Dans son réquisitoire, Tertulle a très habilement impliqué le commandant Lysias. Félix saisit ce prétexte pour ajourner lâchement l’instruction. Comme il s’agit d’une dispute religieuse, Lysias doit aussi être entendu. En aucun cas, Félix ne veut aller contre le sanhédrin. Il fuit la voix de sa conscience et préfère la voie de la facilité au mépris de la justice, car il sait l’accusé innocent.
Quelques jours après, Félix revient à Césarée. Il est accompagné de sa femme Drusille (elle n’avait pas plus de vingt ans).
Félix fait appeler Paul pour l’entendre sur la foi en Christ. Sa curiosité est intellectuelle et ses intérêts politiques. Peu importe, Paul saisit l’occasion qui lui est offerte pour annoncer l’évangile à cet homme puissant mais peu recommandableÉphésiens 5. 16 ; Colossiens 4. 5. L’intention de Dieu est que Paul témoigne devant les grands de ce monde conformément au programme qu’il lui avait donné lors de sa conversion (9. 15).
Paul discourt sur trois thèmes graves mais toujours impopulaires : la justice, la maîtrise de soi et le jugement à venir.
La justice comprend trois aspects :
Qui de Paul ou de Félix est le plus libre et le plus maître de lui ? Paul, le prisonnier, pur dans sa vie, ou Félix, le gouverneur, lié par des passions infâmes ? En discourant sur la maîtrise de soi, Paul cherche à atteindre Félix dans sa conscience. La foi chrétienne n’est pas abstraite. L’évangile a des conséquences pratiques sur la conduite de la vie. En voyant la tournure que prend l’entretien et face aux hautes exigences morales de Dieu1 Corinthiens 9. 25-27, on comprend que Félix soit mal à l’aise. Il est tout effrayé car sa conscience, ce témoin intérieur et commun à tous les êtres humains qui évalue le caractère juste ou injuste de nos motivations et de nos actionsRomains 2. 15, lui parle.
Beaucoup de personnes sont prêtes à parler des principes et de la doctrine de l’évangile aussi longtemps que la discussion ne touche pas à leur vie personnelle. Quand c’est le cas, plusieurs fuient ou résistent. Mais le but de l’évangile est précisément de transformer des vies par la puissance de Dieu.
Que dire de quelques années de notoriété acquise par des moyens odieux en face de l’éternité ? Les hommes ont deux grandes peurs : la peur de la mortHébreux 2. 15 et, quand leur conscience n’est pas complètement cautérisée1 Timothée 4. 2, la peur du jugement. Mais un sentiment de peur n’est pas suffisant pour produire une rupture avec le péché. Félix en est un exemple frappant.
Jamais Félix n’avait entendu de telles paroles. Il en est tout effrayé, mais n’agit pas en conséquence. Plutôt que de décider de changer de vie, il renvoie Paul et remet à plus tard un nouvel entretien. Son refus d’accepter l’évangile cautérise sa conscience. Cupide, il n’est maintenant intéressé que par l’argent qu’il pense obtenir de Paul. Mais l’apôtre est incorruptible. Il refuse de donner des pots-de-vin. Cela lui vaut deux ans de prison. Marcher dans la vérité3 Jean 3 n’attire pas l’amitié de ce monde, mais garantit la paix de Dieu qui surpasse tout ce que nous pouvons comprendrePhilippiens 4. 7.
Félix a raté l’occasion de se repentir et de suivre Jésus Christ. Ce moment favorable où la conscience est touchée ne se représentera pas malgré les nombreux entretiens qu’il a par la suite avec Paul. “On ne se moque pas de Dieu” Galates 6. 7, on ne méprise pas ses serviteurs impunément. Dans la vie des hommes hostiles à l’évangile, il peut y avoir un point de non-retour.
Les dirigeants ajustent souvent leur politique pour plaire aux religieux influents du pays. C’est le cas de Félix qui se maintient par force et par ruse. Mais il se rend encore plus odieux. Pour garder son poste en gagnant la faveur des Juifs, Félix n’hésite pas à laisser Paul en prison, toutefois avec un certain degré de considération : les siens peuvent venir le voir. Le fait que Paul était citoyen romain et qu’aucun des chefs d’accusation n’avait été prouvé peut expliquer ce régime de faveur. Dieu permet ainsi que Paul établisse son quartier général à Césarée. Deux ans passent. Félix est déchu de son poste. (Grâce à des influences, il peut sauver sa tête de justesse.) A sa place, Néron nomme Porcius Festus (en 58 ap. J.-C.) qui meurt deux ans plus tard.