Après les plaintes et les murmures du peuple au chapitre précédent, la jalousie et la médisance se développèrent chez deux personnes et non des moindres : Marie et Aaron, la sœur et le frère de Moïse. Il semble qu’ils aient eu un entretien secret dont le prétexte était la femme éthiopienne que Moïse avait prise1, mais dont le motif réel était la jalousie. Apparemment ils étaient fondés à faire des reproches à leur frère car ils étaient tous deux ses aînés ; mais sans doute, au fond, prenaient-ils ombrage du rôle croissant que Dieu confiait à Moïse.
“L’Éternel l’entendit » (verset 2) car toute parole a un Auditeur dans le ciel. L’Ecclésiaste donnera plus tard ce conseil : « Ne maudis pas le roi, même dans ta pensée… car l’oiseau des cieux en emporterait la voix, et ce qui a des ailes en divulguerait les paroles” Ecclésiaste 10. 20.
Dieu interrompit brusquement cet entretien. Si tout s’était passé jusque-là dans le secret, c’était publiquement que l’Éternel allait reprendre Aaron et Marie (verset 5). Il s’adressa à eux de façon solennelle (verset 6) et rendit témoignage à la fidélité de Moïse, que l’auteur de l’épître aux Hébreux rapprochera plus tard de celle de JésusHébreux 3. 1-6.
La Parole relève la douceur2 de ce serviteur (verset 3) : lorsqu’il s’agissait de ses propres intérêts, il se mettait volontiers en arrière, mais il était prompt à se mettre en colère lorsque ceux de Dieu étaient en jeu. Il est une belle figure du Seigneur Jésus, qui se définit aussi lui-même comme “doux et humble de cœur” Matthieu 11. 29 mais qui savait chasser les marchands hors de “la maison de son Père” Jean 2. 13-16 ; Matthieu 21. 12, 13.
Marie fut frappée de lèpre (verset 10) ; cette plaie manifestait publiquement son état intérieur et la gravité de la maladie indiquait celle du péché commis. Aaron eut l’honnêteté et la droiture de confesser sa faute à Moïse (verset 11). La main de Dieu qui s’était appesantie sur Marie épargna Aaron car la grâce avait travaillé dans son cœur pour produire cet esprit de confession et de repentance.
Quant à Moïse, bien qu’offensé par sa sœur, il reprit immédiatement son rôle d’intercesseur devant Dieu. Il était le seul moralement à pouvoir le faire, car Aaron, bien que sacrificateur, n’était pas dans l’état convenable.
Ce péché eut une lourde conséquence pour tout le peuple, puisque le camp stationna sept jours3. Marie ne fut pas abandonnée dans le désert, mais la grâce de Dieu permit que la prophétesse, qui avait chanté la délivrance au bord de la mer RougeExode 15. 20, 21, participe à la suite du voyage du peuple.
Quel exemple de miséricorde pour nous, qui aurions volontiers poussé pour que le peuple ne soit pas immobilisé si longtemps. Les fils d’Israël étaient solidaires et concernés par ce qui arrivait à l’une d’entre eux.
Plus tard, Moïse rappellera cet incident : “Prends garde à la plaie de la lèpre, afin de bien observer et de faire selon tout ce que les sacrificateurs, les Lévites, vous enseigneront ; vous prendrez garde à faire comme je leur ai commandé. Souviens-toi de ce que l’Éternel, ton Dieu, fit à Marie dans le chemin, quand vous sortiez d’Égypte” Deutéronome 24. 8, 9. Par là, Moïse montrait à chacun (“toi”) qu’il avait la même nature charnelle et qu’il devait veiller pour juger préventivement tout mouvement semblable.
Ce récit nous montre combien il est dangereux de parler contre un frère ou une sœur, et plus encore contre un serviteur de Dieu ou un ancien1 Timothée 5. 19. Même si nos propos se nourrissent de faits réels et sont justifiés par les meilleurs prétextes, ils ne font souvent que révéler notre jalousie. La racine de ce mal est l’orgueil, le sentiment de notre propre importance (verset 2), alors que nous sommes invités à regarder non pas à ce qui est à nous mais à ce qui est aux autresPhilippiens 2. 4. L’apôtre Pierre nous exhorte à rejeter “l’envie et toutes médisances” 41 Pierre 2. 1.
En transposant dans le langage du N.T., on pourrait penser que la réaction de Marie est spirituellement juste : c’est celle d’une sœur âgée qui dénonce une alliance en dehors du peuple de Dieu. Mais Dieu regarde au cœur : il sait distinguer entre l’apparence et les motifs réels qui nous font agir. Quand nous jugeons les autres, il arrive souvent que Dieu nous amène à juger notre propre état…
L’attitude de Moïse nous indique comment réagir si l’on nous attaque injustement. Au lieu de nous rebiffer, de nous justifier – pire, de commencer nous-mêmes à attaquer – prions pour le relèvement de notre accusateurLuc 6. 27, 28.
Marie avait été fidèle dans la garde de son frèreExode 2. 4 et avait guidé les chœurs des femmes à la mer Rouge, mais elle restait une femme avec “les mêmes passions que nous” Jacques 5. 17. Quelle que soit notre piété passée elle ne nous met pas à l’abri d’une chute.
A la suite d’autres couples du Pentateuque (Joseph et Asnath entre autres), l’union de Moïse et de la femme éthiopienne peut être vue comme une image de l’union de Christ et de l’Église, tirée des nations. L’extension de la grâce aux nations a excité la jalousie des Juifs (représentés par Aaron et Marie). La colère de Dieu est alors venue sur eux mais sa miséricorde les rétablira lorsqu’ils auront confessé leur péché.