Un nouveau cas particulier se présentait. Une fois de plus, des Israélites vinrent devant Moïse, Éléazar le sacrificateur et les princes de l’assemblée. Comme pour les filles de Tselophkhad (27. 2), leur demande concernait le pays qui devait leur être donné en possession. Mais les motifs étaient tout autres : loin de réclamer une part dans le pays promis, les fils de Ruben et de Gad venaient demander un héritage en dehors de Canaan !
Ces deux tribus avaient un cheptel abondant – peut-être parce qu’elles n’avaient pas beaucoup offert de sacrifices à l’Éternel, ou encore parce qu’elles avaient été particulièrement bénies par l’Éternel sur le plan matériel. Elles avaient découvert un pays adapté à leurs troupeaux. De plus, c’était bien l’Éternel qui avait permis aux fils d’Israël de conquérir ces territoires (verset 4). Aussi les fils de Ruben et de Gad jugèrent-ils bon de rester dans le pays de Galaad qui était en deçà du Jourdain et ils demandèrent à Moïse l’autorisation – pis encore, la “faveur” – de ne pas passer le fleuve (verset 5) ! Cette faveur consistait à mépriser délibérément une promesse qui remontait à AbrahamGenèse 12. 7.
Pareille situation peut nous advenir. Dieu peut permettre que nous nous enrichissions ; comment allons-nous traverser ce qui est en fait une épreuve pour la foi ? Les biens matériels, s’ils remplissent nos cœurs, peuvent être un des obstacles les plus puissants pour entraver notre vie chrétienne. À l’inverse, les mépriser ou ne pas en être reconnaissants serait aussi répréhensible. La Parole montre quelle doit être la bonne attitude envers les richesses1 Timothée 6. 17-19.
Les deux tribus représentent des croyants dont l’horizon et les objectifs ne sont pas les lieux célestes (Canaan en figure), mais se limitent aux choses terrestres. Ces chrétiens apprécient les soins de Dieu dans leur vie quotidienne, ils sont heureux d’appartenir au peuple de Dieu mais ne s’engagent pas vraiment à la suite de Christ. Ils se distinguent cependant des croyants mondains1 ; toutefois il est certain qu’un croyant terrestre court un grand risque de devenir un croyant mondain.
Le contraste entre la disposition d’esprit des filles de Tselophkhad et celle des deux tribus doit nous servir d’avertissement. Nous pouvons être en danger de sous estimer les vérités que la grâce de Dieu nous a fait connaîtrePhilippiens 3. 14 ; Hébreux 3. 1.
Moïse, en entendant ce discours, reprit vertement les hommes de ces tribus. On le comprend : n’avait-il pas, personnellement, un ardent désir de passer le Jourdain et d’entrer en Canaan, sans pouvoir le faire ? Il fit référence à l’histoire des espions pour leur faire comprendre que si la même incrédulité et la même méfiance les remplissaient, la colère de l’Éternel risquait de s’embraser de la même manière et obligerait le peuple à errer une génération de plus dans le désert.
Le verset 16 est très instructif : ces Israélites s’approchèrent de Moïse et lui parlèrent, témoignant d’un état d’esprit positif et ouvert. Lors de difficultés – majeures ou moindres – une solution pour désamorcer les conflits est de se parler et d’expliquer clairement la situation. Pourtant, à cause de notre amour-propre, nous avons souvent du mal à prendre ce chemin.
Les fils de Ruben et de Gad promirent de ne pas se désolidariser du reste du peuple et d’accompagner les fils d’Israël dans leur combat pour prendre possession de leur héritage.
Moïse accepta cette promesse (versets 20-22) et les déclara innocents, non sans mettre en avant leur responsabilité (verset 23). Dieu ne force personne et ne nous oblige pas à jouir de tout ce qu’il a mis à notre disposition ; mais la perte est à notre détriment. Ainsi la difficulté fut aplanie, sans que cela signifie pour autant que Moïse approuvait leur position.
Tirons-en la leçon suivante : s’approcher pour se parler, se parler pour se comprendre et se comprendre pour mieux s’aimer. Des divergences peuvent subsister, mais le conflit est évité.
Ensuite, Moïse passa la consigne à Éléazar, à Josué et aux chefs (versets 28-30). C’était un exemple de vœu (30. 2-3), un engagement pris devant l’Éternel et ratifié par les chefs des tribus.
Le livre de Josué détaille comment ces deux tribus (et la demi-tribu de Manassé) s’acquittèrent de leur vœuJosué 22. 1-6. Fidèle aux paroles de Moïse, Josué leur confirma leur héritage et les renvoya au-delà du Jourdain. La suite de leur histoire montra malheureusement une décadence rapide. À peine revenues en Galaad, ces deux tribus et demie érigèrent un autel qui fut la source d’un conflit avec les dix tribusJosué 22. 10-12 que Phinées désamorça. Bien plus tard, elles subirent les premières les attaques des rois de Syrie2 Rois 10.32.33 et ce fut par là qu’Israël commença à être entamé.
L’exemple des fils de Ruben et de Gad conduisit une partie de la tribu de Manassé à faire comme eux et à s’installer au nord du pays de Galaad. Deux de leurs chefs appelèrent leurs “terres de leur propre nom” (versets 41, 42) Psaume 49. 12. Voilà, en figure, des croyants bien installés sur la terre. Nos cœurs ne sont-ils pas parfois plus attachés à la terre et aux biens matériels qu’aux lieux célestes et aux bénédictions spirituelles qui s’y trouventÉphésiens 1. 3 ? Méditons sur l’exemple des filles de Tselophkhad et de Moïse et sur le contre-exemple donné par les deux tribus et demie.