Le passage considéré maintenant ne s’applique pas aux notions d’hygiène que nous respectons communément. Il est évident que des mains sales ne sont pas aptes à servir la nourriture. Le contexte de ces versets démontre qu’il est question du rituel de purification en usage parmi les Juifs. Ceux-ci s’estimaient souillés moralement après avoir eu contact avec une chose ou une personne dont ils ne connaissaient pas les origines. Cette souillure leur tenait à cœur, aussi étaient-ils à l’affût de tout ce qui ne correspondait pas à leurs normes de pureté. S’ils avaient lu en entier le passage d’Aggée concernant la transmission de la souillure, ils auraient compris que tout était souilléAggée 2. 11-14, et que leur lavage n’était quand même pas suffisant. Nous savons que le sang de Jésus seul peut purifier de tout péché1 Jean 1. 7.
Ayant négligé de se conformer à l’usage, les disciples sont blâmés par les pharisiens et les scribes. Ceux-ci s’adressent au Seigneur dans le but de le condamner, allant ainsi plus loin que ce que nous avons vu au chapitre 2 où ils s’adressent aux disciples, n’osant pas blâmer le Maître. Leur question démontre la pensée de leur cœur, la tradition des anciens ayant pour eux une valeur supérieure à toute autre considération.
La réflexion des pharisiens sur la tradition des anciens amène le Seigneur à donner son appréciation sur le sujet des traditions. Citant Ésaïe 29, il dénonce avec vigueur le traditionalisme juif, allant même jusqu’à dire : “Vous annulez bien le commandement de Dieu, afin de garder votre tradition” (verset 9). Ces paroles ne s’appliquent pas seulement au cas pour lequel elles ont été prononcées, car le Seigneur ajoute : “Et vous faites beaucoup de choses semblables” (verset 13).
Les Juifs sont-ils les seuls à s’attacher à la tradition des pères ? Non, l’Église chrétienne aussi est tombée dans le piège, et même souvent ceux qui disent ne s’attacher qu’à la seule parole de Dieu. Cette tendance au traditionalisme est éminemment humaine, car on se sécurise volontiers en se conformant aux coutumes. Vient-il alors quelqu’un d’un autre horizon qui n’a pas des habitudes semblables, il risque d’être suspecté, voire remis au pas. Ce n’est pas ainsi que la parole de Dieu nous exhorte à recevoir “comme… Christ vous a reçus, à la gloire de Dieu” Romains 15. 7. Ne pensons pas cependant que les coutumes soient mauvaises par elles-mêmes, et craignons de les renverser inutilement. Recherchons avec soin les enseignements de la Parole qui y ont donné naissance, mais n’en faisons pas des traditions intangibles qui détournent de la simple obéissance à la parole de Dieu.
Après la citation du commandement concernant l’obéissance aux parents (verset 10), le Seigneur démontre comment un des éléments de leur tradition s’oppose à la loi. Ce seul exemple suffit déjà pour mettre en évidence l’aspect moral de la loi. L’état du cœur est plus important que l’acte, c’est pourquoi ce serait mépriser ses parents que d’estimer comme un don1 tout service pouvant leur être rendu.
Revenant à l’objet initial de l’intervention des pharisiens, le Seigneur donne un enseignement à l’adresse de la foule entière. La véritable souillure qui rend l’homme impur pour Dieu, ce n’est pas tant ce qu’il touche ni ce qu’il consomme, mais ce qu’il produit. S’il s’agit de nourriture ou de boisson, il n’y a rien qui puisse le souiller moralement en entrant dans son ventre (verset 15), mais cela ne signifie pas qu’on ne puisse pas être intoxiqué en mangeant un aliment vénéneux. Encore ici, il s’agit d’impuretés morales ou religieuses, et non pas d’hygiène alimentaire. L’apôtre Paul dira à deux reprises : “Toutes choses… sont permises, mais toutes choses ne sont pas avantageuses” 1 Corinthiens 6. 12 ; 10. 23 et : “Rien n’est souillé par soi-même” Romains 14. 14. La “loi cérémonielle” n’est plus notre règle de conduite. Ce qui compte, c’est la signification morale qui ressort de cette loi. Or il est plus facile d’observer, même avec rigueur, les plus petits détails de la loi cérémonielle que de reconnaître la souillure morale qui imprègne la nature humaine. C’est bien cette souillure-là que mentionne le Seigneur quand il énumère ce qui sort du cœur de l’homme. Puissions-nous avoir des oreilles ouvertes pour l’entendre (verset 16).
La liste des versets 21 et 22 dresse un tableau bien sombre de ce que contient le cœur humain. Remarquons qu’il n’y a pas de classification dans les éléments mentionnés : l’œil méchant et les mauvaises pensées sont au même niveau que les adultères et les meurtres.