En suivant en pensée cette petite troupe qui sort de la ville et traverse le torrent du Cédron, ne sommes-nous pas saisis d’une forte émotion ? Pour notre Sauveur, c’était plus que de l’émotion : “Il commença à être saisi d’effroi et fort angoissé. Et il leur dit : Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort” (versets 33, 34). De telles expressions sont insondables, elles échappent à toute analyse, car elles se trouvent dans la bouche de Jésus Christ, Fils de Dieu, devenu homme pour pouvoir souffrir et mourir. Nous restons à distance, dans le silence et l’adoration1.
La narration des évangiles est sobre, preuve que les faits relatés sont insondables. Quelques expressions du psaume 18 nous permettent d’entrer un peu mieux dans “la communion de ses souffrances” Philippiens 3. 10 : “Les cordeaux de la mort m’ont environné, et les torrents de Bélial m’ont fait peur ; les cordeaux du shéol m’ont entouré, les filets de la mort m’ont surpris” Psaume 18. 5, 6. L’épître aux Hébreux révèle aussi la face cachée de ce combat de Gethsémané : “Le Christ… durant les jours de sa chair, ayant offert, avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort…” Hébreux 5. 5, 7
Ce n’était pas encore la croix, mais son anticipation, et Jésus voyait à l’avance cette heure terrible où la face de son Dieu allait lui être cachée. Satan aurait voulu faire reculer notre Rédempteur, aussi lançait-il contre lui les flots impétueux des “torrents de Bélial”. La sainteté parfaite de Jésus le contraignait à être rempli d’effroi à la pensée de ce qui allait être sa part quand il serait “fait péché pour nous” 2 Corinthiens 5. 21. C’est le mystère de l’amour devant lequel nous nous inclinons dans l’adoration. Comme notre Seigneur a demandé à ses disciples de veiller, même de veiller avec lui, selon MatthieuMatthieu 26. 38, il nous est demandé à nous aussi de nous arrêter un moment pour essayer de comprendre un peu la douleur de notre adorable Sauveur. Soyons saisis d’une sainte émotion en contemplant cette scène unique. Quand l’heure de la croix approchera, il y aura des moments plus impénétrables encore où le silence sera la seule attitude convenable.
Au désert, pour résister à la tentation, le Seigneur a utilisé trois fois l’arme de la Parole. Ici, à Gethsémané, par trois fois aussi, il utilise l’autre arme offensive qu’est la prière. En se servant de la Parole, Jésus s’était adressé directement à Satan, mais en utilisant la prière, il ne s’occupe pas de l’Ennemi ; il n’a affaire qu’à son Père. Voici donc quels sont les moyens à notre portée pour remporter la victoire. Sachons donc les utiliser dans l’humble dépendance qui fut celle de notre Sauveur.
Le Seigneur est allé un peu plus avant, à la distance d’un jet de pierreLuc 22. 41. Il y aura toujours une distance entre le croyant et son Seigneur, même lorsqu’une communion étroite nous unit à lui. A cette distance donc, le Seigneur se jette contre terre dans une intense supplication. Il demande que l’heure de la croix passe loin de lui, mais en ajoutant : “s’il était possible”. Il savait pourtant que cela n’était pas possible, car comment le pardon aurait-il pu être accordé au pécheur ? Les termes même de la prière de Jésus sont remarquables : “Abba, Père, toutes choses te sont possibles ; fais passer cette coupe loin de moi ; toutefois non pas ce que je veux, moi, mais ce que tu veux, toi !” (verset 36). Contentons-nous de souligner chacune de ces expressions :
Revenant vers ses trois disciples, Jésus les trouve endormis. Luc précise “endormis de tristesse” Luc 22. 45. S’adressant plus spécialement à Pierre, le Seigneur lui dit avec grâce : “Tu n’as pas pu veiller une heure ?” (verset 37). Cela n’aurait-il pas dû l’avertir encore au sujet de sa prétention à vouloir suivre Jésus jusqu’à la mort ? Mais le Seigneur savait tout à l’avance, et il avait déjà prévu le plan de son rétablissement. Par trois fois, Jésus répète sa supplication à son Père, par trois fois il trouve ses disciples endormis. Il était vraiment seul en ces moments d’intense douleur. Il avait demandé aux siens de veiller avec lui, mais ils n’ont pas pu. Ainsi se réalise la parole prophétique : “J’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y a eu personne… et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé” Psaume 69. 21.