Tandis que l’évangile selon Luc place l’épisode de Nazareth tout au début du ministère du Seigneur, Marc ne le situe que plus tard. Ne lisons pas la Parole comme une narration chronologique, car nous perdrions de vue le but pour lequel elle nous est donnée. Les commentateurs s’accordent à dire que Marc a suivi les faits dans leur ordre chronologique, tandis que Luc s’est attaché à un ordre moral. Le principal est de découvrir l’enseignement que nous donne la parole de Dieu.
Nul doute que l’enfance et l’adolescence de Jésus n’aient été un témoignage éloquent vis-à-vis de ses proches, mais selon la perfection de son humanité, il n’avait pas devancé son âge pour se faire connaître. Maintenant, le moment était venu pour prendre contact avec les habitants de Nazareth, ce lieu méprisé qui l’avait vu grandirJean 1. 45. C’était son pays, là était sa parenté. Nous avons vu ses proches au chapitre 3, puis sa mère et ses frères, et l’incompréhension qu’ils manifestaient. Maintenant que Jésus est parmi ceux de son pays, quelle sera leur réaction ? Hélas, d’abord étonnés, ils sont ensuite scandalisés en lui. Quelle souffrance pour le cœur de Jésus ! “Il vint chez soi, et les siens ne l’ont pas reçu” Jean 1. 11.
Ici s’intercalent certainement les paroles de Jésus rapportées par Luc, et qui mettent en furie ses auditeursLuc 4. 28. Marc ne rapporte qu’une parole : “Un prophète n’est pas sans honneur, si ce n’est dans son pays et parmi ses parents et dans sa maison” (verset 4) 1. Cette expression, reprise par le langage populaire, montre que si notre témoignage durant la jeunesse a été terni par quelque défaillance, nos auditeurs n’accepteront pas sans réserve notre message. Mais pour Jésus, rien de cela. Quelle est alors la raison qui détermine une telle attitude ? N’est-ce pas l’orgueil et la jalousie ? Si le Seigneur s’était présenté partout comme un citoyen de Nazareth, faisant flotter devant lui le drapeau de sa ville, l’orgueil de ses concitoyens aurait été flatté ; tandis qu’un témoignage qui avait pour seul but de glorifier Dieu son Père dérangeait ceux qui auraient bien voulu tirer profit de leur relation avec un personnage populaire. Mais Jésus n’avait rien à faire avec de tels sentiments.
Laissant les siens avec tristesse et s’étonnant de leur incrédulité, le Seigneur ne peut faire là aucun miracle, sinon imposer les mains à un petit nombre d’infirmes et les guérir. En effet, il ne fallait pas que l’incrédulité du grand nombre porte préjudice à ces quelques infirmes, car la grâce se plaît à surabonder là où le péché abonde. Le Seigneur ne se lasse pas et continue son service en visitant les villages d’alentour.
Le Seigneur avait choisi ses douze disciples pour être avec lui et pour les envoyer prêcher (3. 14). Le moment est donc venu pour que ce service leur soit confié. Les disciples avaient suivi Jésus et avaient vu sa puissance. Ils avaient aussi entendu ses enseignements et avaient pu constater l’opposition qui se formait contre lui. Mais pour servir, il faut encore plus : “Il leur donna autorité…” (verset 7). Des instructions précises leur sont aussi laissées pour affronter les dangers inévitables qu’ils rencontreront.
L’absence de provisions, qui est demandée aux disciples, doit les conduire à vivre de foi. Ils dépendent de ce qui leur est donné par l’effet de la grâce de Dieu. C’est un principe juste, mais dont l’application est liée aux circonstances du moment. Il en était ainsi quand le Seigneur était sur la terre, car le peuple était responsable de recevoir et de nourrir les serviteurs du Messie. Avant de quitter les siens, Jésus dit à ceux qui sont dorénavant les témoins d’un Christ rejeté de prendre une bourse ou un sacLuc 22. 36. La foi et la dépendance demeurent nécessaires sans empêcher la prudence la plus élémentaire. Cette première expérience des apôtres leur aura été bénéfique en vue du service futur ; mais pas pour tous. En effet, Judas était parmi eux, lui dont le cœur restait insensible à l’amour du Sauveur. C’est l’exemple tragique de ceux qui supplieront un jour : “Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et n’avons-nous pas chassé des démons en ton nom, et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ?” Ils devront entendre le Seigneur leur dire : “Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui pratiquez l’iniquité” Matthieu 7. 22, 23.
Suivant les instructions du Seigneur, les douze accomplissent donc leur mission dans toute la contrée. Reçus par les uns et non par les autres, les disciples prêchent la repentance et guérissent les malades grâce au pouvoir qui leur a été donné. Ce témoignage se répand partout, c’est le témoignage du nom de Jésus. Les disciples étant les ministres du Messie, les recevoir c’était recevoir Jésus lui-même. Ceux qui les refusaient attiraient un jugement sur eux-mêmes. Plus tard, par la puissance de l’Esprit Saint, ce témoignage concernera le pardon divin et sera plus efficace encore ; la terre entière en bénéficiera.
Le nom de Jésus était devenu public, en particulier à la suite de la mission des apôtres. En apprenant que la foule attribue ces miracles à quelque prophète ressuscité, aussitôt Hérode en est troublé, sa conscience lui rappelant ses actes, et surtout le meurtre de Jean-Baptiste. Si vraiment Jean est ressuscité, que vais-je devenir ? Jean avait dû blâmer la conduite perverse d’Hérode ; c’est pourquoi il avait été mis en prison, puis décapité. Effrayé à juste raison, Hérode ne se repent pas pour autant, hélas ! Cet homme, fils du sanguinaire Hérode le grand qui a fait massacrer les enfants de Bethléem, ne diffère que fort peu de son père.
L’épisode relaté dans ces versets se situe quelque temps en arrière et il n’est mentionné que pour expliciter le trouble qui saisit le roi Hérode. Ayant donc eu l’occasion de rencontrer Jean-Baptiste à plusieurs reprises, Hérode n’était pas ignorant de la volonté de Dieu. Homme au caractère faible, il agit à l’instigation de sa femme, véritable résurgence de “Jésabel” neuf cents ans après. Cette tragédie présente plusieurs avertissements.
Notons d’abord le processus selon lequel le meurtre s’accomplit. Une fête mondaine est organisée, peut-être avec des boissons alcoolisées consommées en abondance, puis la danse d’une jeune fille fait perdre le bon sens au roi. Des paroles légères, accompagnées d’un serment insensé, en sont le résultat final. L’orgueil de celui qui ne veut pas perdre la face devant sa cour et la haine perfide d’Hérodias, se conjuguent pour conduire au meurtre de Jean-Baptiste.
Le Seigneur avait dit de Jean-Baptiste, en une autre occasion, qu’il était le plus grand des prophètesLuc 7. 28. Jean s’intitulait lui-même l’ami de l’époux et se réjouissait de constater comment les cœurs des fidèles s’attachaient à JésusJean 3. 29. Il est mort en martyr, il ressuscitera en gloire et sera bien proche de Jésus au jour des noces de l’AgneauApocalypse 19. 9.