Dieu se nomme le Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob. Il s’est révélé à eux d’une manière directe, a établi son alliance avec eux, et les relations intimes de ces patriarches avec l’Éternel les conduisent à un culte familial de génération en génération. Le chef de famille est reconnu par Dieu dans ses fonctions de sacrificateur et de prophète, comme nous le voyons déjà en Noé.
Dans ce chapitre, Isaac pense que le moment est venu de transmettre à son fils premier-né la bénédiction prophétique. Mais l’homme est aveugle, et sa vision spirituelle est également sérieusement obscurcie.
Isaac s’apprête donc à bénir Ésaü, alors que la souveraineté de Dieu avait désigné Jacob comme l’élu, dès avant sa naissance, en vue des bénédictions divines. Son père sait aussi qu’Ésaü a méprisé son droit d’aînesse et l’a vendu, qu’il ne vit que pour la terre, qu’il s’est uni à deux filles idolâtres. Il est affligeant de constater que la satisfaction de ses sentiments et de ses goûts naturels passe avant l’état moral de son enfant, et il se met en devoir de bénir celui que l’Éternel a réprouvé.
Combien de parents croyants se satisfont des qualités naturelles ou de la prospérité d’un enfant par ailleurs indifférent aux choses de Dieu. Ils savent pourtant qu’une seule chose compte : la bénédiction qui vient du Seigneur, en faveur de ceux qui lui appartiennent. Ainsi il convient, dans le cercle de famille comme dans la famille de la foi, que les liens soient formés et maintenus avant tout par ce qui est spirituel.
Maintenant Isaac n’a plus les sens exercés pour discerner la volonté de Dieu, pour juger entre ce qui est saint et ce qui est profane, à cause de sa préférence coupable et de sa gourmandise. Plus grave encore, il pense obtenir une inspiration particulière en faisant bonne chère et en usant de vin comme de boisson forte (verset 25), ce que l’Éternel interdira à ceux qui devront s’approcher de luiLévitique 10. 9-11 ; Éphésiens 5. 18, 19.
Rebecca a entendu, et compris la gravité du moment. Isaac est sur le point d’agir à l’encontre de la parole de Dieu dont elle a été la première dépositaire. Il serait bien normal qu’elle lui soit en aide en lui rappelant le propos divin. Mais aujourd’hui, le manque de communion spirituelle entre les deux époux (conséquence de leurs préférences naturelles au sujet de leurs enfants, et peut-être du reniement d’Isaac au chapitre précédent), conduit Rebecca à user d’un surprenant stratagème. Elle discerne la souveraineté de Dieu dans le choix de son fils préféré, mais la dénie en intervenant à sa manière. Rebecca reste marquée par son caractère de famille, tout autant que par une foi sincère. Celle-ci lui avait donné la force de tout quitter à l’appel de Dieu, mais le caractère astucieux et trompeur des descendants de Nakhor n’est pas bridé chez elle, et ne le sera pas non plus chez son digne fils Jacob.
Soyons en garde contre nos mauvaises tendances : irritabilité, ruse, cupidité, vanité, manque d’énergie. Nous les voyons se reproduire à notre honte chez nos enfants qui nous ressemblent ; nous ne pouvons les réprimer chez eux que dans la mesure où nous les maîtrisons nous-mêmes en toute vigilance.
Ce que vont rechercher Rebecca et Jacob est certes une chose excellente, que Dieu leur aurait accordée de toute manière. Cependant, la fin ne justifie pas les moyens qu’ils vont employer. Dieu permettra la réussite de leurs plans, mais les sanctionnera ensuite par une vie semée d’épreuves, de peines et de chagrin.
Considérons cette mère qui commande à son fils à plusieurs reprises d’écouter sa voix plutôt que celle de l’Éternel ; elle est prête à prendre sur elle la malédiction que son fils risque d’encourir, et étouffe la voix de sa conscience (verset 12). Par sa naïve mise en scène, elle le poussera par trois fois au mensonge (versets 19, 20, 24). Mais Jacob est aussi pleinement responsable, et récoltera ce qu’il sème. Il sera lui aussi douloureusement trompé par Laban son beau-père, et par ses propres fils.
Le mensonge est haïssable pour le Dieu de vérité. Si la conscience des croyants a été peu exercée à cet égard dans les temps du support de DieuRomains 3. 25, il n’est pas concevable qu’un enfant de Dieu dans le temps actuel puisse mentir et tromper, sans mesurer l’offense faite à Dieu par une telle pratiqueÉphésiens 4. 25 ; Colossiens 3. 9.
Isaac, malgré tout, accorde sans le savoir une bénédiction qui revient bien à Jacob, et à Israël à sa suite ; elle se rapporte à une prospérité et un héritage terrestres. C’est la part d’Israël qui sera comme un premier-né pour DieuExode 4. 22 ; et la bénédiction des ancêtres (12. 3) reposera à travers Jacob (verset 29) puis Joseph (figure de Christ) Genèse 49. 26, sur l’Israël futurNombres 23. 20 ; 24. 9.
Ici, Isaac s’exprime par la foi ; c’est le seul acte de foi de ce patriarche qui soit relevé par l’Esprit SaintHébreux 11. 20. Malgré son inconduite, il ouvre sa bouche non seulement comme oracle de Dieu, mais comme quelqu’un qui se tient devant lui. Il parle comme un homme qui, par la foi, dispose de tous les trésors de Dieu. Et cette foi lui dictera les paroles de bénédiction convenables pour Jacob et pour Ésaü “à l’égard des choses à venir”.
La venue d’Ésaü fait soudain prendre conscience au patriarche qu’il s’est conduit d’une misérable manière tout en prononçant une remarquable prophétie. Si la foi parle, la conscience aussi. Isaac est saisi d’un grand tremblement, non pas par colère ou dans la stupéfaction d’avoir été trompé, mais en réalisant avec effroi le danger auquel la grâce de Dieu vient de le faire échapper. Il prononce alors la plus belle parole de ce chapitre : “Je l’ai béni : aussi il sera béni”, parole souveraine, comme l’est la pensée de Dieu à l’égard de Jacob et d’IsraëlNombres 22. 12 ; 23. 20, 23. La foi triomphe enfin de la nature et s’élève au-dessus de sa défaillance ; ce ne sont pas les pleurs et les supplications d’Ésaü son fils préféré, qui le feront se repentirHébreux 12. 17.
Mais pourquoi Ésaü, dont nous avons vu précédemment la conduite profane et méprisable à l’égard des choses sacrées, tombe-t-il dans une désolation extrême lorsqu’il voit la bénédiction s’enfuir ? Parce qu’il la voulait sans désirer connaître l’Éternel qui bénit, sans désirer lui obéir. Il la convoitait en vue d’une vie prospère sur la terre puisqu’il s’en allait mourir (25. 32), et il pensait en hériter de cette manière.
Dieu lui accorde alors par la bouche d’Isaac tout ce qu’un profane peut recevoir dans sa descendance, et qui sera réalisé2 Samuel 8. 14 ; 2 Chroniques 21. 8. Mais en tout cela, comme pour Ismaël, il n’y a rien pour le ciel, rien pour Dieu. La vraie bénédiction qu’il demande en tant que premier-né, il ne l’aura pas car il l’avait rejetée précédemment, et il est “rejeté” à son tour ; Isaac ne reviendra pas sur les bénédictions accordées ; il ne changera pas de disposition à l’égard d’Ésaü.
Aujourd’hui beaucoup de chrétiens de nom, mais profanes comme Ésaü, pensent hériter de la bénédiction divine sans la foi. Ils se confient en une religion de formes et de traditions bien souvent limitées à quelques cérémonies religieuses, à l’occasion des fêtes, du baptême, du mariage, du décès. Ils mêleront un jour leurs larmes à celles d’Ésaü parce que, comme lui, ils auront méprisé leurs privilègesMatthieu 8. 12.
Au verset 41, Ésaü se dévoile, de même que Caïn en son jour. L’homme religieux devient meurtrier, au moins en puissance. Nous ne voyons de repentance ni chez les uns ni chez les autres, dans cette famille ; Rebecca et Jacob imaginent simplement un moyen d’échapper à la colère d’Ésaü. C’est encore la voix de sa mère que le fils va écouter ; elle le conduira dans un long chemin de discipline, et Rebecca elle-même sera privée à jamais de son enfant bien-aimé. Cependant, dans le dernier verset de ce chapitre, Rebecca fait part à Isaac de son angoisse à la pensée que Jacob aussi puisse épouser une fille de Heth. C’est là, en un trait lumineux, un remarquable aperçu de la foi de Rebecca avant sa disparition de la scène. Elle avait appris par expérience ce que valaient ces femmes idolâtres. Ces filles de Heth avaient sans doute cherché à introduire dans la famille d’Isaac les mœurs de ces nations païennes condamnées par l’Éternel. C’était ruiner le témoignage que le Dieu de gloire avait confié à cette lignée mise à part, et Rebecca en sentait l’opprobre apparemment plus qu’Isaac.
Courber la tête dans l’affliction et l’humiliation dans de telles circonstances, et chercher à sauver ce qui peut l’être, sera toujours à l’honneur d’un croyant. Jacob ne prendra pas de femme parmi les filles du pays. En réponse au vœu de Rebecca, formulé dans la douleur mais dans une foi réelle, le Dieu de miséricorde fera trouver à Jacob, le fils bien-aimé, une noble épouse pour son cœur, Rachel qu’il aimera.