jésus n’était pas venu pour juger le monde, mais pour le sauverJean 3. 17. Dans le présent il se faisait reconnaître, par son esprit d’humilité et de douceur (verset 19 ; 11. 29), comme le serviteur annoncé par le prophète. Lui qui connaissait le cœur des hommes ne contestait pas avec eux ; il lui aurait pourtant suffi d’une parole pour les confondre et les anéantir. Il ne faisait pas valoir ses droits au trône de David en brisant ce roseau froissé qu’était devenu Israël, mais il cachait sa gloire derrière le voile de son humiliation. Il était la lumière du monde, mais il permettait malgré tout à quelques humbles témoins (“un lumignon”) de se manifester.
Ce ministère se perpétue jusqu’au but final : “jusqu’à ce qu’il ait produit en victoire le jugement” Psaume 110. 1-3. Les nations ne seront pas oubliées en ce jour-là ; son grand salut parviendra jusqu’au bout de la terre, au jour de la restauration d’IsraëlÉsaïe 49. 6. Aussi son service va-t-il désormais en porter la marque (13. 1), et le champ de l’évangile s’élargir jusqu’aux nations.