Ce chapitre constitue le sommet de la vie de foi d’Abraham. Il révèle de plus un enseignement fondamental de l’Écriture, car bien des siècles avant la croix, Dieu nous fait entrer dans ce que sera pour lui le sacrifice de son Fils bien-aimé.
Abraham est mis à l’épreuve “après ces choses”. Nous avons vu de quelle manière le cœur d’Abraham et sa maison ont été purifiés. Dieu va pouvoir éprouver la foi du patriarche, pour en tirer gloire par des rappels dans l’Écriture. Cette épreuve n’est pas introduite par des circonstances extérieures comme précédemment, mais elle est décidée par Dieu. Il honore son serviteur, en le faisant passer par une fournaise qui affinera sa foi et le verra sortir triomphant. Abraham va montrer qu’il ne s’appuie pas sur les bénédictions que Dieu lui a accordées, si excellentes soient-elles, mais bien sur le souverain donateur ; il sait que celui-ci reste fidèle à ses promesses.
“Abraham” ! – Me voici. Le serviteur est mis en éveil pour écouter l’ordre divin, un ordre qui doit lui transpercer le cœur : il s’agit de sacrifier le fils de sa vieillesse, son unique car Ismaël ne compte plus. Seul subsiste Isaac, dont Dieu avait dit : “En Isaac te sera appelée une semence” Hébreux 11. 18. Cette “parole de promesse” Romains 9. 9 va soutenir sa foi à travers l’épreuve.
Celle-ci est d’autant plus grande qu’Abraham ne doit pas seulement accepter passivement et sans murmures (21. 11, 12) que Dieu lui prenne son enfant bien-aimé, mais il doit lui-même le lui sacrifier dans un acte d’adoration. Un des sens profonds du sacrifice d’Isaac est celui-ci : la réalisation de toutes les promesses de Dieu a pour fondement une victoire sur la mort, par la résurrection ; l’épreuve d’Abraham engage sa foi dans ce chemin-là.
Abraham obéit en toute soumission de cœur. Il n’est pas insensible, et nous pouvons comprendre que ses affections les plus intimes sont comme broyées par cet ordre divin. Mais Dieu l’élève au-dessus des sentiments naturels et l’appelle à l’adoration suprême, l’offrande de l’holocauste, tout entière pour Dieu.
Abraham parcourt cette longue étape, un chemin de trois jours. Il a le temps de se poser des questions, voire de retourner en arrière : la mort, en frappant l’objet des promesses, peut-elle les annuler ? Non, répond sa foi ; si la mort doit faire son œuvre, la puissance de Dieu répondra par la résurrection : “Nous reviendrons vers vous”.
Voir le lieu de loin était le terme de l’étape pour les jeunes hommes. Seuls le père et le fils s’avancent jusqu’au lieu même du sacrifice. Les jeunes gens restent avec l’âne et n’ont aucune part dans l’adoration ; pour adorer, il faut être en communion avec Dieu sur la montagne.
Abraham s’est pourvu de tout le nécessaire pour offrir le sacrifice (verset 6) ; l’agneau seul semble manquer aux yeux d’Isaac, mais la réponse de son père est sereine et rassurante : “Mon fils, Dieu se pourvoira de l’agneau pour l’holocauste”. Quelle que soit la douloureuse réalité du moment, il appartiendra à Dieu de décider. Celui-ci intervient à la minute ultime : “Abraham, Abraham” ! Il retient le bras de son serviteur, car il réserve ce geste pour lui-même, pour le jour du sacrifice de son propre Fils.
Ce qui devait être manifesté l’a été, et pour Dieu c’est suffisant. Abraham a prouvé qu’il n’honorait pas Dieu des lèvres seulement, mais que tout en lui était profonde réalité. Il vient de montrer sa foi par ses œuvresJacques 2. 21-23 ; il donne la preuve ce jour-là d’une “foi parfaite” que Dieu lui avait comptée à justice longtemps auparavant : “Maintenant je sais”, dit celui qui pourtant peut lire dans les cœurs. Il vient de recevoir, de la main d’Abraham, Isaac comme sacrifié, et Abraham, à son tour, reçoit celui-ci de la main divine comme ressuscité, merveilleux prix de la foi. Mais auparavant, Abraham aura ressenti dans son cœur de père, selon la plénitude de la mesure humaine, ce que Dieu lui-même éprouvera dans une mesure infinie, en offrant son Fils unique. Il parvient, dans cette communion avec Dieu, au plus haut point possible en ce temps-là.
Nous allons aujourd’hui plus loin qu’Abraham, car nous sommes parvenus au temps de la pleine révélation du cœur de Dieu. Le parfait sacrifice est celui que Dieu a offert au temps convenable. Le parfait holocauste, c’est Jésus s’offrant lui-même à Dieu sans tache, parfum de bonne odeur pour Dieu. Il n’a pas été conduit, mais a dressé sa face résolument vers le lieu du supplice.
Il avait vu le lieu de loinHébreux 9. 26, mais quand l’accomplissement du temps est venu, il entre dans le monde en disant : “Voici je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté” Hébreux 10. 7. Il revêt un corps formé par Dieu d’une merveilleuse manière. Il suit son chemin de trois jours sur la terre (verset 4) Luc 13. 33 sous le regard du Père, dans une parfaite unité de pensées et de sentiments avec luiJean 8. 16, 29 : “ils allaient les deux ensemble” (versets 6, 8). Quand ils gravissent tous deux seuls la montagne, nous ne pouvons que contempler la scène de loin.
Le sacrifice est accompli dans l’intimité des personnes divines. Le couteau, symbole de la justice en jugement, se lève sans que personne ne retienne le bras divin, et le feu consumant, symbole de la sainteté divine, fera fondre comme de la cire le cœur de celui qui nous a aimés jusqu’à la mortPsaume 22. 15.
A Morija, Abraham a dressé son quatrième autel (21. 19). Les trois premiers trouvent cependant leur sens profond dans celui de cette montagne. Dieu s’engage là sur-le-champ dans une sainte allianceLuc 1. 72, par un serment solennel qui confirme la promesse, “afin que par ces deux choses immuables dans lesquelles il était impossible que Dieu mentît” Hébreux 6. 13-20, Abraham reçoive une bénédiction multipliée, et nous avec lui.
Dieu avait promis une semence nombreuse comme la poussière de la terre et comme les étoiles des cieux. Il ajoute : comme le sable qui est sur le bord de la mer1 Rois. 4. 20. Il anticipe le jour de la suprématie d’Israël et de son roi sur les nations après la destruction de tous les ennemis. Ce sera le thème constant de la louange en Israël, même dans les temps les plus sombresLuc 1. 55, 72-75.
Mais pour l’accomplissement final des promesses divines, il faut que soit suscité “l’héritier de toutes choses” symbolisé ici par Isaac. Alors cette promesse faite au patriarche aura sa parfaite réalisation en Christ lui-même, comme l’Esprit Saint le précise en Galates 3. 16. Toutes les nations de la terre seront bénies en lui, aux jours heureux du règne de notre Seigneur. Israël aurait dû en être la première nation bénéficiaireActes 3. 25, 26, mais elle rejettera le témoignage du Saint Esprit confirmant que Christ mort et ressuscité est la vraie semence pour sa bénédiction. Aussi le royaume terrestre promis sera-t-il reporté à un temps futur.
Abraham, à son retour, porte un regard différent sur toutes choses. Il connaît le Dieu des délivrances ; il vient de recevoir son fils comme d’entre les morts, ce dont sa foi avait la certitude (verset 5). Il lui sera sans doute permis d’entretenir “les jeunes hommes” de ces faits glorieux dans une communion réalisée au puits de Béer-Shéba. Nous aussi, assemblés autour du Seigneur, nous nous souvenons de son sacrifice. Conduits par l’Esprit, nous proclamons ce que Dieu a fait et nous adorons.
Après ces choses encore, la nouvelle de la naissance de Rebecca parvient à Abraham. Son nom est mentionné à la fin de ce chapitre dès qu’Isaac est présenté en figure comme ressuscité ; elle sera l’épouse qui lui est destinée. Christ mort et ressuscité recevra aussi l’épouse qu’il désire, l’Assemblée qu’il a aimée et pour laquelle il s’est livré lui-même.