La contestation de Moïse est surprenante, alors qu’il était un homme dont l’Éternel reconnaissait la douceur. Mais un état général d’infidélité met particulièrement à l’épreuve les plus fidèles, qui sont parfois gagnés par le découragement ou l’exaspération. Les cinq questions de Moïse à l’Éternel (versets 11-13) montrent l’étendue de son découragement. Elles montrent aussi qu’il se centrait sur lui-même (notez la répétition de la première personne du singulier). Moïse n’était pas appelé à porter seul le fardeau du peuple. Le Dieu vivant, qui seul pouvait servir d’yeux dans le désert, était aussi le seul apte à porter ce peuple “comme un homme porte son fils dans tout le chemin” Deutéronome 1. 31.
Ne nous arrive-t-il pas parfois d’éprouver de pareils sentiments ? Si le Seigneur nous a confié quelque responsabilité, il ne veut pas que nous nous sentions écrasés par elle, mais que nous nous confiions en sa seule grâce pour faire face à cette charge. Nous ne pourrons jamais nourrir nous-mêmes le peuple de Dieu. “Qui est suffisant pour ces choses ?” 2 Corinthiens 2. 16 Rappelons toujours que “notre capacité vient de Dieu” et non pas de nous2 Corinthiens 3. 5.
L’Éternel répondit d’abord aux reproches de Moïse, car plus la proximité de Dieu est grande, plus directe est la réprobation. 70 anciens lui furent donc adjoints pour porter le peuple.
Déjà, en Exode 18, son beau-père Jéthro lui avait conseillé de se faire aider pour administrer le peuple. Moïse avait suivi cet avis qui avait été soumis à l’approbation de DieuExode 18. 21-23. Aucun commentaire négatif n’est rajouté sur cet épisode dans le DeutéronomeDeutéronome 1. 9-18. Ici, le cas est différent : il ne s’agit plus d’administration mais de responsabilité. L’Éternel ne fit que répartir différemment l’Esprit qu’il avait mis sur Moïse.
Deux applications de ce récit se dégagent pour nous aujourd’hui, sous la forme d’un parallèle et d’un contraste.
Ensuite l’Éternel répondit aux murmures du peuple… en accédant à leur demande. Cela nous montre qu’un exaucement n’est pas forcément la preuve de bonnes relations avec Dieu ; ce peut être au contraire un jugement de sa part quand la demande vient d’un cœur charnel2.
En fait, c’est souvent une grâce du Seigneur que nous ne recevions pas ce que nous avons demandé, car il nous arrive bien des fois de mériter ce reproche : “Vous demandez mal, afin de le dépenser pour vos voluptés” Jacques 4. 3.
Le moyen de jugement correspondit à la revendication apparente (versets 18-20a). Mais Dieu dévoile le fond des choses (verset 20b) ; le motif profond du peuple était plus grave encore : “Vous avez méprisé l’Éternel”.
La réponse de Dieu surprit tellement Moïse que ce dernier émit encore une objection (versets 21, 22). Il devait apprendre que Dieu “peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons” Éphésiens 3. 20. Quelles que soient les impossibilités apparentes ou les objections rationnelles, comptons sur le bras puissant et la main forte du Dieu tout-puissant à qui rien n’est impossibleÉsaïe 50. 2 ; Luc 1. 37. Les obstacles, s’il y en a, sont de notre côtéÉsaïe 59. 1, 2.
Comme l’Éternel l’avait annoncé, l’Esprit vint sur 70 anciens qui prophétisèrent. C’était la preuve extérieure, visible pour tout le peuple, de l’autorité spirituelle que Dieu conférait désormais à ces hommes.
Un incident survint alors : deux hommes qui n’étaient pas sortis du camp avec les 70, se mirent eux aussi à prophétiser. Josué, dans la rigueur de sa jeunesse, voulut les en empêcher. Quelle belle réponse lui fit alors Moïse ! “Es-tu jaloux pour moi ? Ah ! que plutôt tout le peuple de l’Éternel soit prophète !” Ces paroles montrent que Moïse avait été rapidement rétabli, après ses deux défaillances (versets 11-15, 21-23). Il ne cherchait pas sa gloire, mais il était jaloux pour Dieu seul. Ainsi il pouvait se réjouir librement de ce que Dieu donnait à d’autres. Sa largeur de cœur rappelle celle du Seigneur : à Jean qui avait défendu à un homme de chasser les démons au nom de Jésus parce qu’il ne suivait pas Jésus avec les disciples, le Seigneur répond : “Ne le lui défendez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous” Luc 9. 4-, 50.
Dieu n’est lié par rien et il lui plaît de montrer sa grâce en agissant par des moyens qui ne nous paraissent peut-être pas convenables ou adéquats. Aucun individu ni aucun groupe n’a l’exclusivité des dons. Le Seigneur donne comme il l’entend et à qui il veut. Ce n’est pas à nous de réglementer le canal de bénédiction par lequel les dons parviennent aux croyants. Ayons la largeur de vue de Paul qui se réjouissait sans arrière-pensée de ce que l’évangile était annoncé, même par “esprit de parti” Philippiens 1. 15-18 et rejetons avec vigueur toute pensée sectaire qui viserait à restreindre l’action de Dieu aux seules personnes avec lesquelles nous pouvons avoir une pleine communion.
Comme toujours, la parole de l’Éternel s’accomplit. Il montra sa puissance en couvrant le camp de cailles. Mais le résultat en fut un profond dégoût : “Ils furent remplis de convoitise dans le désert, et ils tentèrent Dieu dans le lieu désolé ; et il leur donna ce qu’ils avaient demandé, mais il envoya la consomption3 dans leurs âmes” Psaume 106. 14, 15. Ce dépérissement de l’âme, n’est-ce pas ce que provoquent aussi des satisfactions charnelles sans l’approbation de Dieu1 Pierre 2. 11 ?
Le zèle des Israélites pour amasser la viande est impressionnant : dix khomers font environ une tonne ! En dépit des efforts du peuple pour transformer ces trop nombreux oiseaux en viande séchée (verset 32 b), leur chair pourrit sous le chaud soleil du désert.
Ce récit est une solennelle illustration de ce verset : “Celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption” Galates 6. 8.